Il avait les épaules lourdes et les pieds qui peinaient à décoller du sol, des perles de sueurs qui s’échappaient de son front pour mieux venir se perdre dans son cou. Il avait fini sa bouteille d’eau depuis longtemps, la sensation de soif l’ahurissait alors qu’il n’arrivait plus à se souvenir s’il avait commencé à courir il y a cinq mètres ou cinq heures. La gorge sèche, en feu, déchirée par l’air acide qui y pénétrait à la demande de ses poumons en berne, les bruits sourds autour de lui incapable de rentrer dans le creux de ses tympans assaillis des battements de son cœur, ses tempes prêtes à exploser alors que ses yeux commençaient à y voir flou. Il commençait pourtant à rattraper la foule, se fondre à nouveau dans le corps de coureur qui passait devant un immeuble particulier qu’il ne reconnut pas tout de suite, ne voyant que les gobelets vides à terre, les quelques gouttes transparentes se répandre sur le bitume sale, et puis ceux pleins qui l’attendaient à la buvette. Il se jeta dessus avec force, poussant sûrement quelques bénévoles sans s’en rendre compte, s’étalant à moitié sur la table à cause de ses jambes qui ne pouvaient plus le porter. Et puis, dans une rasade salvatrice, la vieille façade du parking. « Ché… Chérie… » Il criait ça sans savoir si elle avait déjà terminée la course, sans doute était-elle déjà chez elle, douchée et dans des vêtements propres, et lui ne franchirait pas la ligne d’arrivée avant l’année prochaine. « Je vais ren…trer je crois… » Mais il n’avait même plus la force de se séparer de la buvette.

Elle t’accueuille comme l’amie que tu sembles être devenue pour elle, et ça réchauffe tes entrailles. Tu as brusquement de nouveau l’impression d’être une princesse quand elle te prend les mains de cette façon. Tu te retiens de venir effleurer ses lèvres des siennes, sachant que ce n’est pas le comportement public de deux amis. Tu avais beau avoir frôlé l’overdose, tu n’en restais pas moins attentive aux codes sociaux. Surtout que tu n’avais aucune idée du fait que son mari puisse être là ou pas, et tu n’avais pas franchement envie de causer du tracas à ta jolie Cornélia. Tu souris sous la sensation de ses lèvres sur ta joue et plante tes deux grands yeux dans les siens pour lui répondre, d’une voix un peu trop posée pour être celle d’une personne qui va complètement bien. « J’ai eu … des soucis dernièrement. Mais je t’en parlerais en privé d’accord ? Et toi ? Tu es rayonnante comme toujours … A quoi veux-tu que j’aide ? Je peux tout faire, demande et je fais ! » Y compris t’embrasser, juste pour te remémorer la douceur de la nuit que vous aviez passer ensemble… Après tout, ce n’était pas parce que vous n’étiez que des amies, que vous ne pouviez pas avoir eu quelques soirées… plus ambigüe. Il n’y a pas de mal à vouloir le bien de son ami. Pas vrai ?

Tu vois le vieux Geerty qui court après sa femme sans doute, et tu t’approches, sans lâcher la main de Cornélia, comme deux copines d’écoles maternelles ne le supporteraient pas. « Ca va Geerty ? Tu vas pas nous faire le coup du bouche à bouche quand même ! » Tu lui fais un clin d’œil alors qu’une jeune femme lui tend une bouteille d’eau salvatrice.

La jolie mariée a surement compris ton stratagème mais tu fais comme si de rien était, lui servant un autre grand sourire face à sa réponse : même si t'as rein d'un bébé labrador, t'entendre dire que t'es adorable, ça te va parfaitement si ça sort de la charmante bouche d'une nymphe comme elle. Aaaah les coups de foudre au premier regard, t'y as jamais cru, sauf en ce qui concerne ceux pour les postérieurs. Et celui-là... Mamma, tu ne l'oublieras pas...
Attrapant quelques assiettes en plastique, tu les étales doucement, sifflotant presque comme Tom Sawyer, trop heureux pour la gueule de bois que tu te traines. Quelques bouts de banane dans l'une, des fruits secs dans l'autre, tu fais ça bien, comme un vrai scout ! Et quand tu relèves la tête, dans ton champ de mire, y'a.... @Geert Van Aanhout et ça, tu t'y attendais pas du tout. La bouche entrouverte depuis ce matador du X, devant celui qui t'as offert une chance quelques années auparavant, tu restes un peu baba, ta banane entre les mains (le fruit les amis, pas autre chose malgré la situation) Avançant vers le petit groupe qui tente de ranimer la célébrité, tu tentes le tout pour tout, comme si vous ne vous connaissiez pas. Peut-être qu'il ne te reconnaitra pas au fond... "Une banane pour aller mieux ? " Et tu lui tends le fruit, tel un bloc de pierre balancée dans une minuscule flaque : la discrétion, c'est vraiment pas pour toi Caïn.

@Geert Van Aanhout @Cornélia Jacobson @Roxanne Morrison @Abbie Stevens

Geert:

Tout était flou autour de lui, ses oreilles sourdes ne captaient que les bruits mats des pieds qui martelaient le sol sans s’attarder à essayer de comprendre les voix qui s’inquiétaient pour lui, ses yeux perdus entre les battements de son cœur fou ne lui renvoyaient qu’une vision floue du monde qui l’entourait, amas de quelques têtes qui semblaient tournoyer autour de lui. Il eut tout de même la présence d’esprit d’attraper le verre qu’une tête blonde lui tendait, haletant un « merci » à l’ombre blonde qui lui venait en aide, laissant admirer à tous sa descente qu’il ne sortait d’habitude que lors des grandes occasions, pour les pintes de bières. A croire que le jour de sa mort était la plus grande des occasions. Pourtant, après que l’eau soit venue refroidir son œsophage, son souffle revenait peu à peu à la normale, les visages autour de lui devenaient visibles, certains même se dotaient d’un nom, et, l’un d’entre eux, comme une apparition du passé, le surpris. « Caïn ? » réussit-il à articuler tout en se relavant difficilement – et en restant accroché à la buvette – pour mieux se concentrer sur le jeune homme qui lui faisait face. « Qu’est-ce que… Tu es bénévole, maintenant ? » Avec surprise, il piocha dans l’assiette en plastique qu’on lui tendait, un peu inquiet. Il n’était pas rare que les acteurs pour adulte s’engagent le temps d’un après-midi pour la bonne cause et l’éducation des jeunes qui regardaient avidement leurs exploits, mais le ton inquiet et saccadé du belge sous entendait une autre question : tu es malade ?