(NOM) Marquez, plus répandu de l’autre côté de la frontière, là où le soleil de plomb brûlait ta peau et celles de tes ancêtres depuis des générations. Marquez qui te rappelle la poussière sèche des terres arides où t’as grandi, qui s’infiltrait partout, dans chaque recoin, jusque dans tes poumons.
(PRÉNOM) Lupe, suivi sur tes papiers du prénom
Angelina. Tu portes fièrement les prénoms de tes deux grands-mères, ces femmes que tu n’as jamais eu la chance de connaître mais dont les légendes te bercent depuis ta venue au monde.
(ÂGE) V
ingt-deux ans que Dieu te veille, et que t’acceptes ses épreuves sans que jamais rien ne vienne ébranler ta foi.
(DATE ET LIEU DE NAISSANCE) Le
15 juin 1996, dans une banlieue crasseuse de
Veracruz sur la côte est du Mexique. C’est là que tu as fait tes premiers pas, et où tu gardes tes derniers souvenirs de la gamine émerveillée que t’étais avant de devenir une immigrée.
(OCCUPATION OU ACTIVITÉ) Un an que tu portes la honte sur ta famille, un an que tu te vends au plus offrant. T’es
escort pour gonfler les maigres fonds de la fratrie, mais tu gardes ça secret, faudrait pas que ça revienne à leurs oreilles, ça les tuerait. Tu fais croire à ta mère que t’es caissière de nuit dans un supermarché, en espérant ne jamais te faire démasquer.
(NATIONALITÉ) Mexicaine. Ça fait dix-sept ans maintenant que t’as franchi illégalement la frontière américaine, dix-sept ans que t’es sans papiers, dans l’irrégularité.
(ORIGINES) Mexicaine, du plus profond de tes veines
(STATUT CIVIL) T’as été élevée dans le pur respect des traditions, tu t’étais toujours tenue à l’écart des garçons. Tu rêvais de rester pure jusqu’au mariage et tu as tout vendu en échange de quelques billets. T’es salie, tu t’es laissée souiller,
tu ne mérites plus personne, tu le sais.
(ORIENTATION SEXUELLE) T’as toujours été attirée par les garçons, tu n’as jamais éprouvé aucune curiosité pour les filles, il n’y a que
les hommes, les vrais qui te fassent vibrer.
(DATE D'ARRIVÉE AU PARKING) Ca fait bientôt
trois ans maintenant que la madre a déposé la maigre caution et que vous vous êtes entassés dans l’appartement trop étriqué avec tes frères.
(GROUPE) De ceux qui
survivent.
« Pourquoi t’es là ? pourquoi tu restes ? »
(Quand et comment avez vous emménagé au Parking ?) La madre qui épluche les petites annonces, qui cherche des loyers toujours plus bas, qui se tue le dos et se bousille les mains, rongées par les produits nettoyants. Et elle arrive à mettre un peu de côté, juste assez pour payer la caution d’un propriétaire pas très regardant sur les papiers. Et ça fait trois ans qu’ils s’entassent tous dans un appartement trop petit, vétuste, usé, mais qui leur permet de payer le loyer, de pouvoir manger. C’est tout ce qu’ils voulaient.
(Que pensez-vous de l'immeuble et vos voisins ?) Lupe, c’est une habituée des déménagements, elle a connu mieux que le Parking, mais elle a connu bien pire aussi. Elle s’adapte, et ça fait bien longtemps qu’elle ne s’attend plus à rien, elle est résignée, Lupe, elle sait que rien de meilleur ne l’attend, que les meilleures années au Mexique sont passées, que son père ne reviendra jamais en vie, que l’Amérique n’a rien à leur donner. C’est une âme en peine que l’Eglise ne parvient presque plus à consoler. Mais Dieu n’est qu’amour, et Lupe elle aime, elle aime sa mère si fort qu’elle ne dira jamais rien, elle n’osera jamais lui faire de la peine avec ses pensées. Alors elle prie juste toutes les nuits pour continuer à avoir un toit au-dessus de leurs têtes, et elle continue à s’adapter.
(Quelle est votre réputation au sein du quartier ?) Lupe c’est la petite dernière de la fratrie d’hispaniques qui a emménagé au septième il y a trois ans de ça. Elle a un accent du Mexique bien trop prononcé, elle fait rouler les « r » et chanter les mots, elle les anime comme son corps qu’on peut voir se découper le soir à sa fenêtre, quand elle se met à danser. C’est la gamine à forte tête, pleine de principes, de valeurs, de fierté, celle qui se rend à la messe tous les dimanches qui est beaucoup trop parfaite sur le papier. Mais c’est aussi celle qui se faufile comme une ombre hors du Parking une fois la nuit tombée, et qu’on commence à voir sortir avec des mecs bien trop friqués pour être du quartier, mais personne n’en sait assez, les rumeurs commencent juste à se propager.