il n’aime pas les Hommes, en fait il n’est pas à l’aise en société, certains clichés se révèlent vrais et c’est difficile à accepter, il a toujours vécu loin de tout dans sa campagne et affronter le monde c’est affronter les imbéciles qui y vivent, mais c’est aussi s’affronter soi-même, affronter ses défauts, affronter la part de stéréotypes qu’il a en lui • il est forgeron, il aime ce temps passé seul dans son atelier, il aime fabriquer des choses et surtout il aime l’argent qu’il gagne en les revendant à des particuliers, des passionnés du Moyen-Âge, des armes, des films… c’est ainsi qu’il se fait des économies pour racheter un jour sa maison • sa maison, celle qu’il a héritée de ses parents, qu’il a retapée et qu’il a dû revendre suite à la maladie de sa femme pour payer les frais d’hospitalisation, c’est sa sœur qui la lui a achetée, cette sœur détestée, qui a préféré partir pour la ville sans plus jamais donner de nouvelles, mais qui lui a tout de même promis de la lui laisser dès qu’il aura l’argent • toute son enfance il a été fasciné par le feu, il a déjà été inculpé pour départs d’incendie, on le disait pyromane, lui se savait juste attiré par les flammes dévorant les bâtisses, il a perdu cette étincelle depuis la mort de sa femme • il est maintenant laconique, lent, comme éteint, il ne s’emporte que très rarement mais lorsqu’il brûle de rage et qu’il explose, il devient effrayant, son visage se transforme en une grimace terrifiante ; il a beaucoup effrayé sa femme, parce qu’elle ne se battait pas assez, parce qu’elle n’était pas égoïste, parce qu’elle voulait qu’il la laisse pour retrouver sa vie à la campagne • cinq années plus tard, il lui arrive encore de voir son visage pâle et ses yeux vides dans son sommeil, il l’entend encore le supplier de ne pas la frapper, qu’elle veut mourir, partir, pour lui, pour elle • il hait les choix qu’il a dû faire, les réactions qu’il a eues, il essaie depuis longtemps de se relever, de faire face, de s’autoriser à aller voir un psychologue, mais les cannettes ne coûtent pas cher à l’épicerie du coin, et la solitude l’étreint si fermement maintenant qu’il a dû mal à s’en défaire • sa première bière, il l’ouvre au boulot à huit heures le matin et il continue à s’abreuver toute la journée sans compter, il rentre le soir sale, en sueur, totalement dans son monde ; l’alcool le rend paradoxal, si mou et pourtant dangereux lorsqu’on se montre trop persistant • il ne se rend pas service en buvant tellement, c’est un homme logique, intelligent, un manuel à l’esprit aiguisé, il perd néanmoins sa répartie, sa bouche est trop pâteuse, son esprit plus assez vif, et puis, il n’aime pas parler de toute façon, il se tait et contemple ses objectifs • quand sa femme était en train d’agoniser à l’hôpital, enfermée entre quatre murs, sans visite parce qu’il trimait dur pour lui payer ses soins et sa chambre, il lui arrivait de voir d’autres femmes, peut-être pour oublier, par cruauté, pour se sentir fort et homme dans ces moments de sa vie où il lui arrivait de chialer le soir en songeant qu’il avait épousé la mauvaise nana, ou qu’elle avait choisi le type le plus connard, un mec incapable de l’aider à faire face • il faut vraiment lui prouver que vous avez de la valeur pour qu’il s’intéresse à vous, sinon, pour lui, vous êtes juste de passage, un visage de plus dans ce monde chaotique, un cliché de plus à critiquer, parce qu’il s’arrêtera aux apparences sans chercher à creuser • on dit de lui qu’il est misogyne, homophobe, raciste, un antisocial complet, mais il n’est rien de tout ça, il est juste incapable de s’ouvrir et d’accepter qu’on s’ouvre à lui, il n’arrive plus à accepter qu’on pénètre en son cœur, il veut juste repartir dans sa campagne, loin de ses souvenirs, loin de la mort, près de la nature et de la liberté.