| Sujet: woody (au fond des nuits sereines ne vois-tu rien venir ?) Dim 24 Avr - 22:19 | | (Quand et comment avez vous emménagé au Parking ?) Ta mère cherchait un appartement pas cher et elle a trouvé le Parking. C'était le seul loyer qu'elle pouvait se permettre, avec déjà ton aînée dans les bras et enceinte de toi jusqu'au cou. Tu vis ici depuis ta naissance et la seule fois où tu as décidé de prendre ton indépendance et t'éloigner des Kipp s'est mal finie, alors tu comptes bien rester maintenant que tu es de retour.
(Que pensez-vous de l'immeuble et vos voisins ?) Tu as du mal à reconnaître tes voisins, beaucoup se sont cassés, certains sont morts ou sous terre, mais l'immeuble est toujours identique à lui-même. Pourri et écaillé, les mêmes graffitis qui ornent les murs - quoiqu'on dirait qu'il y en a moins qu'avant, à croire qu'ils ont été effacés ? - et la même concierge qui court après les loyers. C'est pas le grand luxe mais c'est ta maison.
(Quelle est votre réputation au sein du quartier ?) C'est le petit Kipp qui est de retour ! On dit qu'il a passé neuf années en taule, on sait pas si c'est un pédophile ou juste un taré mais il a séquestré une ado pendant des mois, à deux pas du Parking. On sait pas s'il finira crevé d'une overdose ou d'une balle dans la tête, mais Woody ça relève du miracle qu'il ait atteint les trente ans déjà.
(NOM) kipp, ça sonne comme un surnom mais c'est bien ce qui figure sur ta carte d'identité. (PRÉNOM) woody, et ça c'en est un, de surnom. En vrai tu t'appelles Woodrow, ça pue quand même le siècle dernier ça non ? (ÂGE) ça te fait 32 ans même si tu as du mal à réaliser : en avoir passé quasiment dix à l'ombre perturbe le décompte. (DATE ET LIEU DE NAISSANCE) tu es né le 19 mars 1983 au Parking, dans le Bronx. (OCCUPATION OU ACTIVITÉ) bookmaker, c'est toi qui prend les paris truqués.(NATIONALITÉ) américaine, d'ailleurs tu n'as jamais quitté le sol américain. (ORIGINES) américaines en majorité, mais il paraît que t'as un peu de sang grec qui coule là. (STATUT CIVIL) tu es célibataire officiellement, mais ça fait des années que ton coeur est pris. (ORIENTATION SEXUELLE) asexuel, tu baises de temps en temps pour te sentir moins différent. (DATE D'ARRIVÉE AU PARKING) tu vis ici depuis ta naissance, même si tu en es sorti pendant neuf ans puisque tu étais en taule. (REPRISE DU PERSONNAGE) non grr ! (GROUPE) t'oscilles entre tout est blanc et tout est noir, le juste milieu n'existe pas. (TYPE DE PERSO) inventé (CRÉDITS) AMIANTE.
PSEUDO : crooner cuvres PRÉNOM : ten ÂGE : 22 yo PAYS : FR FRÉQUENCE DE CONNEXION : toute ma vie COMMENT AVEZ VOUS TROUVÉ LE FORUM ? : en cherchant un city, il y a plus d'un an COMMENTAIRE OU SUGGESTION : vous êtes moches AVATAR : harry lloyd Woody Alan Kipp les sanglots si longs faisaient couler l'acide Tu dévales les escaliers quatre à quatre en t'accrochant à ton sachet transparent comme un noyé à une bouée. Des impayés, un règlement de compte qui tourne mal, c'est monnaie courante dans les étages du Parking mais ça empêche pas ton coeur de s'emballer à tout va. Tu flippes de te faire attraper, on t'a balancé l'ecsta en t'ordonnant d'aller la planquer dans le sous-sol et surtout ne pas te laisser avoir. Ils s'en foutent, les connards de l'immeuble d'en face, que t'aies quatorze ans ou vingt. S'ils te chopent, tu vas passer un très mauvais quart d'heure, fallait pas venir refiler tes cachetons sur leur territoire qu'ils disent. Techniquement tu empiètes pas sur leurs plate-bandes : tu fais juste la navette, tu planques les pilules sous tes tee-shirt crades parce que tu passes inaperçu avec ta tronche de pré-ado égaré, mais aussi bizarre que ça puisse paraître ces gens là n'ont pas le sens du détail alors que tu sois mule ou un revendeur, tu finiras avec tes dents dans le macadam. Tu ouvres la porte du parking de tout ton poids, manquant de te vautrer sur le passage sans oser jeter un regard en arrière. T'as l'impression d'entendre une horde derrière toi et tu sautes par dessus le capot d'une vieille Chevrolet garée ici, tu te recroquevilles derrière le chassis. Ton coeur bat dans tes tempes, si fort que t'as l'impression que tu vas crever ici même. En apnée, tu plantes tes crocs dans l'intérieur de ta joue pour t'empêcher de reprendre ton souffle aussi bruyamment que tu le souhaiterais. T'entends les pas, les corps qui piétinent et les sifflements exaspérés, t'entends les jurons qui sonnent comme la résignation et enfin les connards de l'immeuble voisin se barrent. T'expires un grand coup. T'attends encore une vingtaine de minutes puis tu remontes chez ton pote - enfin, c'est plutôt un type sans scrupule qui abuse de ta naïveté pour te faire rêver à un avenir blindé de fric qu'un pote - pour le trouver la gueule éclatée contre le parquet, le sang qui a déjà commencé à imbiber le sol. Tu le pousses du bout du pied pour vérifier qu'il est en vie et quand il répond par un geignement plaintif, tu t'échappes, satisfait. Tu vas encore pouvoir faire chier tes soeurs en ramenant de la thune qui te servira à acheter des bonbecs et pas les partager.
L'ecsta passe entre tes doigts mais le crystal s'infiltre dans tes poumons. Ils sont loin tes quatorze piges, quand tu te contentais de répandre la drogue dans les artères de ton propre immeuble, quand tu affichais une grimace dégoutée quand tu voyais tes "potes" se partager les pipes en verre. Enfin, ça fait à peine trois ans en fait, et pourtant t'as l'impression que ça en fait trente. Ta mère a bien essayé de comprendre ce qu'il t'arrivait quand t'as commencé à aller de moins en moins souvent en cours, mais elle a abandonné quand elle s'est rendue compte que t'y allais plus du tout. Tu passais tes journées dans les appart' pourris des dealeurs du coin, persuadé qu'ils étaient des modèles à suivre. Tu les admirais ces âmes paumées, ces grands corps plus ou moins robustes, leurs veines perforées par les lames qui donnent du courage, l'épée de damoclès au dessus du crâne. Ils t'ont montré comment fumer ta ice, ils t'ont appris à te battre, ils t'ont collé des calibre 45 entre les doigts, des putes au fond de tes draps, des aiguilles au creux des bras. Courbe l'échine, Woody, apprends à recevoir les coups autant qu'à les donner. T'es docile ou bien c'est la drogue qui te rend comme ça Woody ? Et pourquoi parfois tu lâches tout et tu descends dans la rue chercher la merde, juste pour te prendre une droite, juste pour te sentir vivant ?
Tu claques la porte de l'appartement, excédé. Ta mère et tes soeurs se sont encore liguées, à croire qu'elles allaient te sauver avec une intervention à la con. Elles disent qu'elles s'inquiètent, qu'elles tiennent à toi, tu sais que c'est du flan. T'as toujours été le mouton noir de la famille, tu l'as toujours senti jusqu'au fond de tes tripes. C'est à cause de toi que papa s'est barré, t'as l'impression que leurs yeux te gueulent à chaque fois qu'elles les posent sur toi. C'est ta faute, tu pourrais au moins faire l'effort de ramener à graille. Tu pars te réfugier sur le toit, assis au bord du gouffre, les pieds battant dans le vide tu crèves d'envie d'écouter cette voix au fond de ton crâne qui te demande (te supplie) d'en finir maintenant. Et tes bras zébrés sont les témoins de ton malaise, tu peux bien tenter de les cacher à grand coups de sweatshirts ça empêche pas que t'as besoin de voir perler - ou pisser, selon si t'as été tendre - le sang pour te souvenir que t'es en vie. Tu fixes le sol et tu te demandes si c'est douloureux, tu te demandes si tu sentirais tes os se péter contre le béton et combien de secondes tu passerais à agoniser avant que tout soit terminé. Tu poses tes coudes sur tes genoux et tu te retiens d'avancer plus, t'as pas envie d'en finir Woody. Pas tout de suite. T'as des choses à accomplir d'abord, tu veux marquer les esprits, qu'on se souvienne de toi.
Le caillou de crystal scintille à travers le verre. Ton pouce vient gratter le briquet et tu laisses la flamme danser sous la paroi. Tu inhales pour te donner du courage, pour que tina fasse son job et te fasse croire que c'est toi le plus puissant et que t'es invincible. Enfoncé dans le siège défoncé d'une bagnole volée, tu zieutes la sortie de l'établissement d'un oeil avide. "Je m'arrête devant le premier lycée", tu t'étais promis en mettant le contact et te voilà. Planqué, à l'affût. Fallait que tu sois rapide, fallait que tu sois efficace, mais tu peux tout faire Woody t'as peur de rien. T'as plus peur. T'expires un grand coup. Tu te promets que la première personne qui sortira sera ta proie, que tu la lâcheras seulement quand tu l'auras décidé. Et le plan est brillant. Tu enlèves une ado, tu la séquestres quelques temps dans un appartement vide que t'as repéré pas loin de chez ta mère. Tu demandes une rançon, t'empoches la thune et tu disparais dans la nature. T'iras peut-être au Canada. Ou en Europe, tu sais pas, t'as pas encore décidé. Tu cilles à peine et tu n'entends pas la sonnerie désagréable du lycée devant lequel tu prends tes dernières vapeurs de courage. Tu reposes le matos sur le siège passager - et tu jures quand tu te rends compte que ça a glissé et que le tissu pourri est en train de cramer -. T'éteins rapidement tout ce bordel afin de finir carbonisé dans la vieille carcasse et quand tu relèves les yeux, une masse noire d'élèves est déjà en train d'investir les portes. Tu pestes et tu parcours du regard ces groupes de gamin jusqu'à t'arrêter sur une des silhouettes. Elle, tu murmures silencieusement. C'est elle que tu veux, c'est elle que tu auras.
Oh, et tu l'as eue Mattie. Tu l'as suivie, t'as attendu qu'elle passe dans une rue moins fréquentée et en l'espace de dix secondes elle avait fini dans le coffre, vieux sac en papier brun sur le crâne, poings et pieds liés. T'en avais le coeur qui battait à tout rompre et chaque pulsation te faisait trembler comme si c'était la dernière. Tu as tourné en rond pour éviter qu'elle n'essaye de retenir le chemin emprunté, pour qu'elle pense que tu l'emmenais loin de chez elle et loin d'ici, et dès que la nuit a repris ses droits et que les lampadaires ont grésillé faiblement, tu t'es garé devant cette tour que tu voyais de ta fenêtre depuis que t'étais gamin. Tu ouvrai le coffre, les yeux sombres et le sourire de caïman greffés au visage, tu arrachai promptement le sac qui bloquait la vue de ta victime pour exposer ta sale face aux rayons de la lune. D'un air complice, tu posai ton index sur tes lèvres et murmurai un "shhh !" enjoué. "Si tu gueules, j'irai déposer ta langue sur l'oreiller de ta mère !", tu confiai en chantonnant, complètement défoncé. Sans doute la gamine aurait pu profiter de ton état pour te foutre une droite et décamper, elle aurait eu des chances de s'en sortir, mais fallait croire que t'étais crédible dans le rôle. Tu vérifiai que personne n'était en train de zoner autour de la tour et attrapai l'épaule de la gosse pour la faire sortir du coffre, fermement. Et ton coeur battait à t'en péter la cage thoracique, impossible de te calmer alors que tu t'approchai de l'appartement que tu avais repéré comme inoccupé depuis des lustres et t'en avais presque la tête qui tournait, camé à l'adrénaline. Tu poussai la gosse à l'intérieur du logement et refermai la porte à double tours derrière toi avant d'expirer longuement. Tu lui expliquai rapidement que tu cherchais juste une rançon, que t'allais pas la buter tant qu'elle te causait pas d'emmerdes. Brusque, tu la fis reculer jusque dans la chambre et tu t'installai sur le canapé pour surveiller. Trop haut pour s'échapper par la fenêtre et elle dut sentir ta présence derrière le bois car elle n'esquissa aucune tentative de fuite ce soir là - et tu jurai l'entendre pleurer ou peut-être c'était seulement ton esprit qui te jouait des tours -. La bile au bord des lèvres alors que tu redescendais de ta prise de meth brutalement, comme si tu chutais d'un immeuble et que l'agonie était terriblement lente, tu tardai pas avant d'inhaler de nouveau les grandes bouffées de bravoure, lorgnant sur le crystal en train de fondre comme si c'était le plus beau diamant qu'il t'ait été donné de voir. Et tu restai assis devant cette porte, les yeux rivés sur l'écran de TV et la chaîne d'infos locales que t'avais décidé de regarder.
Mattie. T'aurais pas dû commencer à lui parler, ni même lui demander son nom et encore moins lui donner le tien. T'aurais pas dû la considérer comme un humain, pas la regarder, rien. T'aurais dû sagement attendre que ses vieux ramassent le fric que t'as exigé en échange de leur gamine, c'était pas la peine de regarder toutes les conférences de presse et collecter tous les articles de journaux Woody. Et tu l'as jamais touchée, Mattie, ni même violentée, toujours doux comme un agneau. Le loup dans la prairie. Les premiers mois furent compliqués, à camper des heures devant la porte de la chambre désespérément fermée, à attendre le moindre mouvement qui signifiait qu'elle cherchait à se faire la malle. Et puis t'as commencé à lui parler, le dos contre le bois, et tu savais qu'elle était assise de la même manière de l'autre côté. Ta langue s'est déliée et t'as tout raconté, tes insécurités et ces cicatrices sur tes avants-bras, ton malaise et ces rechutes régulières dans les bras des méthamphétamines. Peut-être que t'étais juste le type qui se sentait le plus misérable dans cette histoire, Woody. Ça a fini par déraper, éventuellement. Au bout de six mois tu devais admettre que t'avais aucune idée de rendre Mattie aux siens, même contre la rançon, contre rien du tout. Elle savait trop de choses pour que tu la laisses filer dans la nature et surtout tu ne voyais plus comment t'étais capable d'avancer sans elle. Tu t'es attaché, tu t'es agrippé à son âme comme si elle était la seule personne capable de t'écouter, t'as planté ton regard dans le sien en lui faisant promettre de jamais se barrer. Et elle a promis, Mattie, elle a pas dû voir toute la merde qui se trouvait sous ses yeux, elle a pas dû réaliser à quel point t'étais pourri jusque sous tes ongles, elle a dû oublier que tu l'avais foutue dans un coffre quelques mois plus tôt. Mais elle a promis.
Le plan aurait pu être parfait, Mattie et toi en train de disparaître dans la nature, vous deux contre le reste du monde. Mais la gamine est tombée malade, accablée par des migraines à s'en péter la boîte crânienne contre le bitume. T'as fait des allers-retours incessants pour trouver des pharmacies ou des toubibs peu regardants, prétextant avoir les symptômes qu'elle affichait dans l'espoir de trouver le médicament miracle qui le sortirait de sa misère, sans succès. T'as repoussé l'échéance, essayé de la soigner avec des paroles tremblantes, jusqu'à devoir te résoudre à l'emmener à l'hosto le plus proche. Et tu auras tenu quasiment trois minutes avant qu'un infirmier ne reconnaisse la gamine et donne l'alerte. Tu t'es retrouvé à genoux, le canon d'un Glock 22 collé à la nuque et la moitié des flics du quartier qui t'attendaient à la sortie. T'as retenu ta colère et ta frustration et ta tristesse, et t'as été embarqué et Mattie est restée là. Ta mère est même pas venue au procès et tu sentais le regard lourd, insistant, des parents de la gamine. T'as été patient et finalement tu t'es mis à les fixer en retour, tout le long du procès, leur arrachant des échanges horrifiés et des messes basses non dissimulées - c'était soit ton regard perçant, soit ton sourire carnassier, tu sais plus exactement ce qui les a fait réagir -.
Neuf ans derrière les barreaux. Tu as pris dix, ils ont été cléments en constatant que la gosse avait subi aucun sévice. T'es sorti un an avant la fin de ta peine, pour bonne conduit parait-il - sans doute ont-ils fermé les yeux sur les innombrables altercations que t'as eu dans l'ombre ainsi que sur le joli pactole de clopes que t'avais empoché en pariant et en jouant -. T'es retourné au seul endroit que tu connaissais, le Parking, t'as vaguement essayé de renouer avec ta mère mais tes frangines t'ont dit que ça allait être compliqué. Elles t'ont aidé à trouver un appartement pas trop cher, t'ont filé quelques chemises propres, vestiges de leurs ex. Et t'essayes de te reconstruire tant bien que mal, comme tu sais faire, un pied devant l'autre pour pas tomber au fond du gouffre. T'es en équilibre Woody et le moindre coup de vent te ferait rechuter. |
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