Whispers to me with a hint of murder
Sumter, SC 1993 - 2004 Silence, my child and bear your gifts of love. Feed me, feed me, your drops of angel's blood.
Figé. Chronos arrête son écoulement habituel alors que le brouillard inonde ta vue. Une fine goutte de couleur alarmante touche tes charnues au moment où ta serpentine la happe, savoure ce dernier moment d’une faiblesse qui t’avait longuement collé à la peau. Un cri silencieux sort de tes tripes, tes petits poings se serrent au point de sentir une pointe de douleur dans tes baumes trop blanches. Ces petites alarmes physiques sont infimes face à la rage contenant ton palpitant. Il éclate dans l'amertume, explose dans une agonie contenue, déborde d’adrénaline, la même qui fait lever ton poing dans les airs avant de s’écraser dans ce visage rieur. Ces traits tant accoutumés parés de dégoût que ton nom de famille occasionne. Ce même visage qui se défigure dans la douleur, dans la surprise que ton geste apporte. Tu n’es plus silencieux, ton corps hurle, frissonne de cette nouvelle posture assurée que tu arbores. Ta tête se lève, fière malgré tous ces noms dévalorisants qu’on t’avait répété, sans cesse, encore et encore. Tu n’es pas lui, cet oncle mangeur d’enfants, violeur de chair innocente, l’immoral, le criminel. Tout comme le reste de ta famille, vous étiez choqués à l’entente de la réalité, la vérité éclatante ; le tueur des candides habitait sous votre toit. Il se nourrissait de vos plats, il souriait à ta maladresse sur ton nouvel instrument de musique. Il était ton oncle avant de devenir un inconnu, un être vous plongeant dans la disgrâce, dans la honte. Cette histoire de tueurs d’enfants avait faire le tour de toute ta ville, vous mettant sous les feux des projecteurs, vous posant comme une famille condamnée à porter un nom souillé, sali. T’étais qu’un enfant à cette époque. Un enfant évoluant entre deux parents aimants et une petite soeur encore plus épouvantée que toi. Un enfant apercevant l’injustice lorsque les murs de votre maison hébergent des mots violents, des insultes que vous ne méritez pas. L’espace d’une seule journée, au bout de vingt quatres heures, votre vie tout entière avait changé. Vous n’êtes plus les voisins accueillants et aimables, vous êtes devenus la nouvelle cible de la haine. C’était plus facile de vous lancer des regards méfiants, de vous pointer du doigt en vous liant à une histoire dans laquelle vous n’étiez que des spectateurs. Tu ne pouvais plus aller à ton cours de piano, tu ne pouvais plus sortir dans la rue sans avoir la peur d’être insulté, frappé, écorché d’avoir eu le malheur d’être le neveu du vrai meurtrier. Les crises avaient dès lors éclaté dans ta maison familiale. Deux parents, deux modèles se déchirent, s’embrouillent et se consolent. Deux enfants l’une pleure et l’autre serre les mâchoires. Victimes, oui, vous aussi vous êtes les victimes numéro douze et au lieu de laisser les commérages vous empoisonner la vie, la décision était prise ; Sumter ne sera plus votre lieu de vie. La petite aire chaleureuse, là où tes cris avaient retentis la première fois, là où tu as eu ta première égratignure, là où tu as fait tes premiers pas ne sera qu’un doux souvenir taché, humilié. Et dans toute ce récit de peine, tu as pu retrouver la force. Tu n’es plus l’enfant calme au visage apaisé. Tu es devenu l’impulsif aux coups rapides, vifs, imposants. L’enfant au regard rebelle et protecteur. L’enfant qui a tout simplement évolué.
Sorrow ever awaits on joy
Harlem, NY 2004 - 2012 Walk my dismal path, pursue my much walked ways. Two hells i've found, two deaths I'll die. Mere fools choose to stay
L’histoire l’a gâté, l’homme l’a annihilé. Harlem ou la ville du jazz, des différentes cultures, des multiples races, aux maisons en briques rouges, aux clubs émanant une fièvre ensorceleuse, d’où s’échappe l’odeur particulière de l’alcool, de la débauche. C’est ce qu’elle était, une ville aux facettes culturelles diversifiées avant d’être envahie par la drogue, la prostitution, la Géhenne tout simplement. L’artiste en toi avait adoré dessiné sur ses murs, s’était acharné dans ses clubs, s’était donné à la trance que le simple touché d’un piano procure en lui. Mais l’adolescent en quête d’une meilleure vie avait rapidement désenchanté. Cette ville est aussi synonyme d’une existence délicate, d’un appartement miteux hébergeant quatre personnes déphasées et pauvres. Déjà que vous n’étiez pas riches à Sumter mais le travail de ton père arrivait à couvrir toutes vos dépenses. Maintenant, ces années de tranquillité s’étaient évaporées. Vous vous retrouvez dans un endroit où les manifestations s’amplifient où les coups de feu ne sont pas une extravagance, où ton père avait du mal à trouver un petit poste pour nourrir vos ventre affamés. T’étais concerné oui. Toi, tu voyais la peine se dessiner sur le visage dépaysé de ta mère, la honte sur les traits épuisés par Chronos de ton père, l'espérance d’une meilleure vie dans les prunelles de ta soeur. Tu t’es senti dans l’obligation d’assumer des responsabilités, de chercher un moyen pour revoir au moins une seule fois le sourire éblouir leurs lèvres. Tu n’étais encore qu’un gamin d’une quinzaines d’années et pourtant tu voulais déjà aider. Par n’importe quel moyen n’importe quelle façon. Tu devais le faire. Habile de tes mains, la solution s’était imposée dans ton esprit en ébullition. Il suffit de te trimbaler dans la ville, de te fondre dans la masse, de bousculer un homme à cravate ou une femme tenant un téléphone avant de t’excuser caché derrière ta casquette. Éloigné de la foule, tu peux compter ce que tes doigts avaient dérobé dans la discrétion la plus totale. C’est devenu ta nouvelle vie rythmée de vol incessants, d’une successions de coups de poings imposants le respect, d’une solitude qu’elle seule est arrivée à écraser. Elle c’est Aimee, la petite fille aux yeux perçants, celle qui t’avait vu voler mais ne t’a pas dénoncé. Elle que ton regard avait percuté, avait observé, avait cherché les jours suivants dans chaque coin de rue et lorsque sa silhouette s’était dessinée une nouvelle fois dans ton champ de vision, ton corps s’était lancé vers elle. Ton poing s’était alors tendue vers elle, l’ouvrant petit à petit jusqu’à ce qu’elle arrive à voir un petit morceau de chocolat enveloppé dans une serviette usée. Aimee l’avait pris, Aimee t’avait souri, Aimee n’avait plus quitté ta vie depuis ce jour-là. Elle était là quand t’avait arrêté tes études. Elle t’avait serré la main quand ton père avait été assassiné par des cambrioleurs dans son lieu de travail. Son regard t’avait donné la force nécessaire pour affronter le départ de ta mère à son pays natal alors que ta soeur l’avait suivi. Oui, à chaque étape de ta nouvelle vie Aimee était là, comme un putain de pilier, un allié de force et de fragilité, de sourire et d’apaisement. Ton baume, cette fille elle est ta caverne tranquillisante, ton havre de paix, ton tout.
the glare of a sinking flame binds me to ...
Bronx, NY 2012 - 2017 You knew shame like no other
You tasted death like no other.
You shed tears like no other man.
“Tu sais ? L’appartement du dessus vient de se libérer et ... vu que tu cherches un loyer moins cher …voilà ” Elle ne finit pas sa phrase que tu te mets directement à sourire. Ton poing se glisse sur tes lèvres rosées et ton regard amusé aux éclats rieurs se posent sur ta meilleure amie, non … plus. Ce qui te lie à Aimee est bien plus qu’une vulgaire appellation déconsidérant l’essence de votre lien. Vous êtes comme les doigts de la main, inséparables, soudés, complémentaires. Ses douces charnues n’ont pas le temps de murmurer ce que son esprit crie, ton regard parle pour vous deux. Le plus naturellement possible vos chairs s’étaient liées à plusieurs reprises comme marquant définitivement votre connexion impérissable. Tu n’es pas amoureux d’elle, c’est une notion qui n’a jamais eu sa place dans ta vie. Mais tu connais déjà ton incapacité à vivre sans elle dans ton petit train-train quotidien. Elle est ta dose de courage et tu es le sourire réparateur. Deux âmes écorchées s’étant retrouvées après une longue séparation. C’est de cette façon que tu considères votre union spéciale et c’est pour toutes ces raisons que ta réponse était rapide, naturelle, positive. Tu iras vivre dans le Parking au Bronx. Tu seras à proximité de ta Aimee, ta muse, la seule qui a entendu les sonorités de ton piano et elle sera probablement la dernière.
04 février 2017.
Épuisé et épuisable. Irritant et irritable. Oui, t’étais un réel calvaire aujourd’hui. Une cause à effet qui a eu comme résultat une explosion de tempérament sur le lieu de ton travail. Habituellement tu acceptes les ordres indélicates de ton “patron” sans broncher parce que tu sais pouvoir décompresser ailleurs. Sur un ring. Tu as pris cette sale habitude de t’adonner à des combats illégaux principalement pour arrondir les fins de tes mois mais cette fois, t’en avais besoin pour d’autres raisons moins matériels et plus spirituelles. Les cris tambourinant ton conduit auditif, la foule acharnée, la sueur mêlée au sang. Un tableau que tu côtoies depuis bientôt deux ans et duquel tu ne veux pas t’en séparer. C’est ta ration de défoulement, le seul endroit capable à accepter l’hystérie de tes muscles et la férocité de ta rage. Tu sais aussi qu’aussi délibératif soit-il, le ring n’arrivera pas à apaiser convenablement ta colère. Tu arrives à trouver une once de détachement dans ce verre que tu bois cul sec et que tu déposes sur le comptoir. Tes yeux d’impertinence se lèvent sur lui, un pion déposé sur ton chemin seulement pour te servir et ton geste de la main le montre si bien. Tu l’entends, elle. La femme avec qui tu couches, celle qui t’avait invité ce soir prétextant vouloir aller s’amuser en ta compagnie. Tu n’avais pas besoin de dire que cette sortie n’avait aucun lien avec une quelconque romance. Si tu as accepté, si tu es là accroché au bar c’est seulement pour satisfaire ton besoin d’amusement. Voilà ce qui explique le peu d’attention que tu lui accordes, tes yeux tantôt plongés dans ton nouveau verre aux couleurs étranges tantôt circulant dans la salle sans réel conviction. “ Ca te va bien le blanc tu sais ? Tu devrais teinter tous tes jeans en blanc” Une nouvelle approche d’Emily à laquelle tu n’en donnes pas suite. Tu ne fais rien même pas ton légendaire haussement d’épaules désintéressé. Rien, le néant engloutit tes gestes comme maîtrisant difficilement ta violence indomptable. Elle ne te décroche un brin de réaction que lorsqu’elle allume sa cigarette. Tu tiques de la langue alors que ta main gracile passe lentement dans tes cheveux, dans cette mèche te barrant la moitié du visage et te rendant à la fois provocateur et diabolique. “Eteins ça. J’aime pas son odeur.” Tu l’entends soupirer et tu devines qu’elle exécute ton ordre au moment où tu bois une gorgée de ton verre avant de grimacer essuyant rageusement tes lèvres salivées. “Putain c’est quoi ce truc ” Un regard transperçant s’abat sur le coupable. Tu le lacères, ta mâchoire lui promet une multitude de souffrance mais le son violant tes oreilles t’infecte bien plus qu’un gout profondément amer. “Et la musique est à chier, je m’en vais” Un pas en avant, une main engouffrée dans ta veste en cuir l'autre touchant imperceptiblement ta chaine autour du coup avant de retomber sur le tissu noir de ton haut. Tu marches. Un pas, deux et tu t’arrêtes. Tu attends d’apercevoir la silhouette élancée d’Emily à tes côtés mais … rien. Indolemment presque en slow motion, tu te retournes vers elle. Ses yeux. Ses prunelles si éprises de ton être sont focalisés ailleurs que sur toi. “Emily ?” Ton murmure ne l’atteint même pas. Son mouvement de lèvres, sa façon de jouer impudiquement de sa paille, de sourire. Tu tiques, tu claques une nouvelle fois ta langue dans son palais alors que tes propres iris se tournent sur le côté pour voir la personne ayant captivée tout son intérêt. Un homme. Un chef d’oeuvre dessiné sur une peau que tu pressentis sa douceur, sa rudesse aussi. Ton aine se creuse, le vide s’installe dans ta boîte crânienne où un seul mot circule inlassablement ; irrespect. Emily n’est rien pour toi, vous êtes libres de coucher avec la personne de votre choix. Mais là, ce soir, là, tout de suite vous êtes ensemble. Aucun de vous ne doit faire preuve d’impolitesse et si elle a failli à votre ultime promesse c’est à cause de lui. Cet homme que tu ne connais ni d’Eve ni d’Adam et qui pourtant tu as l’impression de l’avoir déjà vu, déjà contemplé, déjà embrasé. Ces sentiments de contradictions font que ta rage minutieusement contrôlée éclate au moment même où ton pied s’avance suivi de l’autre et que tes yeux assassins et profondément translucides se posent sur lui. Les siens. Les siens se plantent dans ton âme, endommagent ta rationalité restante. Ce regard de viol, de fauve, d’impureté qui n’arrête même pas ton objectif premier ; lui faire regretter le jour où il est venu au monde.