Il est très tôt quand Sienna se lève. Son sommeil a été chaotique. Quelques démons la hantent et l’enfant dans son ventre a fait des siennes toute la nuit. Alors, elle enfile un peignoir, attache ses cheveux dans une grande pince, et se faufile dans le couloir pour se rendre au 420, chez les Alpha. Elle passe à présent presque tout son temps libre là-bas. C’est pas de tout repos, comme activité, mais ça lui plait. Elle a l’impression de faire quelque chose de bien. Puis elle a toujours eu besoin que les choses bougent autour d’elle. Des adolescents révoltés et perdu, ça bouge. Elle se dit qu’elle pourrait leur préparer un petit-déjeuner digne de ce nom. Un sourire un peu fatigué mais heureux se peint sur ses lèvres alors qu’elle se laisse aller à rêver à l’ambiance cotonneuse d’un petit-déjeuner tous ensemble. Presque comme une famille. Ça la réchauffe et, le temps qu’elle arrive au 420, elle en a oublié ses démons.
Doucement, très doucement, elle tourne la clef dans la serrure du F5. Ses jeunes dorment, elle le sait. Ils ont un couvre-feu et ils le respectent, pour la plupart. Elle n’est pas là tout le temps parce qu’elle n’a pas créé les Alpha pour jouer les gardes de prison ou les mères poules alors, elle ne sait pas. Pourtant, elle leur fait confiance. Elle sait que même s’ils sont parfois difficiles, même s’il y a des assiettes qui éclatent et des cris qui volent, ils ont tous envie d’aller mieux. De toute façon, ceux qui ne veulent pas se plier aux règles, ceux qui préfèrent se trouer les veines et s’arracher les cheveux, ne sont pas obligés de rester. Les Alpha, c’est un choix. Un premier pas vers une vie plus douce, même si c’est plus dur au départ.
Les premiers rayons du soleil commencent à filtrer par les grandes fenêtres de la cuisine et Sienna baille. Elle se sert une nouvelle tasse de café après avoir versé de la pâte à crêpe dans une poêle. Une odeur de beurre et de sucre vanillé se distille dans la pièce. C’est chaud, c’est doux, ça met du baume dans le nez, dans la gorge et tout autour du cœur. Elle se frotte les yeux et se laisse bercer par les effluves jusqu’à ce que, tout d’un coup, la porte s’ouvre. Les sourcils froncés, elle se retourne. Soso. La psychologue soupire et coupe le gaz parce qu’elle sent que cette discussion va durer un moment. Quelle heure est-il ? Trop tard ou trop tôt ? «
D’où est-ce que tu viens, jeune fille ? » Elle n’aime pas le ton de sa propre voix. On dirait une vieille directrice d’école aigrie et frustrée. C’est parce qu’elle s’inquiète. Parce qu’elle sait que Soso fait partie de ses
cas difficiles. Ça lui fait mal au cœur que cette ado, aux yeux si doux, se détruise la vie comme ça. C’est presque douloureux, oui, de la voir habillée comme une trainée. Sienna soupire et essaye de sauver la conversation, histoire que la jeune fille ne se braque pas. Ça ne sert à rien de provoquer une dispute. «
Assied toi là, j’ai fait des crêpes. » Elle prend l’assiette avec les crêpes empilées et la dépose sur la table de la cuisine, pour Soso. «
Ne t’imagine pas que je vais te laisser sécher les cours. Tout le monde dehors à 7h45. Sauf Mike vu qu’il s’est fait virer. T’es à combien de jour d’absence, Soso ? » Aller à l’école est l’une des règles principale pour pouvoir faire partie des Alpha. Seulement, Sienna n’est pas un monstre et elle garde les déscolarisés quand même. Mike retournera à l’école quand il sera prêt, quand il sera inscrit ailleurs.
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