Tu regardes les voitures défilées depuis ton balcon, tous ses gens qui courent dans tous les sens, ils ne se rendent pas compte à quel point c’est futile? La vie te semble futile, alors pourquoi se presser à la vivre?

• UNO  Je suis née en Uruguay, mais je n’y ai vécu que jusqu’à mes 6 ans. J’ai donc quelques souvenirs là-bas, mais très peu.  
• DOS Mes parents ont quitté L'Uruguay pour venir s'installer aux États-Unis. Il avait choisi New-York, pour travailler à la bourse. Lorsque nous sommes arrivés, nous n'avions presque rien, mais mon père a rapidement monté les échelons et après 5 ans, nous avons déménagé à Brooklyn. Il s'est lentement ramassé une petite fortune
• TRES Depuis toute petite, ma fête préférée reste Dìa de Muertos. Peu importe où je me trouve, je me maquille et honore les morts. Pour moi, c'est une fête magnifique remplis de couleur et c'est le moment de se rappeler ceux qu'on a perdu. C'est également une journée où je me rappelle que je suis en vie.
• CUATRO Je suis tombée amoureuse d’une petite racaille, un mec brisé qui me faisait se sentir vivante. Avec lui, je me sentais complète, mais nos parents désapprouvaient. Nous nous  amenions vers le fond. Nous vivions en enfer tous les deux, mais ça nous rendait heureux. Nous avons quitté notre foyer pour vivre ensemble et nous nous sommes mariés un an plus tard. Nous avons été heureux, mais vers la fin, il n’était plus comme avant, il sombrait sans moi un peu plus chaque jour. Je ne voyais rien. Jusqu’au jour où tout à basculer. Je l’ai retrouvé pendu dans notre appartement.
• CINCO Après sa mort, je ne suis pas sortie de l'appartement pendant deux semaines. Je vivais sur nos restes de nourriture et sur la drogue que nous avions cachée un peu partout. J'avais peur que quitter l'appartement voudrait dire que je passais par-dessus lui. J'ai tout détruit dans l'appartement. Quand je suis enfin sortie, l'appartement était dans un état lamentable. Les armoires défoncées, les cadres brisés, les photos découpées, les draps déchirés, les murs recouverts de peinture en bonbonne. Je le détestais, je l'aimais tellement que je l'haïssais.
• SIES J'ai toujours aimé le maquillage, mais c'est grâce à mes cours d'arts que j'ai commencé à en faire de plus en plus réussi. Comment créer des blessures pour mes cours de photographie ou des cicatrices pour mes cours de vidéo. C'est ensuite devenu une vraie passion. J'ai participé à plusieurs événements où l'on m'a appris à travailler avec le latex et à créer des masques. C'est devenu mon métier, au grand damne de mon père qui aurait voulu n'importe quoi sauf l'art. Aujourd'hui ça me sert pour les coups foireux. Quand tu peux changer le nez de quelqu'un sans que ça paraisse ou lui créer un tout nouveau visage, c'est pratique.
•SIETE J'ai perdu graduellement mon audition depuis une otite faite quand j'étais petite. Je me rappelle que les médecins croyaient que ça reviendrait à la normale. Si ça s'est amélioré après qu'on aie guérie l'otite, aujourd'hui je n'entends presque plus de l'oreille gauche et la droite est à peine mieux. J'ai des appareilles qui m'aident à entendre les sons aiguës et donc à comprendre les paroles d'une personne qui me parle, mais ça reste partiellement de la lecture sur les lèvres. Je suis douée pour ça, lire sur les lèvres. Bon c'est un peu compliqué à cause des barrières de langues parfois. Je n'ai appris l'anglais que vers mes 7 ans. Il est donc plus facile pour moi de comprendre quelqu'un qui me parle en espagnol, mais je suis quand même douée en anglais également. J'avoue qu'il m'arrive de ne pas mettre mes appareilles pour me couper du monde. Des fois, les gens ils sont cons. Des fois, j'ai besoin qu'ils se ferment la gueule.
• OCHO En plus de parler espagnol et anglais, je parle le langage des signes. Je n'ai pas eu le choix de l'apprendre quand on a vu que mon audition s'en venait désastreuse. Ah et même si je n'entends presque plus, je parle de manière assez fluide. Premièrement, parce que ma surdité est venue graduellement et en plus d'être apparut alors que je savais déjà parler. C'est surtout quand je parle en anglais que les fluctuations dans ma voix sont incorrectes à ce qu'on m'a dit. C'est un moindre mal. Je sais qu'un jour, je parlerai probablement comme une attardée, mais ce jour n'est pas arrivé encore.
• NUEVE Je mets souvent la musique dans le tapis chez nous, comme ça j'arrive à mieux entendre. Les voisins se sont plaints, mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de ce qu'ils pensent eux? Rien du tout. En fait, je crois que ça leur plaît aussi, ça couvre tous les bruits bizarres qu'on entend au parking. Genre le couple du treizième baisé ou la mère du onzième qui bat ses enfants. Après tout au Parking, tu fermes ta gueule et on te laisse tranquille. Moi je force cette tranquillité auditive en en imposant une plus grande encore.
• DIEZ J'adore aller sur le toit de l'immeuble et regarder les passants courir, ils sont tellement cons. J'aime observer aussi ces gens qui aident les autres, à quel point ils sont naïfs. Ils ne savent pas encore que la vie, elle nous baise tous, que quand tu donnes aux autres, tu finis par n'avoir plus rien. Que le seul moyen de gagner, c'est de prendre ce que tu désires. Que dans la vie, nous sommes tous seuls, même quand on pense qu'on ne l'est pas on ne sait jamais quand les autres vont nous exploser à la face. Du coup, le toit, ça met tout en perspective. Avant, tu y allais aussi avec ton mari. Vous soupiez en regardant la ville, mais ça tu ne préfères pas t'en rappeler, parce qu'avoir su, tu l'aurais poussé en bas. Ça aurait fait moins mal.
• ONCE Des fois, quand je suis high je fredonne The Funeral en pensant à mon mari. Il avait appris la chanson en langage des signes pour notre mariage. Alors, quand je descendais l'allée, il me signait les paroles. Je me demande s'ils l'ont joué à ses funérailles. Je suis sûre que ça lui aurait plus, l'ironie là-dedans. Il avait choisi cette chanson à cause de mon surnom et finalement c'était un match parfait pour ce que nous avons été. On était vivant, on chantait cette chanson. Il est mort et maintenant elle me colle à la peau. C'est le mal qui fait sourire
• DOCE J'adore me préparer. Il est rare que je sorte de chez moi en torchons. M'habiller, me maquiller, me coiffer, c'est ce que je préfère. C'est comme si je revêtais mon costume de la journée. Parfois, ça fait même croire aux gens que rien n'a changé. Ils disent quoi déjà, un esprit sain dans un corps sain? J'ai beau prendre soin de mon corps, je suis loin de l'esprit sain.
• TRECE Je crois qu'il y a eu trois versions de moi au cours de ma vie. La première moi est celle que j'étais avant la mort de mon mari. J'étais cette voisine souriante, qui aimait les gens et qui voulait partager avec eux. Ça c'était la Zoey-heureuse. La deuxième est celle que je suis devenue à la mort de mon mari. Un monstre, un déchet, des lambeaux de peaux qui se promenaient. La troisième je ne la connais pas encore, mais je sais que je ne suis plus la première Zoey, ni la deuxième. Aujourd'hui je suis prête à tout. Quand je dis tout, je veux réellement dire tout, il n'y a pas grand-chose qui atteint mon cœur. Quand tu as vu la personne que tu aimais plus que toi-même mort. Tuer quelqu'un te semble insignifiant. J'ai vu les autres le faire devant moi, mais étrangement l'empathie semble m'avoir quitté. Je ne sais pas si je réagirais si on me demandait de le faire moi-même.
• CATORCE J'ai une passion pour tout ce qui est grunge. Ça se reflète dans mon style où j'incorpore des croix, des pierres, beaucoup de noir. Je fais même peur aux enfants qui habitent à côté de chez moi. J'ai déjà vu le petit garçon m'appeler la sorcière. Non seulement, parce que j'habite encore dans l'appartement qu'ils croient hanter, mais aussi à cause de ce que j'ai l'air. Ils en ont vu d'autre, mais qui en plus fait des signes bizarres dans les airs… Je déteste les enfants alors, ça me plaît qu'ils aient peur de moi. Comme ça, ils me font pas chier avec leur putain de biscuits de scout ou de je ne sais plus quoi.
• QUINCE Certains me considèrent comme une pute, la vérité c'est que l'amour j'y crois plus. Tant qu'à s'attacher, vaut mieux prendre son pied et dégager. Avant, je n'étais attiré que par les hommes, maintenant je n'y accorde plus aucune importance. À vraie dire, ça n'en prend pas beaucoup pour se retrouver entre mes cuisses. Quelques verres, un sourire en coin, un corps à la hauteur et on y va. C'est ma danse démoniaque, comme si à que fois que quelqu'un entrait dans mon lit je lui volais une partie de lui. Comme si chaque orgasme assoyait mon emprise entre la vie et la mort. Leur vie physique, leur mort intérieure et moi, spectatrice et reine de leur mise à mort. Parce qu'une fois qu'on passe la case Hel, vous n'avez que deux options. Accepter votre mort intérieure ou bien vous battre pour retrouver la lumière que je vous ai volé.