À chaque pas le sol se fissure sous ses pieds, Raymond gronde comme le ciel lorsqu'une tempête se prépare. Ils lèvent la tête, tous, ils espèrent voir sur son visage ce qui l'anime, les éclairs dans ses yeux, les traits se creuser sur son front. Celui qui a semé le vent dans son sillon regrettera de ne pas avoir été foudroyé plus tôt car ce qu'il subirait, l'audience captive n'en verraient que la dépouille. Personne n'aurait cru que ce jour là, un géant tomberai, les prédictions à son égard furent fausses du début à la fin. Certes, dans sa chute des murs s'effondraient et des os se brisèrent mais pas les siens. Non, le titan était intact. La haine, le meurtre, ses 8 ans d'incarcérations à côtoyer la pire marmaille, rien n'y changerai, On ne blesse pas un colosse, on subit la force dégagée lors de son passage et on prie pour qu'il ne trébuche pas. Pourtant la crise eût raison de lui, de ses nerfs d'aciers, après 12 ans de travail acharné, d'heures sacrifiées au labeur plutôt qu'à la famille qu'il aurait pu avoir, ils se retrouvaient en haut de la hiérarchie, « Directeur » enfin un nom qui lui sied. Si seulement cela avait été mis au service d'une autre banque que des Lehman Brothers peut être qu'il ne serait pas dans ce trou à spéculer sur les envies de meurtre pour gagner sa croûte. Nan ce qu'il aime Louis c'est que les autres fassent le travail, donner des ordres clairs et voir un résultat parfait. Et ce jour là trois cons avaient mal fait le boulot, la situation commençait déjà à être alarmante et il n'avait pas le temps de s'occuper des gaffes des autres, il n'était pas là pour ça. Quand on est aussi grand que lui, on sait endurer, on encaisse les coups sans broncher, on a pas de temps pour la plèbe si tant est que l'on puisse l'apercevoir grouiller à nos pieds. C'est son dédain et son indifférence vis à vis de ses employés qu'il l'ont fait sombrer avec son œuvre. Dans les derniers jours de la banque, il a poussé « un peu trop fort » du 3 ème étage  un des larbins qu'il considérait comme responsable de cet échec. Il s'est immédiatement rendu compte de l'erreur, à vrai dire il ne pensait pas que les vitres allaient se briser si facilement ou bien que son mouvement serait si violent, il savait se contrôler où du moins il le croyait. Il avait définitivement tout perdu, ses dernières épargnes dilapidées dans les meilleurs avocats car malgré tous les témoins qu'il y avait, il misait sur la non préméditation, le bon comportement, l'absence de casier judiciaire, le caractère « involontaire » de l'acte pour s'éviter 30 ans de taule.

Il s'est pris 10 ans, 8 ans s'il se tenait bien. Une fois arrivé, il était la star. Et à défaut d'être admiré comme cela pourrait l'impliquer, son nom était sur toutes les lèvres, qui est ce qui prendrait Raymond en premier ? Des stratégies étaient faites par les différents clans du pénitencier : Se mettre à trois ou quatre pour l'immobiliser dans les douches, viser les chevilles pour le mettre à terre. Le géant solitaire était un vrai casse tête et amenait à réfléchir.

Louis n'était pas naïf il était conscient de la haine qu'il incitait dans le cœur de tous ces déchets, même lui, la montagne, devrait choisir un camp afin de survivre pendant les longues années qui  l'attendaient. Il décida de suivre son ethnie en rejoignant les gangs de couleur et finit tant bien que mal à se faire respecter, il était plus proche que jamais du fond et de la boue. La prison lui a appris à vivre là où il marchait, sur quoi il tenait et réalisa que dans son monde où les efforts et les initiatives personnelles sont si bien récompensées, les fondations sont souillées par le meurtre et la corruption.

A sa sortie du trou, Louis avait changé. Regarder les gens de haut ne faisait plus aucun sens, sa vie elle même n'en avait plus vraiment, il avait passé toute sa jeunesse à bâtir un immense château de cartes et aujourd'hui tout était détruit et éparpillé. Raymond n'avait plus la force de tout refaire de remettre ensemble chacune d'entre elles cette fois-ci avec le label « criminel ».Quitte à vivre, autant prendre des raccourcis et son château il le volerai à quelqu'un d'autre.

C'est avec toutes ces bonnes intentions qu'il atterrit dans le bronx. Il s'est improvisé garagiste parce que s'il y a bien une chose que tous les ratés dans cet immeuble possèdent c'est une bagnole, à croire que les pauvres ont le sens des priorités. Chaque voiture qu'il voyait garé près de l'immeuble lui faisait penser aux petits jeunes pleins d'espoir qui font de grands emprunts dans des banques comme celle où il travaillait et qui finissent endettés jusqu'au cou. Avant c'était son argent facile, rien de mieux que de ruiner des ignorants pour arrondir ses fins de mois, en plus c'est légal.
Vu que les gens ne roulaient pas sur l'or dans ce quartier de fauché, il s'est vite rendu compte que derrière sa belle image de mécano il allait devoir se salir les mains. Dans l'immeuble, Louis c'est le type que tu viens voir quand t'as des problèmes avec quelqu'un d'autre, il t'aide à faire le sale boulot. Pis si t'as du temps à perdre il te fera jouer au Poker jusqu'à en perdre ton slip. L'argent est bien la seule chose qui l'intéresse c'est peut être ce qui anime ce géant, à défaut de pouvoir se relever il rampe continuellement parmi ceux qui ont souffert de sa chute.