Manger, il n’y a que ça de vrai. Des hot-dog, bouffe américaine par excellence en plus, c’est juste LA tentation à laquelle tu ne peux résister, parce que ces salopards de vendeurs se positionnent toujours au milieu des trottoirs, excitant la faim des passants et réveillant sauvagement la vôtre, à tous ceux qui n’ont que les étoiles en guise de toit. Du coup, le hot-dog, c’est devenu un symbole, un Saint-Graal. Et Perceval à côté de vous, c’est un gamin en culottes courtes parce que quand Ventre crie famine, Dignité se fait la malle en courant.
Tes yeux ont cherché Molly : une occasion pareille ne se représentera pas deux fois dans l’été ! Et t’as jeté un de ces sourires radieux à Solal qui t’a accompagné timidement, ne comprenant sans doute pas l’intérêt d’une telle débauche de nourriture et le but réel de la compétition. A tes yeux, tout est clair: bouffe + gratuit, ça n’a fait qu’un tour dans ton esprit ! Bon sang, s’il ne doit en rester qu’un seul sur cette estrade, ce sera toi ! Quitte à en être malade, quitte à vomir tripes et boyaux le lendemain parce que tu n’es pas habitué ! Il fait chaud, beau, tu vis chez un chic type et ces hot-dog sentent décidément bien trop bon : y a comme qui dirait un morceau du paradis qu’est tombé sur le perron du Parking et tu comptes bien en profiter !

Alors tu t’avances, fier comme un paon et avec un sourire défrayant la chronique plaqué sur les lèvres : petit clin d’œil à Molly, en espérant qu’elle se jettera elle aussi dans l’aventure, et tu t’approches des tables prévues pour les concurrents.
- J’peux participer ?

Franchement, à te voir t’avais pas l’air d’être le genre de gars capable de bouffer pour quatre. T’étais maigre comme un clou et même si tes légumes se résumaient au thym sur ta pizza quatre fromage, t’avais un métabolisme à faire crever de jalousie n’importe quelle blonde. Sérieusement, ton alimentation n’avait vraiment rien d’équilibrée alors forcément, quand on t’avait dit que la concierge, elle avait pêté un câble (encore) et organisé un concours de malbouffe, c’était plus fort que toi, fallait que tu descendes de ta tour d’ivoire pour aller voir. Peut-être que tu pourrais chipper de quoi manger en plus. Non parce que t’étais pas certain d’avoir envie de participer. Pas que ça te dérangeait de t’enfiler trente hot-dogs, ton estomac était rodé depuis l’arrivée de Badilon mais ça faisait pas très classe de s’empiffrer comme un goret devant tout le monde. Puis pire, imagine un peu si tu devais te plier en deux pour vomir ta vie ? Nan là tu serais foutu de chez foutu. Enfin, bref, t’étais pas convaincu de participer mais au moins, t’étais là à roder autour des stands, jetant un œil sur les autres participants. Genre s’il y avait un gros sac, c’était mort, t’affrontais pas ceux qui avaient vingt longueurs d’avance sur toi.

Concours de bouffe de hotdogs, sur le perron du Parking. Gratuit. Un truc pareil, ça serait vraiment con de le louper. Apparemment, Ysten est d'accord avec toi. Tu tombes en effet presque nez à nez avec le petiot (plus grand que toi, petiot quand même), alors que tu es en train de faire du gringue à Rebecca pour t'inscrire au concours toi aussi. Tu ne vois pas tout de suite Solal mais ton sourire s'élargit déjà grandement, avant d'achever de rayonner lorsque tu te rends compte de sa présence non loin de là. Sans vraiment avoir compris que les deux hommes étaient venus ensemble, tu lui fais un grand signe en guise de Bonjour sans lâcher la grappe de la concierge. Cette dernière accepte ta participation, bien que tu ne fasses pas partie des locataires de l'immeuble, et c'est l'apothéose : ta journée est gagnée. Tu te frottes alors les mains avec la satisfaction de savoir que tu auras un bon repas chaud dans le ventre d'ici peu de temps, avant d'entraîner Ysten un peu plus loin pour lui conseiller à voix basse :

« Tombe pas dans le piège. Mange bien, mais pas trop. »

Car ça serait encore plus con de se rendre malade pour une fois que vous pouvez manger à votre faim ! Et là est la clef : manger à votre faim, justement, mais ne pas vous faire éclater la panse. De toute façon vous n'avez aucune chance de gagner, à l'évidence. Trop peu entraînés à manger en grandes quantités que vous êtes... Sans compter que t'es pas là pour te donner en spectacle. Tu comptes bien savourer tes hot dogs tranquillement quitte à te faire huer par les spectateurs. Rien. A. Foutre.

Jamais de la vie tu ne mangerais d'hot dog. Pas que tu ne te sentais pas d'avoir le courage de gagner (même si bon, on n'allait pas parier sur toi évidemment...), mais parce que la viande te donnait envie de vomir maintenant. Tu devais être une des seules habitantes du Parking à être végétarienne et tant pis. Tu préférais avoir une conscience tranquille vis à vis des animaux que tu allais étudier dans le futur - au lieu de les soigner comme tu l'avais tant rêvé étant jeune. Tu ne serais alors juste qu'une petite spectatrice qui passerait inaperçu. Tu ne resterais même pas longtemps, juste quelques minutes pour voir comme ça se passe : tu n'as jamais vu de concours de ce genre, ça ne t'a jamais intéressé. Tu te demandais bien comment les humains avaient pu trouver une idée aussi débile, et il n'y avait pas que celui-là qui te faisait peur... Il y en avait bien des centaines d'autres dans le monde entier. Surtout dans les pays asiatiques là-bas... Enfin, t'en sais rien au final, tu fais que penser. Appuyée contre un arbre en face du stand, t'observes. Tu ne connais encore personne ici. Peut-être d'autres arriveront bientôt, après tout ça ne fait que commencer. Tu sors ton téléphone portable pour passer quelques messages en murmurant :

" Quelle connerie ce concours. " Heureusement la concierge était bien trop loin pour t'entendre, mais quelqu'un d'autre le pouvait.

Quelqu'un vient se mettre près de toi et tu ne comprends pas de suite que c'est à toi qu'il parle, ce concours semble pour lui être une façon de divertir les habitants du Parking, mais le quart d'entre eux n'étaient pas présents, alors à quoi bon ?

" Ils peuvent bien se divertir tout seuls. M'enfin... Il y en a deux ou trois qui tentent le coup. "

Des gens qui ne sont pas comme toi, qui ne sont pas végétariens, qui souhaitent simplement s'amuser en mangeant le plus de hot-dogs à la minute. Ton téléphone est bien plus intéressant. Mais tu poses tes yeux quelques secondes sur ton interlocuteur pour bien voir de qui il s'agit. Un grand brun avec beaucoup de tatouages... Il te fait penser Sio, qui est partie en Espagne et qui t'a laissée seule à l'appartement. Elle aussi à des tatouages. Toi aussi tu en as un, caché, sur ton poignet gauche : représentant un prénom d'une personne très importante à tes yeux. Ta mère.

@Karl Anderson

Tu termines de donner ton conseil à @Ysten Vinckers lorsque ton regard revient se poser sur @Solal Netchaïev, et que tu comprends que quelque chose ne va pas. Tu l’as connu suffisamment longtemps pour voir que le bleu qui colonise actuellement ses yeux n’est pas celui qui va avec un de ses sourires radieux. Sourire qui n’est d’ailleurs pas là. Tu lâches aussitôt le premier protégé pour aller au deuxième (ou l’inverse plutôt, d’ailleurs). « Ça va pas Solal ? » Tu tentes d’éviter de gueuler comme tu le fais un peu trop souvent mais de plutôt tamiser ta voix pour éviter de le mettre dans l’embarras et, comme Ysten est toujours juste à côté, tu le choppes par le bras. En réalité, tu tentes de changer les idées de Solal en faisant les présentations, sans te douter qu’elles sont faites depuis déjà plusieurs jours et que tu n’as rien de plus à leur apprendre sinon que... Que tu les connais tous les deux et que Solal a lui aussi connu la dureté de la vie dans la rue. Information que tu as quand même la présence d’esprit de retenir, pour te contenter d’un :

« Tiens, je te présente Ysten, c’est un petit gars qui traîne avec moi. Et lui, c’est Solal. C’est un grand danseur. »

Tu as ri aux paroles de Molly : la fougue de la jeunesse te colle au corps, pire qu’un diable à plusieurs queues. Ta seule envie, c’est de courir là-bas et de te goinfrer, d’avaler tous ces hot-dogs jusqu’à pouvoir rire d’avoir trop mangé. Oui, rire. Comme si plus rien ne comptait parce qu’enfin, t’avais ce trou sans fond qui te servait d’estomac rempli à ras bord ! Personne sauf Molly ne peut comprendre, évidemment et tu t’en fous.
Alors oui, tu ignores ses paroles pourtant sages : t’es bien trop naïf pour croire que tu en seras malade. Personne ne meurt de trop de bonheur, n’est-ce pas ? T’ignores même les paroles de Solal derrière toi, déjà si loin, et t’avances : oui il aurait pu te faire un de ses bons petits plats mais sans doute ne peut-il pas comprendre l’importance d’un festin aux yeux d’un type comme toi qui se contentait d’eau la plupart du temps pour se remplir la panse. Il est beau Solal, il est troublant : il est parfait. Alors évidemment, il ne peut pas comprendre parce que toi, tu transpires l’imperfection, l’envie et le désir. Il ne pourra jamais comprendre.

L’estrade te tend les bras mais déjà on attrape le tien pour te ramener sagement dans le giron de la foule, prés des deux personnes qui te connaissent. Tu te retrouves face à Solal, solidement maintenant par Molly qui s’attarde aux présentations, et tu tournes un regard terriblement amusé vers elle, tes lèvres s’étirant déjà en un sourire ravageur :
- Mais Molly, on se connaît déjà lui et moi !
Tu tournes alors ton regard vers lui, ce regard de môme qui semble renaître à la vie chaque jour qui passe.
- Hein Solal, dis-lui que…
Sauf que son regard à lui en sourit pas et il te glace le cœur : t’en perd aussitôt ta moue joyeuse et clignes des yeux, surpris. Y a soudain comme un nuage dans la lumière de ton bonheur enfantin.
- Solal, ça va ?

Tu maudis d’ores et déjà tes yeux trop bleus qui sont deux véritables miroirs des troubles agitant ton âme. Tu ne vas pas réussir à faire illusion et pourtant il le faut, car il est tout bonnement hors de question que l’un d’entre eux ne voient sa fête gâchée par une dispute qui ne les concerne pas. Tu connais Lhaar. Tu sais que ça ne durera pas, que vous aller vous réconcilier mais la blessure sur ton cœur n’en est as moins rude et douloureuse. Le rire d’Ysten te console un peu, il te fait songer qu’au moins, il y a quelqu’un qui est heureux ici, et apres tout, c’est bien pour cette raison que tu lui as permis d’entrer dans ta vie, pour essayer de mettre des couleurs dans sa vie comme on en avait remis dans la tienne.

C’est Molly qui te perce à jour la première et se penche à ton oreille pour te demander ce qui ne va pas. Tu souris timidement en faisant mine de la rassurer. Tu lui es reconnaissante de changer de sujet et elle s’occupe de te présenter à Ysten. Un sourire fleurit sur ton visage, même si la tristesse ne disparaît pas de tes yeux et tu laisses le gamin rétablir le début de la vérité avant qu’il ne plante ses yeux dans les siens. Et te perce à jour lui aussi. « Tout va bien rassurez vous. Il n’y a rien de grave. » Juste ton cœur qui se brise encore une fois, qui s’eprouve et se tord « En effet on se connaît… Je loge Ysten en ce moment. Le temps qu’il … Qu’il voudra. » Qu’il aille mieux c’etait l’excuse officielle. Qu’il voudra c’était la vérité brute. Tu essayes d’esquisser un sourire mais ton portable vibre, tu ouvres les yeux.
Ta gueule Solal. TA GUEULE.
Tu fermes les yeux et tu détournes pudiquement le regard en allumant une cigarette que tu glisses entre tes lèvres.

Ils se connaissent déjà lui et lui ? Mais c’est super ça ! Tu t’imagines qu’Ysten a peut-être croisé Solal dans la rue ou à l’un des foyers, à une distribution de nourriture par l’association avec laquelle il traînait il y a dix ans de ça quand il sortait tout juste de la rue lui-même. Cependant, on t’annonce que ton danseur loge carrément le petit. Ah ouais, quand même. C’est cool. C’est... non, c’est cool.

« T’as une chance pas possible, toi. »

Tu souris à Ysten en lui ébouriffant les cheveux (même si tu dois lever le bras putain de haut pour ça). Tu tiltes alors, étant donné l’immeuble devant lequel vous vous trouvez à l’instant et le fait que la concierge ait laissé Ysten s’inscrire sans souci.

« Mais... Tu habites au Parking Solal ? ....Solal ? »
Solal, il ne va pas bien du tout, contrairement à ce qu’il te raconte, et tu le vois très bien, n’en témoigne le tremblement de sa cigarette, que tu lui retires d’ailleurs de la bouche sans lui demander son avis, pour la jeter à terre et l’écraser sous ton talon, fermement.

« Tu sais ce que je pense de ce poison. »
Juste bon à te tuer la santé et le porte-monnaie d’un coup d’un seul. Il a à nouveau de l’argent mais ce n’est pas une raison pour le balancer dans de la fumée nocive.

« Tu veux qu’on aille causer dans un coin ? » tu lui offres.
La scène ne t’intéresse plus autant tout à coup. Dans le pire des cas, un hot dog il peut toujours t’en prendre un en rétribution après avoir vidé son sac. Puis tu espères qu’il va rester du rab à emporter à la fin, de toute façon.

Il n'avait pas tord, le tatoué. Oui, cette animation ne t'intéressait pas, la façon dont il le dit te fait lâcher un léger rire. Mais tu es quand même là, tu es en vacances, tu n'as pas grand chose à faire, à part traîner dans New York.

" C'est parce que je ne mange pas de viande, alors voir d'autre personne en manger ça ne m'intéresse pas trop non, mais je voulais voir ce que ça donnait. "

Et maintenant tu l'as vu et tu vas rentrer dans ton appartement, seule avec ta tortue. T'irais sûrement fureter sur internet pour voir ce qu'il se passe dans le monde, même dans la ville, beaucoup de célébrités habitent dans la Grande Pomme. Tous ne sont pas coincés vers chez toi, à Los Angeles et San Francisco sur la côté ouest. T'aimerais bien retourner là-bas, mais c'est ici qu'il y a ta famille maintenant. Tu ne peux pas machine arrière.

" J'attends un peu et je vais rentrer. Et toi ? "

Après tout, tu aimes bien faire de nouvelles rencontres, tu en oublies la politesse.

" Je m'appelle Sam. " Samantha, plus personne ne t'appelle comme ça. C'est Sam, c'est tout. Ton regard dérive vers les trois personnes en face qui t'intriguent. Eux, ils avaient l'air de se connaître. Mais tu ne les connaissais pas.