La loi de Herodes : ou t'es foutu ou t'es baisé / Nesslyo

J'me suis fait un peu plaisir, même si j'ai pas vraiment mérité ces derniers temps de m'acheter des trucs cools ou quoi parce que je fais juste mon job et j'ai loué une Mini Cooper bleu turquoise que je trouve trop chou.
Elle est aussi méga peu pratique avec autant de chiens, mais Norne que j'ai emmené seule aujourd'hui a réussi à caler son cul à l'arrière donc je m'estime satisfait. Nemo lui a voulu rester au Nautilus avec l'aquarium marin, donc je l'ai laissé observer les rascasses et garder la boutique.

Je zigzague en me servant de la pêche de la bagnole – ah c'est autre chose que celle de Valentina ! – dans la circulation enew-yorkaise jusqu'à arriver sur le lieu de travail de Nessie, où la secrétaire me reconnaît d'un battement de cils, avant de décrocher son téléphone vraisemblablement pour prévenir sa patronne.
Je n'ai rien à dire à Norne pour qu'elle vienne s'asseoir à côté de moi, son épaule scrupuleusement alignée avec mon genou, et elle se lèche les babines avant de regarder autour d'elle avec son calme inhérent aux chiens d'élan norvégiens – qui ont dangereusement vite grimpé dans mon classement des races préférééééééées de tous les temps.
Je suis sur mon téléphone à entrer dans le GPS l'adresse du consulat mexicain et relève les yeux quand j'entends ma meilleure amie arriver :

« Aaah Nessie. Je suis content de te voir ! »

Qui aurait cru, il y a tant de temps en arrière, que la fille faisant le ménage que j'ai cavalièrement bousculé deviendrait un pilier si important dans ma vie, hein ? J'ai bien fait ce soir-là d'être altruiste et de l'emmener chez mon médecin clandestin.

J’ai fait promettre à Niilo de ne strictement rien dire à Alyosha du malaise que j’ai eu l’autre jour. Minette va bien, elle bouge bien comme il faut y’a pas de problèmes : autant vous dire que pour l’instant toutes les deux on s’entend pas bien du tout. J’ai décidé d’écouter mon médecin comme une fille à peu près sage et d’arrêter de me hisser sur des talons de douze. Du coup aujourd’hui j’ai que six centimètres, ça passe, et mon m’entend encore arriver. Mais je sens que je vais bientôt devoir les abandonner.

« Coucou ! » Je passe à côté du comptoir. « Victoria vous m’annulez mes rendez-vous de cet après-midi, vous serez un amour. Je dois aller sauver le consulat mexicain d’un conflit diplomatique avec le père de ma fille. »

Victoria hausse un sourcil, replaçant très tranquillement une petite barrette en forme de lapin dans sa complexe coiffure, mais finit par acquiescer. Elle a intérêt oui.

« Je m’assois pas à côté de toi sinon je vais jamais me relever. » j’informe Alyosha sans avoir besoin de faire remarquer que ma ligne est une groooosse courbe maintenant – enfin surtout deux grosses courbes putain j’ai des seins ! « On y va ? »

Je secoue légèrement la tête à sa réflexion sur le fait qu'elle resterait assise :

« Oooh non. Certainement pas, il faut toujours affronter les ennemis debout, c'est un des seuls trucs à peu près utiles que m'a appris ma famille. »

Je lui fais signe de me suivre après avoir posé un regard transparent sur Victoria que j'aurais oubliée dans deux minutes ; j'ai pas de tête en ce moment, c'est-à-dire que je me concentre tellement sur mes deux boulots, le fait de ne pas trop emmerder mon mari – il m'a fait peur à se barrer – et la grossesse de ma meilleure amie, bah le reste me passe totalement au-dessus de la tête.
Genre Vassili a dû me poser dix fois la même question avant que je daigne répondre – mais comme il est au Nicaragua à manifester pour je ne sais plus quoi et tenter de ne pas se faire tuer, CE MEC JE JURE DEVANT LE TSAR §§ –, il a mis ça sur le compte du réseau.

« ça va et toi ? »

Non ça va pas fort, en fait. Mais je fais vachement bien semblant que si en faisant pleiiiiin de trucs, alors c'est bon.

« On est en droit de se demander qui peut bien vouloir aller dans ce pays de merde, mais j'ai des demandes pour ça, alors j'aimerais bien qu'ils me répondent... »

J'ouvre la porte à Ness.

« Tiens vas-y monte. »

Je prends place côté conducteur.

« Elle est gentille avec toi, Minette ? »

Si elle tient de ses deux parents, Minette ne sera gentille avec personne.

« Ta famille a parfaitement raison. »

Et je crois que je suis une des rares personnes au monde à apprécier les Kourakine alors que je ne fais pas partie officiellement de leur famille – pour ça il aurait fallu que Alyosha se marie avec moi et j’aurais pas dit non, simplement sur le plan politique-diplomatique-business ça m’aurait évité pas mal d’emmerdes mais bon on fait pas ce qu’on veut dans la vie.

« Hm... »

Je fais mine de chercher quelque chose dans mon sac pour ne pas répondre de but en blanc la vérité à la question à savoir : « Non, je suis crevée, je fais des crises de larmes pour rien, la clope me manque, le sucre me manque, l’alcool me manque, le café me manque, et j’ai fait un malaise vachement dangereux y’a deux jours dont je t’ai pas parlé pour que tu restes calme. »

« Ca va. »

Ouais à jamais rien se dire Alyosha et moi on va aller suuuuper loin, je pense qu’on sauvegarde le monde d’un cataclysme irréversible en étant seulement amants d’un soir.

« Merci. » je lui réponds en grimpant dans la voiture. « Tu prends plus la voiture de ta petite serveuse ? j’ai oublié son nom, la mignonne petite blonde. »

J’essaie de me caler et de caler la ceinture de sécurité dans un ensemble harmonieux et le plus confortable possible tandis qu’Alyosha démarre – et s’il joue au pilote de course avec sa conduite ~~de malade mental~~ parisienne, je le tue.

« Pas du tout non. Enfin la plupart du temps elle dort mais des fois elle fait la java et ça fait mal. Il paraît qu’elle entend ce qu’on dit. Tu pourras lui raconter des trucs sur la généalogie Kourakine comme ça elle sera opérationnelle quand elle sortira. »

Ouais les Kourakine ont toujours raison, on sait, c'est pour ça qu'on sait pas débattre et que nous sommes globalement les pires emmerdeurs de la terre. J'observe Ness qui se détourne pour fouiller dans son sac avant de répondre à ma question et j'ai un mauvais pressentiment, mais je ne relève pas parce que je ne veux pas qu'elle se braque et lui souris légèrement :

« Nah. La voiture de Val est aussi chou qu'elle, mais elle avance pas et très sincèrement ça me gonfle. »

J'y peux rien j'aime la vitesse et j'aime doubler les gens, j'ai appris à conduire comme ça. Je me rappelle tout juste que j'ai Nessie à côté de moi, qu'elle peut me tuer en claquant des doigts et qu'elle est enceinte de ma future princesse Kourakine de fille ; donc que je dois rouler normalement.
Ffff !
Je regarde un taxi me doubler avec l'air du labrador abandonné dans un coin de jardin.

« Oh c'est bien elle tient de nous, alors », je fais remarquer quand elle dit que la Minette est une saleté.

Je lève le regard dans le rétro, prends la direction que m'indique le GPS pour l'ambassade du Mexique à NY.

« Je voulais te parler d'un truc, aussi. Je crois que d'anciens associés du Chat sont pas hyper contents de mon retrait des affaires et j'ai un peu peur d'avoir des ennuis. »

Je me retiens de dire que c'est lui qui conduit comme de la merde parce qu’il me répondrait que j’ai rien à dire parce que j'ai pas mon permis et il aurait tout à fait raison. Comme je n’aime pas qu’Alyosha ait raison, je la ferme donc et me contente d’acquiescer avec un sourire crispé quand mon amant d’un soir se satisfait que Minette soit bien sa future fille. Oui c’est bien le problème, elle tient tellement bien de nous qu'elle me mène la vie extrêmement dure et ça va vite devenir intolérable pour eux comme pour moi. Je crois qu'il se rend pas compte du truc mais je décide d'éviter de le contrarier avant notre destination.
Une fois que je suis assurée qu’Alyosha conduit correctement je sors mon maquillage de mon sac à main pour me refaire une beauté de Cruella afin d’apparaître comme la vilaine sorcière pour taper un scandale dans les règles de l’art. Je suis en train de me rougir les lèvres avec ce qui semble être une véritable mixture de sang humain (mais à cent dollars le tube, sans doute du sang de jeune vierge) quand Alyosha me rappelle tout à fait tranquillement qu'il a eu la mauvaise idée d'exister dans le paysage illégal de NY.
Tout à fait comme si je n'avais pas l’héritière Kourakine dans le ventre (ou alors tout a fait comme si j'étais précisément une reine défendant son royaume), je frotte mes lèvres l’une contre l'autre.

-Hm, d’accord. Je dois tuer qui ?

… Je savais qu'elle allait dire ça c'est fou ça ! Je lève les yeux au ciel – oui je regarde la route – et soupire :

« Personne. Je gère. »

Je vais vachement gérer dans quelques jours quand je serai en gardav après une fusillade en règle au Nautilus.
Bref.

« C'est juste... pour que tu sois au courant. Ça m'inquiète un petit peu, mais ça devrait se gérer, on les a contenu une fois il y a... »

Putain c'était quand ? Y a mille ans non ?
Je lui jette un coup d'oeil, lui fais un sourire à fossette :

« T'es belle comme ça. »

On peut dire bien du mal de moi, mais je sais soigner mes entrées. J'entre dans l'ambassade du Mexique comme si j'allais y faire un hold-up, envoyant valser la porte en étant certain d'avoir tous les regards sur moi ; je compte sur Ness pour faire le parfait side-kick.

« Bonjour », je fais à l'hôtesse d'accueil aux grands sombres parfaitement bouche bée devant mon allure, mon entrée, et celle de ma meilleure amie. Je la vois d'ici prier pour qu'on exige pas un rapatriement sanitaire. « Je voudrais parler à l'ambassadeur. »

« Vous avez rendez-vous ? » cilla l’hôtesse.

Je lève les yeux au ciel, m’avance dans un claquement de talons, l’humeur brouillée par les mouvements de Nadeshda deuxième du nom au creux du ventre. D’une pichenette je pousse Alyosha sur le côté, lui accordant mon meilleur air princier.

« La politesse est inconnue des prolétaires, andouille. » Je m’accoude sur le comptoir, joignant mes mains l’une à l’autre comme si l’échange de leur énergie pouvait faire en sorte que je ne casse pas des gueules tout de suite. Je ne sais pas si c’est parce que je me suis fait phagocyté les ovaires par le sperme d’Alyosha, mais il semblerait que je sois devenue légèrement moins diplomate ces derniers temps.

Ceeeeeci dit, quand on te retire le sucre, le café, la clope et l’alcool pour mettre à la place une pastèque dans ton bide, t’as moyennement envie d’être courtois. Je darde de mon regard noir sur l’hôtesse.

« On a une tête à prendre des rendez-vous avant de venir ? On n’a pas besoin de ça. Amenez-nous l’ambassadeur où je vais aller le chercher moi-même, dans la douleur et la consternation. »