Piotr inspire en regardant autour de lui, marchant en équilibre sur le long mur placé tout autour de la demeure des Zakharov. Souriant faiblement, il surveille son petit frère, de deux ans son cadet, qui joue avec ses pierres en hurlant parfois. Il prend appuie sur son pied droit, tentant de rester en équilibre le plus longtemps possible avant de voir la voiture de luxe de son père arriver doucement vers l'allée. Se crispant, Piotr descend en vitesse du mur, s'éraflant le coude alors qu'il attrape la main d'Alexei pour entrer dans la maison le plus vite. Privés de sortis pour avoir cassé la télévision du salon, les garçons avaient été menacé d'une sévère correction s'ils désobéissaient de nouveau. Poussant son petit frère, âgé de trois ans dans la chambre de ce dernier, il lui claque un baiser sur les lèvres avant de lui retirer ses chaussures et sa veste pour ne pas qu'il se fasse gronder. Fermant la porte derrière lui ensuite, le garçon se crispe en entendant les pas de son père se rapprocher. Il entre dans sa chambre, prenant son temps pour enlever ses chaussures avant de sentir une main agripper violemment son bras. Grimaçant, l'aîné des deux frères Zakharov se laisse faire en entendant la voix grave du russe lui parler. « Alors comme ça, tu me désobéis encore, Piotr ? » Le bouclé se crispe et secoue la tête, avant qu'il ne se fasse tirer jusqu'en bas. Le martinet entre les mains, son père balance dix coups contre ses fesses. Comme toujours. Piotr les compte, ravalant ses larmes pour ne pas faire plaisir à son père. Du haut de ses cinq ans, l'enfant est plus mature que tous les gamins de sa classe réunis. En même temps, il le doit, sinon il sait qu'Alexei subira la même chose que lui et il ne le supporterait pas. Trop protecteur envers ce dernier, Piotr est prêt à prendre les coups pour l'enfant qui se bouche les oreilles, au premier étage.

La gifle est partie si vite qu'il n'a pas pu la retenir. Piotr écarquille les yeux en regardant son petit frère, désormais âgé de quinze ans. Il déglutit, se touchant la joue du bout des doigts, le cœur serré. « Je t'ai dit d'arrêter ! C'est dégueulasse tout ça ! » Le lycée sort de sa propre chambre en marmonnant des insultes en russe avant d'aller se laver. Si on lui avait dit un jour que son frère le repousserait, Piotr aurait pleuré de rire. Il ne lui avait encore jamais dit non. Peut-être était-ce parce que depuis qu'il avait grandi, il se contentait de simples câlins et de brefs baisers. Mais, désormais âgé de dix-sept ans, l'aîné des frères Zakharov a besoin de plus. L'envie se fait de plus en plus grande et Piotr sait qu'il ne tiendra pas encore très longtemps. Serrant les dents, il attend que son frère revienne avant de le plaquer contre le mur, énervé. « J'peux savoir à quoi tu joues, Piotr ? Je t'ai dit qu'on devait arrêter ça. On est grands maintenant. Tu sais très bien que c'est mal d'embrasser un homme. Encore plus si c'est son propre frère. » Le concerné secoue la tête et embrasse son frère, ignorant le fait que ce dernier tente de le repousser. Piotr souffle fort et pose son front contre celui du plus jeune, les larmes aux yeux. « Tu peux pas dire ça, Lex. Je t'aime, OK ? T'as pas l'droit de me repousser alors qu'on a toujours été comme l'un envers l'autre. T'as peur. Mais tu sais que j'serai toujours là pour t'protéger, abruti. » Il le regarde tristement, suppliant et Alexei secoue la tête, tentant de le repousser à nouveau avant de fondre en larmes. « J'veux pas qu'on nous sépare, Piotr … F-Faut pas qu'ils l'apprennent ... » Le bouclé soupire de soulagement et serre son petit frère contre lui, heureux. Il se mord la lèvre inférieure et l'attire dans le lit, l'enlaçant contre son torse musclé. Il lui promet de le protéger, tout en caressant son dos, aux anges.

Piotr serre les dents en évitant le premier coup, reculant doucement en suppliant son père d'arrêter cette connerie. Il se prend la batte dans la ventre quelques secondes plus tard et plie sous la douleur avant de prendre un violent coup en pleine tête. Heureusement qu'Alexei n'est pas là. Heureusement qu'il a dit qu'il profitait de la faiblesse de son petit frère quand leur père les a vu s'embrasser dans la salle de bain. Sinon, il aurait pris des coups lui aussi. Soulagé d'être le mouton noir aux yeux de sa famille, Piotr crache du sang avant de sourire narquoisement à son père. « Tu es un monstre ! » Hurle l'homme âgé de presque cinquante ans avant que son fils ne s'évanouisse sous la douleur. Il ne se réveille que trois heures plus tard, nu et sans souvenir, au milieu d'une immense forêt. Fronçant les sourcils, le jeune homme se redresse en grimaçant avant de retomber en arrière. Un vieillard l'interpelle avant de l'enrouler dans une couverture. « Eh, gamin ! Qu'est-ce que tu fiches ici ? T'es pleins de sang ! » Piotr ne répond pas, paniqué. Il se laisse faire, marchant difficilement jusqu'à la cabane de l'inconnu. Il passera quelques jours dans cet endroit où une nouvelle vie lui sera offerte. Quelques liasses de billets s'échangeront, un nouveau prénom sera donné et un départ en cachette en pleine nuit se passera pendant que vieillard dormira à poings fermés.

Olly se réveille en sursaut en pleine nuit, une vive douleur à la tête le faisant grimacer alors qu'il passe une main dans ses cheveux, tendu. Bordel. Il a rêvé de son ancienne vie. C'est bien la première fois. Il se souvient de son nom de famille. Zakharov. Il se souvient de son père. Et de sa mère. Et du gamin qui le suivait partout en riant. Alexei. Ce prénom sonne si doux. Son frère ? Le bouclé secoue vivement la tête et grimace. Peu importe. Il n'a plus de familles. Il a été laissé pour mort dans une forêt. Il le sait. La preuve est que personne n'est venu le chercher. Soupirant tristement, Olly se lève et va à la cuisine pour se prendre une bière, l'ouvrant alors qu'il n'est que trois heures du matin, désireux de se bourrer la gueule pour oublier ces foutus souvenirs qui reviennent petit à petit. Il ne veut pas savoir qui il est. Ni même ce qu'il lui est arrivé. Il veut juste vivre. Vivre tranquillement. Lançant un regard à Zeus, Olly rejoint l'animal dans le canapé qui n'hésite pas un seul instant à poser sa tête sur sa cuisse alors que son maître laisse glisser sa main dans son court pelage.