La fin de sa cigarette roulée entre les dents, le cul posé sur les trois marches de l’entrée de l’immeuble. 5:07AM. en vert fluo sur sa montre digitale. Casquette sur le crâne, jean trop large, gros sweat, basket. Parking dort mais parking s’éveille alors qu’Ørjan est resté assis ici toute la nuit.    
Le froid lui brûle le bout des doigts et sa cigarette ne le réchauffe pas. Ses mains tremblent un peu, le rouge sur ses joues, les gerçures sur ses lèvres, et les yeux cernés de noir.
Ørjan consomme la fatigue autant que la nicotine et le thc.
Ses ongles sont rongés par la culpabilité et y a cette douleur qu’il ressent dans sa poitrine.
Ses mains tremblent toujours ; le froid, le stress, le manque de sommeil.. il ne sait même plus différencier ses démons : Il y a ceux qui hantent son corps le jour et ceux qui hantent ses rêves la nuit. Des spectres. Des fantômes d’un passé qu’il tente d'oublier oublié.  
Assis dans le froid il observe les rituels de ceux qui vivent ici, toujours les mêmes : le gamin qui revient à 5:17 après avoir passé la nuit sur le trottoir, aujourd’hui son mac ne l’a pas frappé, il ne pleure pas mais il a l’air fatigué. Ce père de famille, au 12ème, descend deux minutes après que le gamin ait monté les marches de l’entrée, il a son gilet jaune fluo, et ne l’enleverra que ce soir quand il rentrera vers 23h. Puis ces deux étudiantes, quelques minutes plus tard, des étudiantes qui font le ménage dans la résidence à l’autre bout de la rue. La fenêtre du sixième s’ouvre, la mère gueule sur son fils, il n’a pas passé la nuit ici, elle l’engueule parce qu’elle a peur qu’il mette sa copine en cloque alors qu’il a juste passé la soirée à traîner avec le gang du quartier. Et ça continue, comme ça, toute la journée, les disputes, les violences conjugales, les pleures, les rires de joies parfois, des coups de feu souvent, ces gens qui vivent, qui survivent, qui rêvent et qu’Ørjan parce que lui, il ne fait rien de tout ça. Il est là, il attend.
Il ne travaille pas alors il attend.
Il attend qu’un mec vienne le voir, peu importe qui. Parfois c’est un mac qui lui demande des services, surveiller des filles surtout, ou faire peur seulement, on lui a déjà demandé de tester aussi. Généralement ce sont des dealers qui ne peuvent pas accéder à un endroit parce qu’ils sont trop connus, alors Ørjan va vendre à leur place. De temps en temps il fait affaire avec les trafiquants d’arme qui lui ont offert la sienne il y a quelques années de ça pour les avoir sorti d’une grosse emmerde. Ça lui arrive de faire la guet aussi, ouais, ça il le fait souvent. Il peut pas être suspect à observer de là où il est puisqu’il fait parti du décor. Les flics le connaissent, faut dire qu’il se prive pas de les insulter quand il est un peu trop saoul et qu’il n’a rien de mieux à faire de ses journées. C’est “un pauvre branleur, il est pas méchant laisse le gueuler James on va encore perdre notre temps à l'amener au poste”, ben ouais James, laisse le gueuler, comme ça il préviendra les trafiquants d’organe que vous êtes dans le coin et qu’ils doivent terminer le boulot s’ils ne veulent pas se faire coffrer.  
Mais pour l'instant il est là sur les marches, à attendre dans le froid en espérant qu’il aura de quoi se payer un nouveau paquet de cigarette avec ce qu’on lui demandera de faire de la journée.
Puis pour faire passer le temps, il siffle les filles.
Il leur dit qu’elles sont jolies.
Qu’elles peuvent le sucer si elles en ont envie.
(Mais pas tout de suite parce que la mamie du 13ème a besoin de lui pour descendre les marches et aller chez son kiné)
Puis peut-être que Badz va venir siffler avec lui après.
Peut-être même qu’il croisera Lizz et qu’il lui fera un sourire comme pour dire désolé. Parce que c’est plus simple les désolés en sourire que d’avouer qu’on est un grand frère merdique.
Puis il baissera les yeux si jamais il voit Dasha au loin, trop honteux d’avoir laisser ses poings l'abîmer alors qu’il a fuit ceux de son beau-père comme un lâche.  

Mais pour l’instant, il attend et laisse sa clope se consumer entre ses doigts.