«
Tu fais quoi ici gamin?» La fumée entre les lèvres, le goût de cendre au fond de la gorge alors qu’il s’approche du corps sur le banc. Les phalanges qui s’enfoncent au fond des poches alors que les billes sombres dessinent les traits tirés. Il ne sait pas donner l’âge, il ne sait pas deviner. Pas encore paternel. Pas encore de gamin à s’occuper. L’état qui n’est pas bon. Les vêtements qu’il doit garder depuis des semaines, des mois. Il n’en sait rien l’italien. Les camées à ses pieds. Les conneries accumulées. Les trafics pour posséder la ville salie par les conneries. La famille Genovese qui prend de l’expansion et les membres pour le suivre les yeux fermés, peu importe la merde qu’il leur laisser entre les mains, qu’ils doivent assumer. Les assassinats. Les guerres. Le blanchiment d’argent. La pornographie. Les trafics multiples.
Il prend une place sur le banc, laisse la fumée lui ronger les poumons. Il souffle. Il laisse le gris filer entre les lèvres. «
Elle arrête pas de me dire que ça finira par me tuer, mais honnêtement, je ne pense pas que c’est ce qui arrivera. Ça sera autre chose.» Quelqu’un pour lui enfoncer un poignard dans le cœur. Il attend. Il attend la mort atroce, il la sait. Comme les autres avant lui.
La famille de trafiquants. La famille de déviant. Deux pères pour le dresser. Deux fous pour le dégouter. Deux êtres immondes auxquels il ne veut pas ressembler. Ils ont fini par crever à cause de l’argent qu’ils devaient, à cause de la merde qu’ils semaient. Les monstres détestés.
Le sang de l’arnaque dans les veines. Le nom connu par les membres. Les rangs qu’il a fini par gravir. Les rangs qu’il a fini par monter et le rôle de parrain qui lui a été donné vers la trentaine. Les crimes trop parfaits. Les missions menées à bien et la place restituée, la place demandée. La main qu’il tend. «
Viens.» Un toit qu’il va lui donner. Son toit. Il s'en fou de ce que la femme dira. Elle n'a pas le choix. Elle n'arrive pas à donner un gamin. «
Je te sors de là, mais tu dois faire ce que je te dis sans poser de question.» Le souffle. Le monstre qui demande. Le monstre qui prend, qui quémande. Un homme dans les rangs. Dressé pour tuer. Dressé pour les crimes à venir. Le sien. Son enfant. Son gamin maintenant.
---
La lame qui menace. La lame qui file contre la peau alors que le souffle se mélange à la peau. Il règne, mais les mains qu’il aime plonger dans le carmin. Fascination pour le pourpre qu’il aime tant, la peau souillée. «
T’as pas intérêt à revenir fouiller dans mes affaires encore une fois.» La main à la gorge. La main libre qui attrape la croix au cou, un baiser qui vient poser sur cette dernière. Trop croyant. L’église qu’il visite plusieurs fois par semaine. Quelques mots soufflés en italien. «
Tu iras voir ton patron pour lui faire de message, mais t’auras pas besoin de parler.» Les doigts qu’il enfonce au fond de la gorge, la langue qu’il extirpe de la bouche. La lame pour s’enfoncer dans la chair, le sang pour gicler au visage. Le corps qui se tend. Il tente de se débattre. Ça le grise. Les sensations qui pulsent dans les veines, le sourire qui file sur les lèvres alors qu’il laisse le morceau de chair s’écraser au sol. «
On le laisse là. Efface les preuves.» Un regard à celui qui lui sert d’assistant et il file.
Il s’en va. Il va retrouver le gamin. Il va retrouver son précieux enfant dont il s’occupe trop souvent. La tendresse qu’il ne se connait pas. Les doigts pour caresser la chevelure, mais la poigne pour se faire ferme l’instant d’après. La peur d’être comme eux, les paternels détestés, trop stupide pour ne pas se faire crever.
La porte qu’il pousse. L’heure tardive. Le sang qui traîne encore sur la peau. Le gamin qu’il forme pour devenir prédateur. Le gamin à modeler. Une bière qu’il attrape. Il entend les pieds glisser sur le plancher. Une année. Une année qu’il gravite autour de lui. Son fils illégitime. Son fils trouvé. La femme qui n’a rien dit, la femme qui se contente d’agir comme la mère. «
Tu fais quoi debout?» Le regard qu’il tourne, le rouge encore au visage. La douche qu’il doit prendre. C’est ce qu’il est à ses yeux. Un enfant. «
J’arrive pas à dormir.» Il ne sait pas le passé. Ils ne l’ont jamais abordé. Ça n’a pas d’importance à ses yeux. Il avale une gorgée de plus et s’approche, les doigts pour passer dans la chevelure. «
C’est bon. Je suis là. Va dormir.» La douche qu’il prend, le rouge pour filer à l’eau, le regard sur le liquide qui s’enfuit dans les tuyaux. Il le retrouve. Il se pose sur la chaise près du lit. Il veille sur le petit.
---
«
Tu devrais pas le garder. C’est pas la première connerie qu’il commet ce Merlin, faudrait le faire disparaître.» Blague de mauvais goût. Le pouls qui accélère, la mâchoire qui se contracte. Cette envie de lui enfoncer les doigts au fond des yeux. Il n’aime pas que les autres remettent son autorité en jeu, ses décisions. La mâchoire qui se contracte. Il ne comprend pas. Cette pulsion qui le prend quand les autres parlent de lui. Les phalanges qui s’enroulent autour de la gorge et le dos qui se plaque au mur. «
Ça serait plus saint si tu la fermais et tu me laissais gérer sans passer des commentaires inutiles.» Les doigts qui se font présents, qui se font imposant. Les iris qui se confrontent. Le souffle de l’autre qui se coupe. La lame qu’il prend entre ses doigts et qui vient caresser l’épiderme. Sourire narquois sur les lèvres. «
T’as encore envie de remettre en doute mes ordres?» La lame qui s’attarde dans la peau du visage, le carmin qui file contre la lame et le souffle qui s’échoue sur la peau de l’autre. Il n’aime pas les doutes. Il règne en maître, la terreur qu’il sème dans les caboches.
La lame s’échoue à la gorge. Peau qu’il convoite. Peau qu’il demande. Le carmin qui gicle. Le pourpre a visage. Il se tourne, la lame entre les doigts. Les yeux qui scrutent. Les yeux qui demandent. «
Quelqu’un d’autre à quelque chose à ajouter?» Le corps qui s’échoue au sol. Un cadavre de plus dans le sillage.
---
Surement une connerie. Une erreur. Il ne peut pas être de lui. Des doutes qui s’enfoncent au fond du crâne parce que l’âge concorde, le temps concorde. La femme trompée. La femme bafouée pour être remplacée par celle qui réside encore à ses côtés. La parfaite pour lui. La parfaite dont il ne se lasse pas, même si les courbes semblent fades parfois. Il l’aime. De cet amour qu’il ne comprend pas. Les pas s’impriment dans le sol alors que les phalanges s’enfoncent dans le fond des poches. Il a besoin de savoir s’il est réellement le sien ou cela n’est que simple coïncidence. Amir. «
J’ai besoin que tu saches s’il est de moi ce gamin. J’espère que non. Cela serait une honte et je veux en avoir le cœur net.» Les activités qui ne lui plaisent pas, les préférences qu’il ne comprend pas et cette erreur ne peut simplement pas être de lui. Pas son sang. Pas sa chaire. Il ne l’accepte pas Demetrio. «
Tu fais ça le plus rapidement possible et tu gardes ça pour toi.» Quelques billets qu’il tend. Il n’a pas envie que le bruit s’échappe, il n’a pas envie que les autres sachent que cet enfant pourrait être de lui. Garder sous silence.
---
Les iris qui se confrontent un moment. Il le connait depuis longtemps. Les années qu’il ne compte plus. «
J’ai besoin de toi. » Le papier qu’il tend et qui vient se terminer entre les phalanges de l’italien. Demetrio, il laisse son regard se poser sur le nom, sur l’adresse. Une passion qu’il entretient depuis des années. Faire couler le carmin. Les cadavres semés, les cadavres accumulés. Des services qu’ils se rendent. Des morts pour des femmes. Le papier se glisse au fond de la poche alors qu’il fait un pas pour se rapprocher, sourire carnassier pour étirer les lèvres. «
Tu devrais venir avec moi Francesco. Je pourrais te donner quelques trucs. Tu ne sais pas ce que tu manques.» Ça le grise. Ça l’allume. Les morts. Le carmin entre les doigts. Les frissons pour passer sur la peau, pour le posséder. La paume qui se pose contre l’épaule et le regard qu’il attrape. Commerce depuis des années. Relation entre eux. Cette confiance aveugle qu’il pose en lui. Les autres qui le recommandent de ne plus le servir, de ne plus l’aider. Demetrio qui salit les mains pour lui, pour le plaisir. Le travail n’est jamais mieux faire que par soi-même. Franco qui ne cède pas, qui ne cède jamais aux demandes lancer. Qu’il vienne. Qu’il contemple l’horreur. Qu’il contemple la beauté de la mort. Le refus qu’il essuie une fois de plus et les phalanges qui se serrent contre l’épaule. «
La prochaine fois, je t’y attire dans te le demander.» La main qui relâche le bras et il contourne le corps pour trouver la sortie, pour s’enfuir.
La prochaine fois.