Y a papa. L’Irlandais bourru, l’accent grossier, celui des landes, rudes et arides. Gauche, le sourire sempiternel au cœur trop tendre pour cette carrure trop abrupt qui a eu cette faiblesse. Faiblesse pour cette femme aux pas réfléchis, là ou le ciel mêle aux ors le cristal et l’airain. Ondoiement incertain, plus souple que la vague et plus frais que l’écume. Belle Marilyn. De son opaline innocente. De rose et de santal.
Dans la vie, y à Finn. Finn, l’aîné de famille. Celui qui doit montrer l’exemple. Celui sur lequel on copie, on s’identifie, on idolâtre. Acte ridicule d’enfants en recherchent de repères. Dans la vie y a Lip. Philip. L’or, le ciment. Le port et l’attache. La bouée dans la mer tourmentée de la vie. Puis y a Erin. L’éternelle enfant. Incapable d’avancer sans tomber, s’écorcher, sans tenir la main de ses aînés.
Bonheur entassé les uns sur les autres, quand on se croit invincible, que rien ne peut nous atteindre, on ferme les yeux, on continue d’avancer, d’ignorer cette odeur de chrysanthème. Comme celles qui peuplent les cimetières. Incapable de voir les premiers signes de la maladie qu’au travers des actes manqués. Des sourires qui se fanent et des absences répétées. Des regards qui se détournent et des mensonges qu’on murmurent le soir pour soigner les angoisses d’enfants paumés.
Y a ce sentiment d’abandon. De manque. Cette incompréhension. Incapable de comprendre l’importance de ce trou béant. Cette gueule qui s’ouvre sur l’ébène, le néant d’une existence brisée bien trop tôt. Bien trop vite. Les larmes amères, les doigts qui se crispent et ce dénie devant ses larges corbillards. La mort circule. Parée et noire et opulente. Tambours voilées, musiques lentes, elle s’étale et s’exagère tout en ténèbres régnant comme une idole assise, sous la coupole des églises
Les cris. Comme une marque indélébile d’un tournant à 360 degrés.
Papa s’enlise dans ses travers. Il manque. Manque d’instants pour ses enfants. Manque d’attention, d’envie. Manque les regards volés de la cadette. Accrochée aux souvenirs de sa mère, l’incompréhension de voir son paternel se perde, chercher des souvenances brisées dans les fonds de ses bouteilles.
La main qui se tend. Lip qui l’attend. A la sortie de l’école. L’éternel sourire alors que Finn à depuis longtemps quitté les rangs. Taciturne. Renfermé. Balayé d’un revers les siens. Assassinant un peu plus de son regard ses cadets pour mieux s’enferrer dans ses travers.
« Regarde moi grandir sous tes baisés. »
Erin, souvent seule. A la table de la cuisine, le regard fixé sur la porte d’entrée. Papa en musique de fond, à compter, à marmonner, à augmenter le son de la télé. A tenter de s’intéresser à la journée de sa petite dernière. Celle-ci qui se désespère. Qui regarde les soirées se dérouler de la même manière. Ramasser les cadavres de pyrex et écouter les mensonges paver un peu plus la vie du paternel.
Le silence. Le plus dur. Silence immobile. Ombre parmi les ombres, quand les autres prennent la tangente et elle qui s’accroche aux fenêtres de la maison à attendre. Attendre que Lip rentre. Papa ou encore Finn. Finn dont le regard s’adoucit. Parfois. Parfois devant l’innocence de la gamine seulement.
Des instants volés. Une vie qui se brise. Papa ne rentre pratiquement plus le soir. L’école qui lui échappe, Erin s’intéresse peu aux cours, aux études, à l’avenir. Son avenir, il s’arrête dans le regard de son frère. De son père.
Témoin silencieuse des violences qui courent sous l’épiderme de son aîné. Autrefois gosse mal attifé, débraillé, le sourire facile à la fossette tendre et charmante. A ce jour, le regard sombre, brisé et emplit d’une colère non dissimulé directement dirigé vers son cadet. Pour son altruisme. Pour cette volonté, ce semblant de facilité à redresser les épaules, prendre ses responsabilités. Réussir à sortir la tête de l’eau. Vivre. Tout simplement.
La porte qui se claque. Certainement la fin d’une vie à quatre.
La nostalgie de ce que ne j’ai pas eu.
La chambre, vide, emplit d’un amas de poussières. Souvenirs tendres à jamais enfermés dans cette pièce. Aux lits bancables et vides. Dans cette maison trop vide. Ils sont partit. Partit vivre leur vie et elle qui reste. Reste dans les relents alcoolisés du paternel.
Plus personne pour lui dicter sa conduite, ses travaux à accomplir, s’oublie un peu plus, ne revivant que dans les appels répétés de Lip. Lip qui s’est barré. Des idées d’avenirs plein la tête. Des idées à deux.
Le garage comme une contrainte, les factures qui s’accumulent dans l’entrée, papa qui rentre de plus en plus tard, les placards qui se vident et les passages de moins en moins répétés de Finn. Finn et ses potes qui déambulent en terrain conquis dans la maison. A s’enfermer, fumer. Discuter. Les regards qui se perdent et Erin qui témoigne des affres qui rongent la famille.
Ramasser les cadavres, suivrent les traces du paternel, vautré dans le lit, la lumière sur la commode qui vacille et ce gémissement rauque. Des excuses distillées dans le silence, dont seul celui-ci répond. Une couverture qui se pose et le corps chaud d’une ado qui s’étend à ses cotés pour veiller sur cet ivrogne aimé.
« Tu te répètes, comme une habitude. »
Désagréable impression d’être oubliée, blessure qu’on a envie de gratter pour faire cesser le mal, les appels qui se font un peu plus espacés et cette excuse toute trouvée que chacun doit faire sa vie, de son coté. Alors on sort, on se fait des amis. On essaie, innove, écoute et s’enivre des nuits jusqu’à l’aube. Jusqu’à l’or brûlant de l’ivresse qu’apporte de temps en temps l’illustre compagne des soirs trop noir. La folie de la tequila.
Mia. Mia. Nouvelle femme dans la vie de Lip. Nouvelle et si belle. Si inaccessible. Le regard qui n’a de cesse de se poser sur elle et le sourire éternelle pour masquer cette affreuse douleur. Celle qui vrille et fait oublier l’essentiel.
Les sorties sans autorisations, le week-end mais surtout la semaine. Se moquant du couvre feu, la rébellion qui anime et endigue le raisonnable. Le cinéma pour mieux se retrouver au grill par la suite. Entres amis. Les mecs qui passent, qui restent. Les sourires qui se perdent comme les doigts qui glissent le long d’une cuisse. Audacieux jusqu’à passer les plis nette d’une jupe d’erbine. Premiers émois. Grisants et violents. Comme un accident d'bagnole.
Le temps d’un baiser. Echangé sur le siège passager. La musique en fond. Juste en bas de l'allée. A faire traîner l’heure du couvre-feu pour mieux sentir la violence du plaisir à se laisser emporter par des sentiments jusqu’à là inédit. D’une pression délicieuse dans le ventre à la contraction douloureuse entre les cuisses. Des rêves et des envies pleins la tête.
Enfant naïve, à se laisser porter par le courant. Fleur bleue, l’âme innocente à se ressasser sans cesse l’hsitoire idyllique de ses parents, s’accroche désespérément aux mauvaises personnes. Inconsciemment. Malgré leurs accès de violences. Leurs palabres blessants. Leurs mains qui s’accrochent, durement et dominatrices. Le souffle qui se perd et la promesse de ne plus jamais y retourner… jusqu’au prochain coup de fil.
« Les couples sont toujours plus beaux de l’extérieur. »
Gamine qui ne désire qu’amour et attention. Malgré les bleus. A son cœur angoissé quand son bourreau gémit. Dont le cœur meurtri souffle la compassion pourtant si riche de tendresse à donner.
Un fois. Le geste de trop. Celui qu’on veut oublier. Qu’on veut partager, se défaire de cette angoisse constante. Cette volonté de s’en sortir. De ne plus subir. Redevenir cette gamine et appeler l’être aimé pour se sentir en sécurité. Ne plus sentir l’absence dans cette maison trop vide. Juste percevoir la chaleur d’antan.
Connerie amère. Celle d’avoir cru, espérer l'espace d'un instant une fin heureuse. Loin de la violence. De l’éclat carminé. De cette folie animant les membres tendus de son aîné. Violence qui s’est abattu sans jamais faiblir pour avoir toucher à la gamine de la famille. L’inacceptable.
Lorsque je te vois, ce n’est plus toi.
La prison. Marque indélébile pour la vie des Costigan. Une insulte pour le paternel. La déception et le plaisir malsain pour l’aîné familiale.
Mal être d’être l’entière responsable d’avoir un jour, un soir, bousillé ainsi la vie de son frère, a ce goût amère de l’échec. Cette violente et furieuse envie d’hurler, de crier cette cruelle injustice. De pleurer, s’oublier dans les souvenirs heureux d’une vie à ce jour complément dissout.
Hier, l’électricité a été coupée. Papa n’a rien dit. Dans le silence de la maison, il a allumé quelques bougies, a tourné en rond, regardé quelques factures, ignoré sa fille pour mieux aller s’enfermer dans sa chambre.
L’argent. Manque cruel creusant un peu plus le fossé dans leur vie, comme une évidence, délaissant les études pour mieux se jeter dans la vie active. S’oublier dans des heures de travail arasant. Tout pour oublier la certitude d’avoir conduit tout droit son frère dans le précipice d’une vie merdique. Tout pour essayer d’aider le paternel. Payer les traites, les charges, les factures.
« Tu es cette page du bouquin que je ne veux tourner. »
Y à un moment ou on prend le chemin le plus court. Le plus facile. Y à un moment ou on y arrive tout simplement plus. Ou on a besoin d’aide. Besoin d’argent facile. Facilement gagner. Y à un moment ou l’intention se porte de nouveau sur l’aîné de la famille. Qu’on franchit le pas qu’on c’était toujours interdit de franchir : l’illégalité.
Des acides contres des billets.
Revendeuse de seconde zone, après son boulot de serveuse, sur le macadam, princesse désabusée qui n’a de cesse de ressasser le passé, se perd un peu plus dans les travers sales et rances de la société.
A l’arrière d’une caisse, avec des potes rencontrés à la va-vite. Quelques joints roulés pour l’instant éphémère d’oublier cette douloureuse tension. Embuer son esprit de drogue douce pour le plonger dans une tendre et longue léthargie. Connerie. Parce que le lendemain, on recommence à penser. On recommence à vouloir oublier. Entre les pipes à crac sur le matelas défoncé de sa meilleure pote. Entre les clopes échangées à un concert. À une soirée. À une virée improvisées.
Logan.
Le cœur fragile, y à pourtant eu se rapprochement improbable pour cet ami. Autrefois inconnu mais faisant partit intégrante de la vie de Lip, la gosse s’est raccrochée. Raccrochée à cette seule personne tangible dans cet univers qui part en vrille. Le plaçant au centre de sa vie, en faisant de lui, son port, le roc solide sur lequel s’appesantir dans des sentiments sains et sincères. Un mois qui en devient deux, puis trois. Un an. Un an avant la rupture. Consentie. Regrettable.
Fatiguée des soirs à attendre inlassablement le paternel, à s’inquiéter. A voir le garage continuellement fermé. A se heurter à un mur, la communication devenant de plus en plus compliqué malgré l’amour sincère porté, les cartions finissent par s’entasser et les recherches d’appartement à se multiplier. Jusqu’à s’arrêter. Un jour.
Le parking.