​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​Les voyages ont toujours eu le don de m'empêcher de trouver le sommeil. Je suis trop excitée par la nouveauté, trop avide de tout découvrir pour être réellement capable de dormir longtemps. Notre arrivée à Détroit a été fabuleuse, bien plus que je ne m'y attendais. La tante d'Aslane est une femme absolument adorable et nous avons toutes les deux été particulièrement bien reçues. A tel point que je me sentirais presque chez moi dans cette chambre d'ami où j'ai un lit pour moi seule. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre mais j'étais largement prête à me contenter du canapé dans le salon, voire même d'une tente dans le jardin ! Je n'ai jamais été difficile sur la question.

Je suis debout depuis plusieurs heures déjà, et comme je ne voulais pas sortir sans Aslane je me suis occupée autrement. J'ai emporté avec moi mon cahier à croquis et j'ai passé la matinée à dessiner. Nat', son compagnon, la maison, les choses qu'on a pu voir, celles dont on a discuté... C'est finalement un peu comme un journal intime, une sorte de carnet de bord mais uniquement sous forme de dessins, avec à peine quelques annotations sur les côtés. Je me lève d'un bond lorsqu'on toque à la porte et je m'empresse d'aller ouvrir à la rouquine, que j'accueille avec un immense sourire. Hey ! Je suis réveillée, et même habillée. On peut y aller quand tu veux ! J'ai juste besoin de passer par la salle de bain et c'est bon.

La rousse s’était figée un instant dans une expression de surprise presque inquiète puis un sourire bien plus détendue qu’elle n’en avait eu ces derniers mois s’était étalé sur son visage. Eden avait l’air de passer un bon moment et Nat’ semblait partante pour leur projet, alors elle pouvait souffler un peu et profiter du moment présent :

« Salut ! J’espère que tu as bien dormi. Elle se recula d’un pas. Bien sûr, vient je te montre la pièce et je t’attends en bas. »

Elle traversa le couloir jusqu’à une porte uniforme, comme toutes les autres. En l’ouvrant, elle révélé une petite salle de bain étriquée mais bien organisée, où Nat avait déjà déposé ce qu’il fallait pour les deux filles. Aslane avait découvert ça tôt dans la matinée, en se glissant dans la pièce juste après que les adultes aient quitté la maison. Son coeur tremblant s’était serré un peu plus tôt/

« Tu as tout ce qu’il faut, là. »

Elle s’éclipsa ensuite avec toute le secret et la douceur qui la caractérisait. Remontant le couleur, emplit de souvenirs divers et variés, la rousse passa par sa chambre pour mettre ses papiers et un peu d’argent dans ses poches puis quitta l’étage où elles étaient logées pour atterrir dans le salon.
Rien n’avait changé. Le même canapé en cuir trônait au milieu de la pièce lumineuse. Les mêmes décorations rétro que Nat’ arrangeait avec un goût certains et, sur un meuble, la même série de photo.
Lentement, la rousse s’avança jusqu’au cadre et resta là, à les contempler. Nat quand elle avait eu sa remise de diplôme. Jeff lors de son premier achat de voiture. Leur mariage. Puis une série de clichés scolaire de la petite Aslane, arrivée à 8 ans chez eux. Jusqu’au deux dernières photos.
La première était une photo que Nat’ avait volé dans le jardin, et Aslane, pleine de couleur, riait à grand éclat à côté d’un garçon un peu plus âgé qu’elle. C’était au début de sa relation avec Etan, quand tout allait bien encore. Puis une photo d’elle, terne et fatiguée, un sourire mou sur les lèvres. Celui là datait d’après son accident et sa cure… juste avant qu’elle ne quitte la maison.

« Prête ? »

Elle s’était retournée d’un bloc, comme prise sur le fait, quand elle entendit les marches de l’escaliers grincer un peu. Ses yeux s’accrochèrent à Eden, toujours aussi rayonnante, et elle laissa sa bonne humeur l’atteindre et la détendre, elle aussi.

​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​Comme un bébé ! Je m'exclame dans un sourire enthousiaste, pour la rassurer parce que j'ai l'impression qu'elle est légèrement inquiète... Je crois que ce voyage la perturbe bien plus que moi, sans que je sache très bien pourquoi pour autant. Après tout je réalise qu'on ne se connaît pas si bien que ça, et j'ignore tout ou presque du passé d'Aslane. Peut-être a-t-elle des relations un peu compliquées avec sa famille ? Quoiqu'il en soit je ne me risquerais pas à poser la question, de mon point de vue tout se passe pour le mieux, en tout cas pour l'instant.

Je la suis jusqu'à la salle de bain en n'emportant que ma trousse de toilette, et je la remercie d'un nouveau sourire. Super, c'est parfait, je me dépêche ! J'attends qu'elle ait quitté la pièce pour entreprendre une toilette de chat, je me doucherais quand on rentrera. Je prends seulement le temps de me coiffer rapidement, de me brosser les dents et de me nettoyer le visage. Après quelques instants d'hésitation, j'opte quand même pour un maquillage léger, rien qu'un peu de mascara et du fard à joues pour avoir meilleure mine. Quand j'estime le résultat satisfaisant, je remballe mes affaires que je ramène dans la chambre, pour ne rien laisser traîner, je ne veux surtout pas déranger.

Je rejoins Aslane dans le salon, la surprend en train d'observer des photos et je souris. Prête, oui. Ce sont des photos de toi ? Je demande, laissant ma curiosité parler avant de m'approcher pour les voir d'un peu plus près.

Vivre avec Eden devait être un mode de vie bien sympathique, ne put s’empêcher de remarquer Aslane en voyant la bonne humeur qui émanait toujours de la jeune femme. Avec un sourire, elle laissa son amie et peut-être collègue se préparer.

Quand Eden arriva en bas des escaliers, la rousse se fit la remarque qu’il était étrange de voir une autre personne qu’elle, Nat’ ou Jeff à cet endroit, mais que cela lui plaisait. C’était comme si, tout à coup, elle avait découvert qu’elle avait une soeur… En tant que fille unique de cette famille, elle avait souvent rêvée avoir une autre personne de son âge pour parler avec elle, jouer ou se disputer.
Quoi qu’il en soit, la rousse lui adressa un demi-sourire et se tourna vers les photos un instant, avant de faire signe à Eden qu’elle avait vu juste. Un air étrange, à mi-chemin entre la gêne et l’amusement, éclaira son visage et elle expliqua :

« Nat’ a tenu absolument à faire la traditionnelle étagère des photos de la presque-fille de la famille. De mes 8 ans à l’année dernière, et j’ai toujours une tête d’ahurie ! »

Elle se mit à rire, plus à l’aise de se moquer de son reflet que de se regarder dans les yeux. Ses doigts se tendirent vers un portrait en particulier, à côté de celui où Etan était visible et elle ajouta en souriant avec les yeux pleins de souvenirs :

« Celle-là a été prise dans un restaurant à vingt minutes d’ici. Le meilleur restaurant de sushi de Détroit. L’ambiance est trop cool, si ça te dit, je propose de te faire découvrir ça. »

Elle connaissait le chemin par coeur. C’était l’endroit préféré de Nat’, jusqu’à ce que les gangs se mettent à se battre pour les rues adjacentes. Elles avaient longtemps cessé d’y passer, jusqu’à ce que Etan et son clan la prenne sous son aile et lui ouvre une voie sécurisée jusqu’à là-bas… Mais aujourd’hui, cela devait être réglé, non ?