Peinture fraiche sur les doigts, l’estomac qui réclame de quoi se nourrir, couleur indélébile sur l’avant bras. Les idées se propagent sur la toile blanche, bien plus nombreuses que depuis ces derniers mois. Un croquis que je termine du bout de doigts, la couleur que je place ici et là, un corps sans visage, les formes rondes d’une femme inconnues. Dessin d’un souvenir de mannequin qui posait pour nous, à l’université, lorsque les cours faisaient encore parti de ma réalité. Des carnets rempli de dessins inachevés, tous perdu dans une boîte que je viens de retrouver. Il est trop tard pour aller dormir désormais, trop tôt pourtant pour aller réclamer un café et un peu de compagnie à l’un des voisins du parking. Milieu d’une nuit où les étoiles semblent moins briller.

Je pose les pinceaux, éteint la lumière du bureau puis enfile ma veste. Quitte à rester éveillée, autant aller en griller une sur le toit à regarder les néons grésiller. Les marches que je grimpe, comptant les étages mentalement, c’est étrange de devoir en monter autant désormais, j’en viendrai presque à manquer la proximité du quinzième, presque à regretter d’avoir accepté de changer d’appartement pour le partager. Porte du toit que j’ouvre, la refermant doucement afin de ne pas réveiller les quelques personnes du quinzième, sachant très bien à quoi il ressemble le bruit de la porte du toit qui claque.

Blonde dans un coin, je commence à marcher vers l’autre bout du toit, clope que je perche contre mes lèvres, l’allumant. « Fiches le camp. J’ai envie d’être seule. » Mots exaspérés qui me parviennent, me tirent un sourire même. Vraiment ? A cette heure là ? Mes jambes s’arrêtent et je me tourne en sa direction, laissant la cancéreuse bouger au rythme de mes mots. « T’sais, le toit est assez grand pour qu’on y soit seule à deux. Pas la peine de venir m’agresser, j’comptais pas te parler en plus. » Soupir discret, la main qui se cache dans une des poches alors que la seconde vient accueillir le bâton de nicotine entre ses doigts.

hrp:

X & Ivanka

Mysterious encounter

C'est vrai que ses moments de solitude sont tellement rares que la petite russe tuerait volontiers pour pouvoir en jouir le plus longtemps possible. Respirer l'air frais pleinement avec comme seul bruit de fond les coups de klaxon de la ville. Malheureusement, cette paix est finalement brisée par la porte du toit qui se referme, signe que quelqu'un vint d'y monter aussi. Roulant des yeux, Ivanka vient cracher son venin, disant qu'elle souhaite être seule. Elle ne prend même pas la peine de vérifier qui vient de l'accompagner. Ça aurait très bien pu être un des gorilles du réseau de prostitution, elle n'en savait rien. Va savoir quelles représailles elle aurait pu avoir si tel aurait été le cas.

Mais non, c'est finalement une voix féminine qui lui parvient aux oreilles. L'air parfaitement décontracté, elle lui dit qu'elles pouvaient très bien être seules à deux et que de toute façon, elle ne comptait pas la déranger. Ivy vient poser les yeux sur elle. Une brune, de toute évidence plus âgée qu'elle, très jolie. Elle se sent presque coupable de l'avoir agressée de la sorte. Après tout, elle n'est pas responsable de son malheur. Venant tirer sur sa clope, la petite blonde soupire. « Désolée. C'est vrai que tu n'es pas vraiment responsable des problèmes qui m'arrivent en ce moment. » Elle vient tenter un sourire, faisant quelques pas dans la direction de la jeune femme. « Je m'appelle Ivanka. Et toi ?? » Au point où elle en est, autant profiter de la compagnie d'une femme qui n'Est pas là uniquement pour abuser de son corps. Ça lui fera changement.

L’agression que je chasse d’un mouvement de tête et de quelques mots. Les pas que je fais le long du toit, yeux rivés sur les lumières éternelle d’une ville au sommeil bien trop léger. J’en ai rien à battre qu’une demoiselle veuille être seule, la solitude, moi, elle me poursuit bien trop, je n’en veux pas de cette solitude, ne veux plus qu’elle me colle à l’épiderme. Et pourtant, pourtant je m’éloigne d’elle, juste de quelques mètres, lui donnant l’espace qu’elle semble tant désirer. M’asseyant sur le toit, cigarette à la main, j’imagine des vies à ceux d’en bas. Ceux pour qui le sommeil est bien difficile, bien compliqué à amadouer alors ils le noient dans un alcool fruité, ou bien ambré, selon les préférences de chacun. Mais dans l’fond le résultat reste le même pour tout le monde, juste un espoir de faire taire le brouhaha dans la tête, le calmer et l’apaiser pour que Morphée vienne enfin ouvrir ses bras. Quelques heures de répit, on a juste besoin de ça.

Pas qui se dirigent vers moi, un sourire sur un visage encadré de mèche blonde, les rondeurs d’une enfance à peine effacée. La demoiselle a une langue finalement. Elle s’excuse, et je ne fais qu’hausser les épaules, n’ayant pas grand-chose à rajouter, appréciant néanmoins le fait qu’elle ait réalisé que en effet, j’suis pas celle sur qui s’acharner. Mais la demoiselle reste, elle ne repart pas et au contraire se présente. Ivanka. Visage que je relève vers elle, des traits de ressemblance avec une autre blonde disparue depuis un moment, et je lui retourne son sourire, décidée à lui montrer que y’a pas que des cons au Parking. Qui sait, elle a peut-être pas de chance niveau voisin, d’où sa réticence à engager la conversation. « Sloane, enchanté. » Bouffé de nicotine qui s’envole du bord de mes lèvres, l’inconnue m’intrigue et j’ignore cette voix qui me demande de ne pas m’en mêler, de cesser de m’inquiéter pour les oiseaux aux ailes brisées, que ça fini jamais bien. « Alors, une envie soudaine de venir voir les étoiles ou bien ce sont les lumières de la ville que tu viens admirer ? »