« Doucement Kenny, tu vas encore casser la poignée ! T’entend pas que je suis sous la douche ?! » Ayant posé son oreille contre la porte pour mieux l’entendre, il leva les yeux au plafond en soufflant avant de mettre un violent coup de semelle dans la porte. Son corps fit quelques mètres pour finalement venir s'écraser sur un lit sans dessus-dessous.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » Lorsqu’elle arriva dans la chambre de son garnement, il était entrain de déchirer rageusement les feuilles de son journal avant de les mettre dans sa bouche pour les mastiquer dans l’espoir de calmer ses nerfs.
« Mamm’aaaan... » Marmonna-t-il la bouche pleine de papier et d’un air suppliant, puis il rampa maladroitement sur son lit jusqu’à elle, les bras tendus pour l’étreindre. La joue entre ses seins, coincés sous sa serviette, il reniflait de plus belle, sentant une douce caresse remonter le long de sa nuque, se plongeant dans ses boucles. « Tu sais ce qu’il a dit cette fois ? Il a dit qu’il quitterait jamais sa meuf pour une putain de tapette et que de toute façon s’il accepte de me baiser c’est juste parce que sa pouffe est une connasse de catho’ qui veut se marier pucelle ! »
« Ah non ! Bordel Kenny, encore cette histoire ? C’est quoi, la 4ème ou 5ème fois que ça arrive ? » Se dégageant de son étreinte, elle retira la serviette contenant sa tignasse blonde décolorée. « Mais M’man ! Regarde ce qu’il ma fait ! » Son index leada vers son œil amoché dans une grimace des plus explicite. « Hm, que je sache t’as déjà eu pire. » Et cette remarque ne le fit même pas ciller. Elle soupira, puis s’approcha pour admirer les dégâts plus en détail. « Mooh, mon pauvre petit bébé, on t’a fait bobo. Maman va s’occuper de ça, d’accord ? Arrête de pleurer maintenant. » Ses lèvres embrassèrent son front et elle quitta la pièce, sans doute pour aller chercher des glaçons, pendant qu’il s’écroula sur son matelas en position fœtale.
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« T’es fâchée ? Tu boudes ? Hey… Maman ? Tu me boudes pas, hein ? » Ses talons aiguilles s’arrêtèrent net sur le parking du lycée et elle fouilla son sac à main à la recherche de ses cigarettes sous le regard anxieux de son fils. « Qu’est-ce que tu veux que je dises Kenny ? Hm ? Tu crois que les autres mères ont ce genre de problème ? Tu crois qu’on les appelle aussi parce que leur gosse se fait payer des pipes entre les cours ? » Glissant son col entre ses dents, il avait pris son air de chien battu pour tenter de l’amadouer, ce qui n’avait pas vraiment l’air de marcher. « Qu’est-ce que t’as fait avec l’argent ? Tu vas leur rendre. »
« Mais ! C’est pas juste putain ! Je l’ai mérité ce fric... » Sa voix s’était perdue dans l’air grave qu’affichait sa mère. « Écoute moi bien Kenneth Anderson. Tu vas rendre cet argent à ces petits merdeux et tu vas même leur écrire une lettre d’excuse. » Exaspéré par la réaction de sa génitrice, il gonfla les joues et souffla lourdement. « T’façon ça change quoi, j’étais déjà le fils de la pute du quartier... » Dans un excès d’adrénaline, elle manqua de teinter son visage de rouge d’une claque amplement méritée. Cependant, elle n’avait jamais eu le courage de poser la main sur lui et cette fois ne faisait pas exception. Au lieu de ça, elle planta son index devant lui. « T’es peut-être le fils d’une putain, mais que je sache, je t’ai pas élevé pour que t’en deviennes une aussi. Pas question que mon gamin se foute à genoux pour des conneries de billets. Si t’as besoin d’argent, tu viens me voir. Tu m’as bien comprise petit con ?! »
Alors qu’elle fit demi tour pour rejoindre sa voiture, il s’avachit sur elle, passant ses bras autour de ses épaules. « Pardon, pardon, ma mamounette d’amour. Tu sais que je t’aime, hein ? » Ravageant son maquillage sous un tas de baisers plus baveux les uns que les autres, il lui arracha quelques rires et quelques grimaces.
15 ans plus tôt, Oakland, CA.
« Tu veux pas me l’acheter ? » Une paire de lèvres pulpeuses marquait d’un ton écarlate le bord d’un verre. Dans une pièce, sans aucune aération -si ce n’était le ridicule ventilateur de plafond-, un épais nuage de fumée avait transformé l’espace en une soirée brumeuse. A travers les stores, le couché de soleil californien éblouissait par moment le regard fatigué de Delhia, négligemment assise sur son canapé. Contre sa cuisse, son bambin braillait, jusqu’à trouver les bras d’une seconde femme.
« T’es complètement malade, j’suis trop jeune pour avoir un bébé. » Lui répondit alors une petite brune, qui ne devait pas être bien plus jeune qu’elle et qui tenait Kenneth en essayant de l’amuser. « Il fait que chialer. Et quand il chiale pas il chie et chiale ensuite parce qu’il a la merde au cul. » Son interlocutrice pouffa de rire. « J’te jure ! Si tu veux pas me l’acheter, je te le donne. » « Ta mère est complètement folle, complètement, complètement folle. Ah oui, ah oui ! » Delhia laissa tomber son dos contre le dossier, excédée. « Arrête de parler à mon gosse comme s’il était débile. » « C’est qu’un bébé. »
Prête à sortir, elle jeta un dernier coup d’oeil à sa baby-sitter, Mandy. Une de ses collègues qui la dépannait quand elle n’avait pas assez pour faire garder Kenny. A chaque fois qu’elle était sur le point de passer la porte, il lui fallait revenir en arrière pour embrasser son petit ange une énième fois. Elle pouvait essayer de se convaincre du contraire autant qu’elle le désirait, son coeur ne battait plus que pour ce petit amour. Le plus dur restait cependant à venir...
encours...