01 + le cavalier sans tête. faust, elle replace son casque sur ses oreilles, casque qui aplatit sa chevelure dorée. elle augmente le volume, et pendant quelques instants, elle est persuadée que les cris se sont arrêtés, étouffés par la musique pop-rock qui balaie toute sa tristesse. faust n'a qu'une dizaine d'années, mais elle est triste à jamais. elle ne parle pas ; parler, ce serait avouer que ses sentiments existent, que papa a frappé maman, que papa a tué maman. alors quand faust quitte enfin sa chambre, c'est la peur au ventre. et les mirettes de la mère et de la fille se croisent pour constater des blessures communes, faust embrassant la photo de sa génitrice. la nuit dernière, faust a été épargnée mais maman arbore un bleu-comète sur ses pommettes. elle arbore un astéroïde noirâtre autour de son œil, le bleu. parce que maman, elle a des beaux yeux vairons, bleu et marron. maman, c'est une femme très jolie... sans doute trop. c'est forcément parce qu'il se sent bête de ne pas l'aimer correctement que papa passe son temps à la frapper. maman, elle adresse un sourire léger, tout petit, pour faust. y'a des "je t'aime" dans ses sourires, des "t'inquiète pas". mais faust, elle sent son petit cœur s'atrophier dans sa poitrine en regardant maman. parce que c'est sur cette vieille photo que faust s'imagine toute une vie qui lui a été refusé, maman qu'elle ne verra plus jamais.

02 + maman bobo. la jolie blonde, elle a pris les blessures de maman. parce que papa, il est toujours pas satisfait. papa, il déteste faust d'avoir tué maman... en tout cas, c'est ce qu'il ne cesse de clamer. "meurtrière", qu'il gueule, crache entre deux gorgées d'un whisky brûlant. faust, elle sait pas que maman s'est tuée à cause de sa bipolarité. faust, elle a juste la culpabilité au fond du palpitant, la culpabilité de l'avoir tué pour être née. alors elle accuse les coups en serrant les dents, en ravalant les larmes qui lui brûlent l’œsophage et les mirettes asséchées par les années. elle accepte tout de papa, parce que c'est papa et que faust n'a personne d'autre. maman, elle a fuit avec la faucheuse, fuit pour ne plus supporter tout ça. pour ne plus souffrir. pour ne plus regarder le chaos se déchaîner. alors elle suit papa dans le bronx, déménagement obligé. musique adulée qu'elle refuse de pratiquer pour ne pas attirer davantage les foudres de papa, pour qu'il puisse l'apprécier.

03 + sang-cerise. poussière de rêve colorant le bout de son nez, elle monte le volume de sa musique avec excitation jusqu'à ce que les murs tremblent. et d'un coup, ce ne sont plus les murs qui frétillent, c'est son palpitant. parce que papa arrive dans un fracas assourdissant, balance la porte qui vient claquer contre le mur. "éteins ça tout de suite !" il gueule en s'avançant. il la force à se lever et lui attrape les poignets. faust, elle sent une excroissance écœurante contre sa cuisse, seize ans à peine dévorés sous les coups accusés. il la tient fort, jusqu'à ce qu'elle sente les os de ses poignets s'affaisser, les os de ses poignets la tirailler. et il fait glisser l'une de ses bretelles de son épaule, tire d'un geste maladroit sur le jegging qui recouvre ses cuisses fuselées d'adolescente écervelée. et faust, elle comprend ce qu'il a en tête : ça lui donne envie de vomir. "lâche-moi !" elle beugle, se débattant de toutes ses forces. elle assène un coup de genou dans son service trois pièces, se libérant juste assez une main pour attraper une bouteille de lait en verre qui traînait. et elle l'abat furieusement sur le crâne de son paternel, se libérant pour mieux s'enfuir à toute jambe de la maison. elle ne revient que le lendemain matin pour constater du décès de cet ogre qui a tenté d'attenter à sa pureté. maman s'en est allée il y a des années... et dans la mort, il va sans doute la retuer. maman et papa qui vont se retrouver, se détester, s'annihiler.
les mains tremblotantes, faust attrape le téléphone pour appeler la police. quand elle entend les sirènes résonner au loin, elle est tentée de s'en aller. elle a peur, faust, d'être emprisonnée... elle arrive plus à penser. alors elle est paralysée. elle attend sans bouger l'arrivée des policiers pour murmurer, tétanisée : "je voulais pas. je voulais pas. il voulait me... je voulais pas.". les forces de l'ordre la prennent sous leur aile pour mieux la protéger, pour mieux la soulager. et finalement, le verdict tombe avec quelques nausées : légitime défense. pour autant, rien n'échappe aux policiers... faust était droguée. cocaïne son aimée, cocaïne son adorée, cocaïne qu'elle va devoir apprendre à détester pendant sa cure de désintox forcée. c'est vrai, papa avait le sang-sirop qui s'était écoulé, d'un rouge cerise appétissant dans lequel faust se serait bien plongée. rivière morbide qu'elle imaginait sucrée.

04 + divine symphonie. faust, c'est l'amour de la musique. depuis toute petite, elle s'époumone en chantant quelques couplets griffonnés sur un coin de cahier dans le fond de la classe au lycée. faust qui fait partie d'un groupe qui peine à se démarquer, faust qui donne tout pour être remarquée. et un soir, le voilà qui se pointe : lewis. lewis qui lui donne rendez-vous le lendemain sans rien dire de plus, curiosité poussant la jolie blonde à y aller. et c'est là qu'il lui propose l'occasion de sa vie : être chanteuse dans son groupe, les DIVINE. alors faust n'hésite pas, faust n'hésite plus. après avoir dû faire une cure de désintoxication forcée qu'elle a aussitôt oublié pour aspirer davantage de poussière de fée dans son joli petit nez, elle n'a qu'une seule envie : voler. faust, elle en devient obsédée par lewis, celui qui l'a sauvée de la perdition en lui proposant de vivre de ses rêves, de ses envies. lewis le confident, lewis le firmament, amour désuet et incompréhensible faisant battre son palpitant. amour inexistant, fascination morbide, fascination exagérée.

05 + bonnie & clyde. harlem où elle se plaît à traîner, rencontres fortuites appréciées. le pianiste qui attire le regard éthéré de la fée amusée, conquise par tant de beauté. alors elle vient le trouver, les palabres sont échangées et bonnie trouve son clyde, quelques 400 coups fourrés exécutés ensemble. eliel wade, constance dans sa vie tellement bâclée, dans sa vie tellement déstructurée. elle a seize ans à peine, faust la gamine, faust qui se croit grande et tout permis. relation chaotique mais ô combien despotique qui a su combler le myocarde de la tatouée pendant quelques mois, quelques années même avant qu'ils ne finissent par s'éloigner. pourtant, faust ne sera jamais capable de l'oublier. premier amour qui continue de faire vibrer l'esprit un tantinet trop romantique de la petite fille qu'elle tente toujours d'étouffer, sourire niais qui se dessine sur ses lippes quand elle repense à leurs réconciliations sur l'oreiller.

06 + nouvelle anarchie. lewis et ses lubies, faust qui fait craquer une petite dizaine de fois ses mains devenues moites par une colère certaine. malissa, malissa, toujours malissa. malissa a décidé qu'ils bougeraient, au parking qu'il disait. alors faust, elle a suivi lewis et les garçons, parce qu'ils sont inséparables et que faust n'a jamais su comment se débrouiller sans eux depuis qu'elle les a rencontrés. c'est un nouveau départ qui apparaît, ce qui pousse faust à pardonner les élans effrénés d'un lewis amouraché. pour autant, malissa demeure une ennemie à ses yeux dévoués à une obsession incontrôlée. et puis faust, elle retrouve eliel, alors c'est forcément mieux. nouveau souffle qui vient gonfler le palpitant de la jolie blonde de s'éloigner un tantinet de tous ces drames qui se sont agglutinés durant son enfance et son adolescence. ici, faust le sait : elle pourra tout oublier... ou du moins, essayer. mais dans sa caboche embrumée, y'a toujours l'idée que papa profite de la présence de maman à ses côtés, dans ce paradis protégé, pour mieux la tourmenter. alors faust, elle veut toujours les rejoindre pour s'assurer que maman n'est pas en danger... mais quand elle pense comme ça, elle ne pense à rien d'autre qu'à inspirer une autre ligne de coke pour oublier à nouveau cette douleur certaine qui sème le malheur dans son cœur.