Le rire au bout des lèvres, sourire tracé au poignard. La brûlante satisfaction de rabaisser d'un ricanement, de déployer sa gorge sans comprendre. Il rit. Il rira. De toi, de lui, de lui-même. De cette connerie qu'est le monde, la meilleure blague de l'univers. De votre existence à tous. Le sourire aussi carnassier, le charme pourri de méchanceté. On l'appelle Le Requin ; Shark.  • Il se hait, il gerbe ses tripes à en mourir, tellement il se hait. Il se crèvera un jour pour ça. Voilà longtemps que les enfers l'ont avalés, la rémission est un espoir déchu. Il ne fera pas même l'effort. Trop faible, putain, si faible. Le cœur qui tremble, l'âme déchirée ; trop loin. Il est foutu pour toujours, il a serré la main au diable. Il n'y a pas de retour de ces voyages-là, il n'y a pas d'infidélités face à ce gars. La réputation à entretenir, le Requin doit rester, à terroriser la foule. Continuer à gravir les cadavres froids des faibles - aussi faibles que lui. Et rire, et sourire. Putain, ris-en, putain ! Pour ravaler les larmes disparues qui font sécher ses yeux. Au fond, une étincelle qu'il étouffe, un rayon de bien pour lui rappeler quel malade il est devenu. Reste beau. Reste fier. • Francesco : le terrifiant qu’il n’a jamais craint, toujours dans son ombre pour suivre le mouvement de ses actes. Fausto :  la lueur sur son cœur, le bon patron du peu de bonté qu’il restait en lui. Felice a vécu le cul entre deux chaises appelées Fausto et Francesco. Les conflits fraternels l’ont poussé à se rapprocher de Francesco les années les plus cruciales de sa vie, l’emportant dans les déboires de son frère ; Fausto pansait les plaies en pleurant, et lorsque Felice se rendit compte qu’il lui tendait la main, le Mal l’avait déjà empoisonné depuis longtemps. • Une bagnole à deux cent sur l'autoroute, une portière qui vole et un corps qui s'écrase. Le long choc d'un cadavre abandonné sur le bitume ; c'est la vie de Felice qui commence. Destiné à être le second fils prodigue Scorza, on fonde sur lui tous les espoirs. Raviver la flamme de la famille, y amener du bonheur, un peu de joie. Juste un rire, putain, à travers les grimaces amères qui assaisonnent les plats. Mais Felice est un enfant difficile, son éducation périlleuse et l’influence des deux jumeaux de la famille abat des parents fatigués. Felice n'est rien de plus qu'une tâche sur le carrelage ; une bouche de plus à nourrir. Les membres de la famille se fondent en "tu ne comprends pas". Plus d'espoir, même si Felice tente de se débattre avec un destin qui n'est pas le sien. Il apprend sans comprendre, se déchire à étudier sans résultats. Il se sent juste profondément idiot, mais c'est la concentration qui lui fait défaut. Pourtant, sa qualité de manipulateur traduit une grande intelligence ; à croire qu'il ne peut s'en servir que pour faire le mal. • A trainer dans les rues, on attire les ombres. Felice s'est finalement échappé de l'emprise empoisonnée du devoir et a fini par se perdre dans les méandres des déboires et des vices. Bombe humaine déclenchée par son frère Francesco, attentif aux impulsivités du petit et qui lui apprenait assidûment la vie. Il a continué à grandir, déployant ses branches infestées de l'engrais que lui jetaient les charognes. • Il a commencé par vendre du shit aux lycéens ; à ses camarades, en soi. Puis, trafic de médicaments. Sont venues les armes, et finalement... les hommes. Toujours plus loin dans la confiance, toujours plus loin dans le pouvoir. Rien dans la vie ne semblait pouvoir l'arrêter. N'était-ce donc pas cela, le destin ? Le Requin, perdu dans l'océan, aiguisait ses dents en se confondant avec les récifs. • La Famille. Vulgairement, un réseau de criminels obnubilés par des idéaux aussi véreux que leur instigateur. Des jeunes qui ont tendu la main à la mauvaise personne, réceptifs aux paroles alléchantes d'un démon. Des gens courageux, assurément. Sans doute même des gars bien. Felice les trouve généralement crevant dans la rue, au bord des caniveaux, abandonnés, affamés et le cerveau dévoré par le désespoir. Souvent, il les suit, les traques et lorsqu'il sent le dernier moment, il vient leur proposer une aide empoisonnée. De la présence. De l'argent. De l'action. Des gens comme eux. Il leur apprend à voler, à se défendre, à se battre contre la chienne de vie. Il leur dit qu'il faut montrer au reste du monde le sang qui leur brûle les veines, et qu'il faut souffrir des brûlures pour exploser. Il les dompte, les éduque, les rend fidèles et bâti un empire d'aveugles heureux. Car il faut avouer, ils trouvent une forme de béatitude qu’ils rêvent sans doute. Marionnettiste, adulé par la plupart, Felice a ce dont il a toujours rêvé : le pouvoir et la gloire. Une forme d'amour inconditionnel. Et eux, qui sont-ils pour lui ? Ses chiens. Mais des chiens à qui il tient, des chiens desquels il prend soin, avec lesquels il aime être. Des bêtes, des monstres parfois. Mais le maître ici, c'est lui. C'est lui qui amène la gamelle. La manipulation n'a encore jamais été aussi délicieuse et les limites aussi affranchies. • Bel acteur, narcissique à souhait, obsédé par sa réputation. Cacher les faiblesses, se noyer sous le maquillage pour cacher les cicatrices. La responsabilité de son empire lui glace les veines comme la plus terrifiante des dépendances. Il se montre aussi sévère que bon envers ses chiens, les éduque à la dure en saupoudrant ses actes d’une forme de tendresse. Il les écoute, il les console, les aides. Parfois, il se prend même au jeu, car après tout… Il a leur responsabilité. • Dangereux. Le secret est bien gardé, mais les rumeurs et les apparences rendent Felice bien plus pernicieux qu'il ne l'est. Il se cache derrière son rôle, derrière ses chiens de gardes qui terrifient anonymement le Bronx, derrière les paroles et les airs. Seul, Felice n'est rien de plus qu'un garçon perdu qui fait son propre monde dans celui des autres. Il se montre violent pour garder l'autorité, divertissant pour couver sa popularité, mais qui est-il ? Un gamin avec un flingue, pointant l'arme un peu au hasard dans la foule. Un lâche, un capricieux, un peureux avant tout, couvert par son royaume de malfrats, tous sans doute plus courageux que lui. • Il est un autodidacte de la vie, poussé et perdu par Francesco et Fausto. Tout ce qu'il a pu apprendre a fui en même temps que sa bonne volonté. Il est un infâme idiot, dépourvu de culture et de connaissances. Son intelligence innée ne l'a jamais poussée à s'en servir correctement. Sa manipulation est un art fin et brillant, instinctif le plus souvent, visant plus faible que lui. Il n'a pas besoin des autres. Pas besoin des colosses de l'existence pour lui rappeler qu'il n'est que cette tâche sur le carrelage. • On lui donne bon nombre de surnoms. Shark reste pendu aux lèvres de tous comme un prénom. On l’appelle parfois Marionnettiste ou Le Patron des Assassins ; certains s’hasardent à l’appeler Joker ou simplement Fils de pute. • Infâme amour pour cette fille de la rue qui emporta son cœur. Elle était membre de la famille à la fondation de la véreuse mafia… Volée aux bras lâches de Felice, aujourd’hui elle aiguise ses larmes derrière les barreaux.