Sérieusement, tu avais fait des efforts ces derniers temps pour rester cool, pas jouer au con tout ça. La preuve, t’avais certes bu mais t’étais pas complètement ivre, certes plus que la plupart des locataires mais il s’agissait là de ton état quasi-naturel désormais. Tu aurais pu t’incruster auprès de Jack avec un sourire de faux-cul aux lèvres, venir en paix sauf que ce serait mal te connaître et voir ce type se rapprocher autant de Jack, tu n’aimais pas, du tout. Ce n’était pourtant pas comme si elle t’appartenait mais tu étais d’un naturel jaloux et possessif, faudrait qu’elle s’y fasse. Alors oui, t’avais allumé la mèche qui ferait sauter la baraque, t’étais loin d’être innocent mais ça, il suffisait de regarder ton super costume pour le savoir. Jack ne semble pourtant pas mal le prendre, un joli sourire se dessine sur ses lèvres, elle est belle même en costume moche. Prenant le petit sur ton bras, tu lui souris, vous étiez bien assortis tous les deux, chacun citrouille à sa manière, tandis que Jack venait se loger de l’autre côté. Petite chose fragile. Y’avait un truc qui clochait dans l’histoire, Jack d’habitude c’était une grande bouche, un regard moqueur et le petit mot qui fait plaisir mais ce soir tu sens qu’elle est mal et quand elle te demande à partir, ça t’énerve. Pas que tu veuilles rester non, tu t’en fous. Ça t’énerve juste que quelqu’un leur gâche la soirée à elle et Jude et pour une fois que ce n’est pas toi le problème, tu comptes bien en profiter. T’entends le mec que tu avais bousculé parler bête dans ton dos mais ça t’était bien égal. On t’avait suffisamment briefé sur le self-control à Rikers pour ne pas t’enflammer pour rien puis de toute manière, t’étais pas débile, tu savais bien que t’étais pas un canon. Sauf que la peste, elle se rapproche à nouveau de Jack et ça, t’acceptait déjà beaucoup moins. Zen Butler. Zeeeen. Puis il caquetait encore des conneries sur toi, sans doute te prenait-il pour plus débile que tu ne l’étais, sans doute. Le problème avec les débiles, c’est qu’ils s’en foutent des conséquences de leurs actes. Te reculant alors simplement, tu tirais un peu Jack vers toi en lui tendant Jude. « Faut que je te le rende deux secondes » Puis te tournant vers le type, tu plantais ton regard dans le sien. Zen. T’étais devenu un putain de Bouddhiste là. « En fait, je pense que tu la soules. j’le dis pour toi ça devient moche. Donc pour la deuxième fois, dégage » puis comme sur le ton de la confidence. « A la troisième, je serais peut-être moins poli. » L’arrivée d’un autre type ne te fit pas sourciller. Un air de ressemblance entre eux ? Formidable. Tu t’en foutais en vrai.

Tu traînais déjà du côté du bar à te fourrer des chips dans le bec tranquille quand la foule devint plus dense. Sérieux, il y avait tant de locataires à Parking ? La plupart, tu ne les avaient jamais vu alors tu hallucinais un peu de découvrir tout ce monde. Et bordel, il y avait tout ces gens et pas la jolie Isa. Toi qui espérais au moins la croiser histoire d’alimenter ton imagination pour les nuits suivantes, c’était visiblement raté. Non à la place de l’escort, c’est Marshall qui se ramenait en bougeait son boule d’une manière que tu n’imaginais même pas possible. Genre le mec c’est du chewing-gum dans ses hanches où quoi ? Et PAF. Une claque dans le dos. « Bouffon va » tu te marres quand même sauf qu’il ne trouve pas mieux que critiquer. Genre il ne s’est pas vu lui ? Bon..Ok le sien était mieux mais merde, toi tu ne pouvais pas sortir de chez toi, t’allait pas non plus piquer une robe à ta mère ! « Mais je t’emmerde déjà pour commencer, il est très bien. C’était ça ou découper mes rideaux pour un masque de Zorro qui ne serait même pas noir mais jaune tabac alors chut, imagine que c’est réussi. » Tu rigoles un peu parce que c’était la meilleure excuse que tu avais trouvé quand ton attention fut attirée par l’altercation de la clique (on ne les cite plus). « Regarde, ils ont la merde là bas… »

Tu reconnais son exaltation au ton de sa voix reptile ; tu sens son amusement face à tes jolis yeux charbons baissés sur tes petits pieds branlants. Merde, quelle conne, quelle abrutie, pourquoi t'es pas partie, pourquoi tu le laisses faire, tu te l'étais promis de pas le recroiser à ce bouffeur de chair, à ce geôlier à la con, ce salopard sans nom. Tu peux pas t'empêcher de te demander c'qu'il a envie de te dire ; tu peux pas ignorer ses yeux dans les tiens qui te promettent des confidences, comme avant, quand tu lui appartenais, la gueule dans la muselière, le harnais sur tes serres. Mais aujourd'hui, t'as les crocs qui te démangent et voir Dan et Jude impliqués dans tes sombres histoires te donne envie de dégueuler. "Si c'est encore un de tes putains de piège à la con, tu peux aller te faire foutre, Felice. Je marche plus." Puis c'est l'arrivée du grand frère qui te fait grincer les dents et t'arraches un sourire ironique : "Je t'emmerde, Scorza." Et évidemment, Daniel que tu sens devenir colère et rage, Daniel qui te rend ton fils, Daniel que t'aimerais pas voir jouer des poings. "Putain Dan, s'il te..." Puis, c'est le discours qui te laisse un peu con, qui promet de la violence que si Felice en cherche, qui prônerait presque le calme et la paix. Tu rajustes Jude sur ta hanche qui regarde la scène un peu curieux, un peu surpris. T'as l'impression que les monstres le font flipper, mais pas pour les bonnes raisons.

Cette soirée d'Halloween presque à domicile s'annonçait digne d'un asile en vue des conflits qui animait constamment l'immeuble. Que pouvais-tu demander de plus? Ce soir, tu serais le petit chaperon rouge, mais dans une version glauque : t'avais dégoté une longue cape pourpre et pour le reste, le faux-sang avait parfaitement su s'accorder aux vrais bleus et plaies qui ornaient ta peau. C'était un déguisement qui n'avait rien de vulgaire contrairement à la plupart des minettes prévisibles et ce côté pute qu'elles associaient à n'importe quel costume possible, comme on en voyait chaque année : des vampires en robe ras la salle de jeu, des infirmières en talons aiguilles, des harley quinn plus vraies que nature avec leurs décolletés faramineux. La seule touche osée dans ton ensemble, c'était tes lèvres habillées d'un rouge intense. Tu débarquais un peu tardivement, bouteille de vodka à la main, (à croire que le petit chaperon rouge a mal tourné.) et pour ne pas changer, tu t'approchais du groupe, attirée par le conflit comme un aimant, capuche rabattue et sourire carnassier aux lèvres.

T'as pas vraiment réfléchi à ce que t'allais faire de ta nuit mais t'as entendu parler de cette soirée au sous sol de l'immeuble et elle te nargue au fil des heures qui défilent sur ton radio-réveille. Le délire d'Halloween c'est pas vraiment pour toi mais rien ne t'empêche d'y aller. Disons juste pour faire un tour. Tu t'lèves et tu t'sappes sans prendre la peine d'avaler un truc ou de te coiffer comme il faut, c'est pas non plus ton trip. En fait, y'a pas beaucoup de chose qui t'branche à part le skate, la guitare et peut-être la lecture. Ouais faut pas croire, mais tu vas pas t'étaler sur le sujet plus longtemps. Tu détales de ton appartement après avoir enfilé ton vieux blouson en cuir et dégringoles les marches quatre-à-quatre jusqu'au sous sol. Y'a du monde, déjà, et tu lance l'assaut vers le bar sans guetter les gens autour de toi. Ils sont, pour beaucoup, déguisés mais tu te fous pas mal des commentaires désapprobateurs à ton encontre juste parce que t'as pas voulu enfiler un foutu costume que t'as pas en plus. Avant de prendre un verre, tu t'tournes et remarque le chaperon-rouge qui a bien changé depuis que t'es gamin. Tu t'approches, prends sa bouteille des mains et approche le goulot à tes lèvres dont tu bois deux grandes gorgées avant de le lui rendre. "Si on m'avait dit que le Chaperon Rouge allait finir comme ça, j'l'aurais jamais pris comme modèle de courage." Tu t'essuies la bouche du revers de la main avant d'envoyer un regard à la jolie Dasha l'œil brillant. "Que lui est-il arrivé ?" Tu marques une pause et reprends presque immédiatement. "Au Chaperon Rouge." Parce que oui, tu veux savoir après tout.

Elle hésite un instant, assise en tailleur sur son lit, sa penderie grande ouverte. Un déguisement de halloween, ça ne doit pas être bien compliqué à trouver, ou bien à fabriquer dans le vestiaire d’une fille. Hors de question d’être ridicule, elle illumine illico les sorcières, les citrouilles et autres horreurs que l’on peut croiser le trente et un octobre… Elle déniche un vieux tutu rose. D’où vient-t-il ? Elle a du mal à se rappeler, sûrement une vieille soirée déguisée, ou un vieux cadeau. Ça fera l’affaire. Un top crop noire. Parfait. Elle se crêpe un peu les cheveux, se maquille légèrement, pas beaucoup plus que d’habitude, elle n’a jamais aimé être trop maquillé d’ailleurs. Elle soupire un instant en voyant le résultat dans la glace. Ouais, pas terrible, peut mieux faire. Tant pis, ce sera comme ça, et si on lui demande en quoi elle est déguisée, elle répondra en cinglé. C’est la bonne excuse de n’avoir aucune conscience morale. Elle fouille quelques étagères de plus, à la recherche d’un ou de plusieurs accessoires qui pourrait donner du crédit à son costume. Une paire d’oreilles de chat. Parfait. Un faux flingue en plastique, encore mieux. « Ari’ magnes-toi y aura bientôt plus rien à boire ! », et c’est bien la seule raison qui peut lui donner envie de descendre à la soirée…

Finalement elles finissent par descendre au sous-sol, une bouteille en main. C’est un vieux fond de Vodka, mais ça fera l’affaire, de toute façon la plupart des locataires sera déjà alcoolisée. Y'as pas mal de monde quand elle arrive, elle repère tout de suite quelques visages connus : Al, Ugo, Dasha. De quoi passer une bonne soirée en théorie. Elle pose la bouteille sur le bar improvisé, n’échange qu’un regard subtil avec Ugo, s’éloigne un peu. À la prochaine chanson, elle ira danser. Promis, juré.

Les festivités avaient manifestement déjà bien commencés. J'arrivais, quelque peu en retard dans le sous-sol du Parking. J'me rappelle avoir vu un prospectus dans l'immeuble m'informant de cette soirée Halloween et bien que j'aurais surement mieux à faire, je suis venue.
Les soirées où les robes de cocktail sont de vigueurs, je les connais mieux que ce genre là. Les soirées assez amicales. Les amis, c'est le mot qui cloche dans la phrase. J'ai jamais eut l'envie ni la volonté d'avoir des tas de bons amis, une pute qui se cache du regard de sa famille, une fille qui veut rester mystérieuse mais dont les rumeurs montent ? J'peux pas vraiment avoir de vrais amis si je mens sans arrêt.
Un masque, aussi bien en déguisement que dans la vie, je le porte très bien. Ce soir j'ai voulu mettre un masque neutre, noir, en dentelles, laissant voir mes yeux bleus avec les tons verts. Bien que cela ne cachait rien de mon visage, mon maquillage très appuyé me cachait suffisamment.
J'avais entreprit d’acheter une robe, que l'on appelle déguisement. Une robe très industrielle noire et rouge, censée me déguiser en vampire -ouais y a pas plus cliché- et d'une perruque longue et noire. Finalement le résultat ressemble plus à la mère de la famille Adams qu'à autre chose, mais bon, ça me va, c'est le principal non ?J'arrive, dans ce sous-sol, un bocal rouge en main. Du ponch made by Isa avec des bonbon gluant en forme d'oeil.

Une fois au milieu de cette foule. Bon sang, y a du monde au Parking. Bref, une fois dans la foule, je réussis à me prendre un verre de ponch avec un oeil en bonbon dedans. Il me fixe, cet oeil, peu importe comment je tourne le verre. C'est très étrange, encore plus que l'effet que me donne ce gars des escaliers et que Guan réunit.
Je reste alors dans mon coin, buvant mon verre et fixant cet oeil étrange. Finalement, c'est moi qui devient étrange à fixer un oeil en bonbon...

Bon okay ce n'est pas le meilleur déguisement de la soirée, ni de l’année surement. Il ne sera pas sacré meilleur déguisement de la soirée d’ailleurs. Quoique, s’ils jugent l’artistique, pourquoi pas… Au fond c’est plus pour le taquiner, il s’en fout de son costume, il a dû faire comme lui, trouver une idée de dernière minute. Et à voir les costumes des autres locataires, Al ne s’en sort pas trop mal. « Bouffon va », il se marre quand même, tant mieux, il a de l’humour. Il sirote le verre qu’il a pioché sur la table tout en écoutant le gamin déblatéré contre ses conneries. « Mais je t’emmerde déjà pour commencer, il est très bien. C’était ça ou découper mes rideaux pour un masque de Zorro qui ne serait même pas noir mais jaune tabac alors chut, imagine que c’est réussi. » , il ne peut pas s’empêcher de rire à son tour, crachant un peu du liquide que contenait son verre. « Oh mec ! », il imagine facilement le résultat d’un tel costume. « T’aurais dû mettre des collants jaunes aussi… Zéro le Zorro ! », il est fier de son jeu de mots, continue de se marrer tout en vidant son verre. Ses yeux parcourent les nouveaux arrivants. Les déguisements dès un, des autres, les petits culs surtout. Pourvu qu’elle ne soit pas là. Où qu'elle soit là d’ailleurs. Qu’est-ce qui serait pire d’ailleurs ? Il pense à ça, ne remarque pas qu’à quelques pas les esprits s’échauffent. « Regarde, ils ont la merde là-bas… », il relève la tête, regarde un peu plus loin. Il fronce un peu les sourcils. Y'as Dan, la gosse blonde, son truc orange dans les bras et deux gars qu’il ne connaît pas. Ils n'ont pas l’air pote avec le cousin. « Merde c’est mon cousin… », pourquoi ça ne l’étonne même pas. Faut toujours qu’il se mette dans des situations à la con, à croire qu’il est fidèle à sa réputation. Il pose le verre sur une meuf assise à côté de lui, elle gueule un peu, mais il se barre déjà. Il fait signe à Al. « Ramène-toi ! », tout en faisant quelques pas vers le petit groupe de « rigolos ».

Le prospectus de l’ascenseur avait hanté Guan toute la journée. Ce soir, fête d’Halloween au Parking. En habillant ses morts, elle balançait le pour et le contre : y aller, oui ou non ? Elle avait passé l’âge de se déguiser, et, avec son métier, elle en voyait assez pour ne pas vouloir se pointer à ce genre de soirée. Il n’y avait rien de pire que le faux sang une fois qu’on en avait vu du vrai. Et puis, qu’est-ce qu’elle allait bien pouvoir mettre ? Elle avait toujours détesté se déguiser, elle héritait toujours des vieux déguisements des grands frères, trop grands pour elle. D’un autre côté, elle commençait à aimer le parking, la déprime des premières semaines semblait passer au fur et à mesure qu’elle faisait la connaissance des habitants. La fin de la journée n’arrivait pas : accident sur la cinquième, des corps à laver avant le matin. Elle ne quitte l’hôpital qu’après son service sans enlever sa blouse tâchée de tout et de rien, un peu de sang, un bout de cervelle échappée d’un cadavre… C’était parfait ça non ? Elle allait y aller à cette soirée. Il était temps qu’elle sorte de son trou, elle gonfle la poitrine, achète une bouteille chez l’épicier qui la regarde bizarrement, est remplie d'assurance quand elle franchit la porte du parking, commence à descendre les escaliers avant de rester interdite, devant la porte du sous-sol. Il y avait donc autant de monde que ça au Parking ? Elle se mordille la lèvre. Il était encore temps de faire demi-tour, remonter siroter sa bouteille tranquillement, au chaud, dans son lit… Et puis elle voit Isa. Elle est masquée, mais son regard perçant est reconnaissable entre mille. Sans s’en rendre compte, Guan avance doucement vers la blonde à la perruque, tout sourire, pose une main timide sur son épaule, et bafouille juste assez fort pour être entendu parmi la foule « sympa ton verre. »