Pourquoi il gueule comme ça, le directeur ? Pourquoi y'a un type qui vient de passer en courant comme si on l'avait menacé d'une DP alors qu'il est comptable – j'crois ? Je me penche vers un de mes collègues acteurs, désignant la scène d'un coup de menton :

« S'passe quoi ? »
« Il a écrit 3000 euros pour les costumes, son chef est pas content. Passe-moi des bonbons au lieu de tout bouffer, j'ai plus besoin de sucre que toi. »

Je lui file le paquet tout en haussant des épaules.

« Scuse, c'moi qui fais tout en cowgirl. »

Le directeur continue de fulminer, et repart dans un coin sombre avec l'air de vouloir niquer des mères, bousculant au passage un des preneurs de son. Pauvre âme. J'avale encore, et sans pitié aucune, un nounours en gélatine.

« Faudrait qu'il se calme et qu'on puisse reprendre non ? », demande mon collègue avec un intérêt franchement limité.

Hé, notre boulot a beau être plus marrant que la plupart des taffs, ça reste un boulot. Personne dit non à une pause au boulot, que j'sache, bah nous c'est pareil. Sans compter que le passage en cowgirl m'a niqué les muscles des cuisses et que je vais avoir des courbatures demain. Ah tiens, je pourrais m'étirer maintenant du coup que c'est la crise.

« C'sûr. Le plus serré ici, c'le budget, j'suis à peu près sûr qu'il peut pas nous payer une heure de plus. »

Ma réplique le fait glousser – moi pas. J'aime pas ne pas être payé, déjà que quand je le suis j'ai du mal à finir le mois...

« Rappelle-moi pourquoi j'ai signé avec ce crétin ? », j'demande, avec sans doute l'air de vouloir me planter une fourchette dans la carotide.

J'ai vraiment envie en fait, c'est pas une image. Je perds mon temps, je déteste ça. Et j'ai même pas d'alcool sous la main, c'est un drame.

« Je crois que tu m'as dit que c'était parce que j'étais engagé et que tu voulais me baiser. »
« Ah oui, vrai. »

« LES MECS, ON REPREND ! »

Allez, le porno n'attend pas.