Il y a vingt-huit ans, le dix-sept décembre, un petit poupon a vu le monde pour la première fois, l’a découvert, en a inspiré son oxygène pour le lui rendre aussitôt. C’était toi, ce bébé. Tu n’es pas comme les autres enfants qui attendent l’arrivée de leur maman à l’hôpital, non. Tu en as décidé autrement. Tu as décidé de salir la belle voiture de ton cher père. Puis, tu as grandi entouré de tes parents. Que tu étais bien… C’était paisible, heureux. Dans ce doux cocon familial, tu as grandi, fais tes premiers pas, gazouillé un petit peu, prononcé ton premier mot. Tout semblait parfait jusqu'à ce que ta maman tombe gravement malade. Ton père t’a raconté qu’elle luttait contre le cancer chaque jour, mais que soudainement, il avait eut raison d’elle. Tu n’as même pas pu lui dire au revoir. Ton père ne t’a pas forcé à venir lorsqu'ils l’ont enterré, mais tu voulais lui rendre hommage, en quelque sorte. Elle était tellement belle dans cette robe blanche. Ses cheveux bruns entouraient son doux visage pâle. Tout petit déjà, tu disais qu'elle était la femme la plus jolie qui t'étais donné de voir. Ce lien que vous aviez construit au fil du temps venait de s'effondrer en l'espace d'un seul instant.  Pour ton père, ce fut plus dur encore. Pourtant, il a tenu bon. Pour toi, pour t'élever. Il enchaînait les petits boulots pour pouvoir t'inscrire à l'école et te nourrir. Tu n'as jamais manqué de rien avec lui. Tous les dimanches matins, tu te rendais avec lui sur la tombe de cette femme que vous avez aimé tous les deux. Ton paternel n'a jamais pu guérir de ce chagrin profond. Il n'a jamais fait son deuil. Il ne s'est jamais remarié, ou même rencontré une autre femme. Au fond, tu ne sais pas si tu aurais accepté ce mariage. Sans doute que non. Après la mort de ta mère, ton père s'est saigné pour te payer ton éducation. Pour toi, c'était donc naturel de le remercier en redoublant d'efforts en classe, ne cessant jamais de travailler. Tu voulais le rendre fier. Ce que tu as fait. Tu as passé chaque classe jusqu'à la dernière, en étant toujours le premier dans tous les domaines. Pourtant, ce n'était pas fait pour durer. Ton père succomba à ses blessures lors d'un accident de voiture. Il ne supportait plus la perte de la figure maternelle et s'alcoolisait plus qu'il n'en fallait pour un seul homme. Il a raté un virage et a terminé son chemin dans un fossé. Plusieurs embardées, carrosserie cabossée. Il n'a pas survécu. Après l'annonce de sa mort, tu t'es retrouvé baladé de foyer en foyer jusqu'à atteindre l'âge nécessaire pour t'occuper de ta personne. Tu n'es jamais parvenu à garder un emploi plus de six mois, trop instable, parfois même trop accro à l'héroïne. Tu as emménagé ici, dans l'espoir de trouver une loyer peu onéreux. Jackpot. Sans emploi, quand tu planes, tu balances tes sentiments sur un toile vierge avec peintures à l'eau et vends tes œuvres d'art à qui veut bien l'accrocher dans son salon. Tu fais peine à voir. Mais, hey, c'est celui que tu es.