On ne lui avait pas donné de diplôme à Odalie, sans surprise de toutes les heures qu’elle avait passé à frauder dans le métro plutôt qu’à rester bien assise en classe pour écouter des cours desquels elle ne se souviendrait pas de toute façon. Elle aimait bien ça, les vacances, ça ne changeait rien à ses journées de glande mais au moins on la laissait dormir le matin, elle pouvait s’échapper le soir sans avoir peur des représailles, et puis personne ne la regardait bizarrement de profiter du soleil à l’heure où les têtes blondes de son âge étaient censées être enfermées dans une salle de classe. Et puis les fêtes organisées par ceux qui n’en pouvaient plus d’être à l’intérieur, par ceux qui avaient déjà peur qu’on les rejette en cage, elle aimait ça, les fêtes où on se dépêchait de profiter de la liberté qu’on ne pourrait bientôt plus toucher. Cette fois c’était la Concierge qui leur avait organisé ça, avec une gentillesse qu’on ne lui connaissait pas elle avait débarrassé l’ancienne chaufferie pour les gamins, elle avait même passé sa main dans les cheveux d’Odalie pour lui de ne pas s’en faire, tu l’auras l’année prochaine. Mais personne n’y croyait plus, à ce mensonge-là. Elle avait une odeur bizarre, la Concierge, la même odeur que celle qui planait dans l’ancienne chaufferie, là où elle était près de la table pour picorer quelques chips craquantes, perdue dans la foule mince qui se déhanchaient déjà sur les musiques de l’été à venir, elle attendait Odalie, qu'on vienne lui parler, qu'on ramène de l'alcool, elle attendait avec ses yeux perdus dans la vide que la soirée commence.

Savoir quand se mélanger, quand se mêler aux autres, et quand rester seule et ne pas se faire remarquer. Depuis qu'elle est arrivée, Elvis est obligée de calculer chacun de ses gestes, chacune de ses actions pour n'éveiller aucun soupçon. Elle a beau se douter qu'elle est probablement pas la seule personne du Bronx, ni même de l'immeuble à être dans cette situation, elle refuse de se faire attraper. Il est hors de question qu'elle pourrisse en prison. Pourtant, elle aimerait vraiment un peu de stabilité, se construire une nouvelle vie, même si ça sera jamais comme avant. Alors ce soir, elle se mêle un peu aux autres. Rencontrer des gens, ça fait toujours du bien, et ça aide à garder la tête hors de l'eau.

« Bonsoir. »

Elle parle pas fort, Elvis. C'est peut-être bien pour ça que personne lui répond. Ou alors c'est parce que comme d'habitude, personne la remarque. Elle passe inaperçue. C'est bien aussi, d'un côté. Y a pas encore beaucoup de monde, et ça devrait l'encourager à parler à quelques personnes. Mais elle y arrive pas. L'idée de boire un verre pour se détendre lui traverse l'esprit, mais en s'approchant du buffet, elle découvre qu'il n'y a pas d'alcool. Soirée d'étudiants, en même temps. Tant pis. Ses yeux parcourent les bouteilles disposées, incapable de faire un choix. Quelque chose la bouscule un peu, au niveau du mollet. C'est un fauteuil, duquel elle s'empresse de s'écarter.

« Pardon, excusez-moi. »

Elle aime pas gêner les gens. Elle a peur de se prendre une réflexion. En fait, depuis qu'elle est partie de chez elle, elle a peur de tout.

Bien trop occupé à larver sur ton canapé, voilà qu’un type, encore un nouvel inconnu d’ailleurs, rentre chez toi et te bouscule. Paraît qu’il a pour mission de t’emmener à une fête organisée dans la chaufferie. Et puis quoi encore ! Tu vocifères, tu l’insultes, parce que t’as foutrement aucune envie d’aller te sociabiliser. Tu préfères largement dépérir chez toi. Qui plus est vu ton état, bien que les traces sur ton visage ont pratiquement toutes disparues. Mais vraisemblablement, t’as pas ton mot à dire, alors tu te contentes de feuler comme le chat sauvage que tu es. Tu râles, ouvertement, mais de toute manière dès que le type commence à te manipuler, tu ne peux pas faire grand chose.

Lorsque t’arrives à la fête, accompagné de ton chaperon, la première chose que tu remarques c’est qu’il n’y a pas d’alcool. Mais t’es semble-t-il pas le seul à t’en rendre compte. Tu fronces les sourcils. Est-ce que cette soirée peut décemment être pire ? T’es pas sur. T’avais bon espoir de pouvoir au moins te bourrer la gueule. Tu renverses la tête en arrière dans un soupir « Fait chier » Que tu lâches simplement, avouant ton désespoir. Mais le brun qui te sert de nounou renchéri. « Mr Patte folle t’emmerde » Que tu réponds simplement, avec ta politesse habituelle, tandis qu’il commence à te pousser pour que vous vous dirigiez vers la bouffe. « En plus j’sais même pas qui tu es, tu débarques comme ça chez moi et tu m’embarques, j’imagine que c’est encore l’autre molosse qui t’a demandé de faire ça » Craches tu d’un ton lourd de reproche pour Nero qui goutera, plus tard, à ta bonne humeur légendaire, accentuée par le fait que tu sois pour le moment, handicapé et donc particulièrement frustré. C'est là que vous heurtez une nana, qui s'empresse de s'excuser, mais ta bonne humeur aidant, tu te contentes de lâcher un « Bouge » tout sauf aimable. Oh la nana a beau être mignonne, t'es dans ta bulle de méchanceté gratuite.

La fête tardait à commencer, les notes ne se répercutaient sur aucun corps en transe sur la piste de danse, rien d’autre qu’un touriste perdu et son bob venu s’échouer près du buffet et qui lui arracha un sourire. Ne lui avait-on jamais dit que dans les livres saints de la mode une telle infamie était proscrite ? Elle entendait encore les sacro-saints commandements d’une prêtresse de la mode qu’elle ne connaissait pas sortir d’une télé qu’elle regardait sans y prêter attention, de bob tu ne porteras point. Odalie était prête à lui lancer des chips à défaut de trouver des pierres, mais de nulle part un illuminé se jetait sur lui et sur un tatoué qui trainait par-là, scène de vaudeville qui arracha à sa gorge un petit rire innocent. Mais la distraction de la scène se dissipa bien vite, si bien que de l’entremêlement inextricable elle finit par voir un homme échappé, verre vide et mine déçue, un brun un peu trop vieux pour sortir du lycée. Ils l’étaient tous, sauf peut-être celui en fauteuil qui venait d’arriver, mais elle n’avait maintenant d’yeux que pour l’adulte tranquille, toujours prête à se faire remarquer comme la petite adolescente qu’elle n’était plus. « Si vous en avez marre de l’orange, il y a de la bière. » Elle plongea la main dans un sac sur le côté de la table, sortant deux canettes fraiches, haussement de sourcil comme un air de défi tout en en tendant une à l'inconnu, prête à dévorer l'autre.

Pour une fois qu'il est tranquille, Freddie, les conneries viennent à lui. Il avait des chips en main et la seconde d'après, une bousculade, un jus d'orange et un magnifique bordel autour de lui. Ses yeux se posent sur le fautif alors qu'il ne dit rien, laissant seulement son corps se reculer de quelques pas. Merde, mec, ça va ? j'ai cru qu't'allais te ramasser la gueule sur une chaise. Et ça le fait marrer au Staniak, on voit un grand sourire sur sa gueule, accompagnée de sa barbe un peu trop longue. Son regard se redresse vers le coupable à qui il donne une légère tape dans l'épaule. T'en fais pas, y a pire. Et la bête se recule à nouveau pour laisser le tatoué respirer avant de se détacher d'eux. L'éméché plonge alors sa main dans sa poche pour attraper son téléphone et composer tant bien que mal un message. C'est pas qu'il se fait chier mais presque, entre les perchés, les handicapés et les ados, le polak commence à regretter amèrement son choix. Son regard traverse la pièce alors qu'il passe sa main dans sa nuque et s'attarde quelques secondes sur un brun qu'il draguerait bien bien s'il n'était pas déjà accompagné. ( @Aidan Williamson j'te mate à défaut de plus, j'assume.)

@Aodhan Jarvinen ramène-toi.

Le regard qui se pose sur le portable. Urgent. Il n’a pas la moindre idée de ce qu’il lui veut. Des mois à tenter de ne pas se laisser prendre par cette foutue attirance alors qu’il était en remplacement, trop de risque de se faire prendre, de perdre son boulot. Maintenant, il ne sait pas comment se comporter face à lui. Parce qu’il a le droit maintenant, mais Aodhan, il est perdu. Plus rien pour s’attacher.
Un soupire. Il se dirige vers l’endroit où Freddie doit se trouver. Cette relation qu’il ne comprend pas. Cette sensation qui le ronge dont il ne sait pas se défaire. L’interdit qui n’est plus vraiment un interdit. Le vent froid. Les mains dans le fond des poches, il finit par arriver à destination et il le cherche du regard. Lui. @Freddie Staniak. Il s’approche. Les paumes qui se posent contre les épaules pour le faire se retourner face à lui, pour laisser ses billes océans se poser au fond des siennes. « T’as du mal à tenir debout.» Rancune dans le fond de la voix. C’est lui qui est complètement ivre normalement. « Qu’est-ce qui est si urgent?» Les mains qui se détachent de lui et qui s’enfoncent au fond des poches. Aodhan qui ne sait pas comment se comporter. Relation compliquée.