When I say I'ma do something I do it, I don't give a damn what you think, I'm doing this for me, so fuck the world. Feed it beans, it's gassed up, if it thinks it's stopping me

Jamais je n’aurais pensé devoir rentrer dans un magasin pour cette raison. Je m’étais perdu dans les rayons, à la recherche de l’objet désiré, sans jamais réellement trouver chaussure à mon pied. J’avais de la chance de ne pas être dans mon secteur, de ce fait, peu voire quasiment personnes ne me (re)connaissaient. Cependant, les regards méfiants à mon égard se multipliaient et je comprenais leur incompréhension et jugement. Un mec comme moi, à la gueule fracassée et l’allure des mauvais jours qui se balade dans le rayon de jouets pour enfants ne fait pas l’unanimité. Je n’avais pas la prétention de vouloir paraitre plus abordable ou paternel pour un gosse mais je pouvais me vanter d’avoir fait l’effort, pour ma fille, d’aller dans ce putain de magasin et trouver quelque chose qui pourrait lui faire plaisir pour son Noël. A défaut d’être présent – étant donné que la mère jouait la louve protectrice – je tentais par tous les moyens de m’y faire une place. Mais j’étais carrément perdu dans tous ces jouets que je n’aurais jamais pu avoir dans ma vie de gosse. Des consoles, des poupées, des ballons, des jeux de société, des nouveautés, des trucs totalement high-tech qui me dépassaient… Je voyais dans ces jouets, une forme de contrôle sur les esprits, inciter les gosses à faire telle ou telle chose et les enfermer dans une pensée qui n’était peut-être pas la leur. Et outre cela, qu’est-ce qu’une petite fille de trois ans aimait ? La dernière Barbie ou ces affreuses poupées venues de l’au-delà qu’on appelait Monster High ? J’étais complètement à côté de la plaque et cela se voyait – ça se sentait aussi. Une vendeuse qui passait par là – et qui eut surement de la peine – m’avait proposé son aide et je n’avais pas pu refuser, elle fut cependant mal à l’aise face à mon éternel sympathie. Les questions furent d’autant plus dérangeantes que je ne savais quoi répondre et je pouvais lire dans ces yeux les jugements de toutes ces personnes. Ah, quel mauvais père. Ouais. C’est vrai, j’suis pas le meilleur dans le domaine mais j’vais finir par fracasser ta jolie gueule si tu continues à me regarder de la sorte. Elle n’a pas à me juger ni même à connaitre mon histoire, donc ces pensées d’avocates pouvaient être fourrées dans son cul. Je finis par choisir une poupée à l’effigie de la Reine des Neiges – le film d’animation qui avait fait fureur quelques temps plus tôt et dont la folie ne diminue guère – puis me dirigeai vers le Parking. La vendeuse avait pris soin de faire un joli paquet, me demandant si je voulais une carte de Noël pour écrire un petit mot. Mon refus ne l’étonna pas plus que cela. Déjà que j’achetais une poupée, si je devais écrire des mots qui ne seraient que de vulgaires mensonges… Mais je m’étais ravisé pour prendre cette carte. Je sais que nous étions à peine le premier décembre mais je préférais m’y prendre à l’avance. Parce que je ne savais pas comment m’y prendre autrement.

Une fois à l’appartement, je me chargeai d’écrire un simple « Joyeux Noël. » et de signer tout simplement par mon prénom – je n’arriverais peut-être jamais à dire « ton père » ou toutes autres conneries du genre. La carte fut mise dans l’enveloppe que je venais de coller contre le paquet. En plus de ce cadeau, j’avais écrit un petit mot à l’intention de Júlia, lui disant que je lui avais donné près de 1000$ et que, quoiqu’elle dise, je suis le père de cette gamine. Autrement dit, elle ne m’empêcherait pas de vouloir voir Zoila.
J’espérais d’ailleurs la croiser dans son appartement mais on ne m’offrit pas cette bénédiction lorsque ce fut Gabriel, le colocataire de Júlia, qui m’ouvrit.

« - Tiens, comme on se retrouve ? »

Oui je pouvais lui épargner ma mauvaise graine mais autant dire que je ne savais pas réagir autrement dans ce type de situation qui était par, la même occasion, totalement inédite pour moi. Pas besoin de faire les présentations, nous nous connaissions déjà avec Gabriel, cela faisait juste des mois que nous nous étions que croiser dans les couloirs ou dans le hall sans jamais vraiment s’adresser une parole ou un regard.

« - Júlia n’est pas là ? » et Zoila, est-elle là ?

J’avais peut-être l’air d’un con avec mon paquet cadeau perdu au fond du sac que je tenais fermement dans ma main. Et je recherchais du regard une quelconque silhouette, à l’affut du quelconque rire.