«You terrify me, cause you're a man, you're not a boy
You got some power, and I can't treat you like a toy
You're the road less travelled by a little girl
You disregard the mess while I try to control the world
Don't leave me, stay here and frighten me
Don't leave me, come now enlighten me
Give me all you got, give me your wallet and your watch
Give me your first-born, give me the rainbow and the...»
Ses genoux sur le carrelage froid s'engourdissent, son cerveau semble se perdre, s'enfoncer dans les méandres de la perversion, complètement mis a terre par le silence. La puissance du silence qui pousse sur ses épaules, pousse toujours plus fort jusqu'à lui donner mal au cœur. Et cette gorge qui ne peut hurler, qui ne veut hurler. Maudite soit la gravité, maudit soi son cœur, maudit soit-il lui. Lui qui s'est mis dans cette situation, lui qui s'est lui-même trahi. Ou peut-être a-t-il décidé d'être loyal envers son horrible personne. Peut-être quelque chose reposant entre les deux. Tant de peut-être martelant un être aussi misérable. C'est le jour ou la justice est devenue poison, le jour ou il comprit que le ruban bandant les yeux de la statue n'y était pas pour représenter l'impartialité mais bien la cécité de ceux qui ne peuvent voir plus loin que ce qui se présente devant eux. Il souffre, cet enfant, même s'il gémit de plaisir, même si sa langue s'amuse avec cette friandise de chair. Il souffre tellement qu'il en a oublié qui il est, que son cerveau l'a poussé a le mettre en mode survie, le faire oublier ce que dignité et fierté pouvaient bien vouloir dire. Tout comme la justice, ce sont des principes humains, bourrés de défauts, de failles et d'interprétations toutes les plus handicapantes les unes que les autres. Vassili n'a assimilé aucun d'entre eux, parce qu'aucun d'entre eux n'a jamais su pousser sur le sol de son cœur. Il s'entête a planter, s'évertue a semer et labourer. Mais rien ne pousse là-dedans, rien si ce n'est les remords et les mauvaises herbes qu'il lui faut constamment arracher pour ne pas devenir fou.
«.. Mon tour..»Une autre voix, un autre gars. Sa bouche est trop occupée, son attention, accaparée. Il doit faire du bien, toujours plus de bien. Il aime se sentir apprécié, il aime qu'on remarque a quel point il est bon de l'avoir près de soi. Si près de soi. C'est de l'attention a donner, mais c'est surtout de l'attention a recevoir pour lui, gamin catalyseur, bombe émotionnelle qui se désamorce constamment à grand coups de hanches et de gémissements. Plus, toujours plus. Sa main tâte, cherche quelque chose a masser, quelque chose a tâter. Elle y trouve son compte et l'empoigne pour s'y dévouer. Respirer, respirer. Comment respirer dans cette mer de sueur, cet océan de 'hmm' et de 'ohh' tous plus langoureux et étouffants les uns que les autres. Il aimerait respirer, mais le va et vient dans sa bouche est intrusif, sempiternel. Vass ne veut pas déplaire. Vass a si peur de déplaire. Sa bouche se libère, l'oxygène revient a flot dans ses poumons. Son torse se soulève pour mieux s'affaisser, sa peau hurle d'un millier de frissons alors qu'il sent ces mains froides déboutonner sa chemise, glisser sur son épaule pour la dévêtir, lui retirer le seul vêtement qui lui restait. C'est ça, sa vie. C'est s'auto-objectifier en repoussant les limites de la cruauté envers soi-même. C'est de faire le plus dégradant et s'exposer comme un bout de viande pour être un peu plus dur, toujours plus solide. Frôler la crise cardiaque, suer comme un porc, en oublier la notion du temps, en oublier l'environnement. La caméra. En oublier le visage de ceux qui l'humilient, oublier ce que les autres en penseraient. Tout ça pour quoi?
«OH MY G-... MESSIEURS!»Puis tout redescend. C'est la voix d'une femme qui les interpelle, une femme de trop dans cette toilette des hommes. Une femme de trop dans cette vidéo plus que compromettante. Ça sort de sa bouche, sort de son sein pour le laisser dégoulinant de honte et d'une soudaine envie de disparaître. Tous se ruent sur leurs vêtements, le laissent en plan, complètement nu sur le carrelage glacé. Tout est soudainement redescendu, tout est froid, tout est sombre. Qu'a-t-il fait? Il n'ose pas regarder la pauvre enseignante dans les yeux, en oublie comment on se rhabille. Non, il reste simplement là au milieu des autres garçons qui supplient, implorent le silence, la grâce. Lui, il sait que c'est finit. Il sait que cette fois, c'en était trop.
***
La fumée de la cigarette l'étouffe, lui donne le tournis et l'envie de se lever et de faire une crise de plus. Mais la crise, c'est son tour de l'essuyer, son tour de se retrouver une fois de plus au plancher. Que ça soit physique ou psychologique, ça lui va. Mettez-le a terre, faites le grogner, empêchez-le de se relever. Parce qu'il ne sait pas jusqu'ou il ira le jour ou ses pieds retrouveront stabilité, le jour ou il sera finalement debout. Ça lui fait peur, le force a mettre genoux par terre et redescendre pour vivre dans le même monde. Mais il n'a jamais vécu dans le même monde, l'enfant de porcelaine qu'on a si peur de craqueler, l'enfant de ciment qu'on frappe a grand coup de masse. Que personne n'arrive a fendre. Il faut du courage pour être une salope, il faut du courage pour s'humilier comme il le fait, oublier le peu d'humanité qui hante son cœur pour s'adonner aux vices et aux gestes de défiance les plus effrontés a l'encontre du grand lui-même. Le grand méchant lui-même.
Alors Vass reste là, une joue posée dans sa paume et une coude écrasé sur la table dans toute cette indifférence et cet irrespect. Ça les surprend? Non, ça ne surprend personne. Ça leur fait lever les yeux aux cieux, leur rappel quel genre d'enfance il a pu avoir pour être aussi désaxé. Mais surprendre? Non, ça ne surprend personne. Ça n'est pas la première fois qu'on le voit avec d'autres garçons, encore moins qu'on le voit repousser les limites de l'auto-objectification. Mais cette fois ils étaient trois, cette fois ils filmaient. Cette fois, ils se sont fait prendre la main dans le sac, et celui qui subissait subira une fois de plus. Ça pousse des frissons dans sa colonne, lui donne envie de le refaire, presque envie de se faire prendre une seconde fois. Il s'en veut d'avoir évité le regard de cette enseignante, s'en veut de ne pas s'être fièrement relevé pour essuyer les gouttes qui glissaient insidieusement au raz de sa cuisse. Il aurait pu jouer le jeu jusqu'au bout, aurait pu continuer a le faire alors qu'elle leur sommait de se rhabiller.
Vass ne peut s'empêcher de se dire qu'il n'y avait au bout du compte aucun autre homme que lui dans cette toilette.
«... Pas trop stressé?»Cette voix râpeuse l'agrippe par la gorge et le ramène a la réalité, devant ce bureau froid, hanté par le bruit d'une aiguille dansant avec le temps, tournant, tournant. Qu'est-ce qu'elle attend? Pourquoi ne lâche-t-elle pas ses putain de notes pour le regarder et le toiser de tout son mépris. Sa belle-mère, juge en chef de la cours suprême des états-unis d'Amérique et désormais paisible doyenne du palais de justice de Boston.
Ça lui faire peur? Pas du tout. Il est chez lui. Même si ce bureau est empli de diplômes et de mérites, même s'il n'y a autour que de minuscules petits cadres pour le représenter lui et son père, il est chez lui dans cette maison. Ce bureau, c'est là qu'elle peut se permettre d'être la si honorable maître Kensway sans qu'on lui impute le titre de marâtre autoritaire, voire despotique. Elle tient papa par les couilles, mais elle n'a aucun pouvoir sur fiston. Elle n'en a jamais eu, a son grand dam. Le jeune homme n'a que 16 ans et déjà l'attitude d'un parfait petit rebel. Faussement désinteressé, prétendant être au dessus du monde entier. Il se redresse sur sa chaise, se met plus confortable pour finalement sortir de sa voix faussement calme une réponse qu'il veut cinglante.
«Je peux y aller?»Bam. La phrase de trop. La juge Kensway abat son crayon sur le bureau et ces yeux verts ornés de petites lunettes rondes reposant de manière précaire sur son né droit se lèvent et poignardent le pauvre Dmitriev sans guère plus de considération qu'on en aurait pour un criminel dans le box des accusés. La voilà, sa belle-mère, celle qui de l'ombre transforme son cher papa en larve. Et lui au passage. Il aimerait lui tenir tête et l'envoyer chier, mais cette femme est un monstre. Cette femme perce votre âme de son jugement et vous déshabille plus vite que les trois garçons qui l'ont prit quelque jours plus tôt n'auraient espoir de le faire ensemble. Déjà vaincu, il baisse les yeux et l'entend taper le bout de sa cigarette sur le rebord du cendrier.
«J'ai essayé, Vassili. J'ai sincèrement voulu y croire, tu sais?» Ses doigts viennent calmement retirer ces petits verres sous ses yeux, placent la pair de lunette bien soigneusement dans cette petite boîte
«... J'ai essayé de voir en toi un jeune homme qui-»S'en est trop. Il se lève et la toise, secoué par une colère qu'il n'a pas l'habitude de travailler, encore moins de laisser évacuer comme ça, sans le moindre gant blanc.
«T'as essayé quoi, hm?» Elle le regarde, passive. Cette femme est un morceau de glace sans amour ni haine. Cette femme n'a pas de considération pour quoi que ce soit si ce n'est son propre putain de poste
«T'as essayé de me faire marcher droit? T'as essayé de me faire parler comme un gentil petit garçon?»«Assieds-toi, Vassil-»«NON. Non, j'en ai marre!» Il la sent monter. La haine. Qu'est-ce qui se passe? Mais qu'est-ce qui se passe?! Il n'est pas comme ça, d'habitude. Il est gentil, il est souriant. Il est sympathique et ne veut voir aucun sourcil se froncer. Pourtant cette fois ce sont les siens qui semblent vouer a tracer de sinistre traits vers le bas
«Vous vous en branlez de moi, toi et Josef! Vous en avez rien a foutre de ce que je fais avec mon cul! RIEN! Vous pensez juste a votre image, a c'que les autres vont dire, putain!»Elle perd patience, se lève aussi et lui fait face, lui donne l'impression de perdre deux mètres de hauteur alors qu'elle est de plusieurs centimètres inférieure a lui. Elle est toute-puissante, imposante, le fait rager un peu plus de sa simple prestance écrasante. Il aimerait qu'on ressente la même chose quand il se lève, il aimerait pouvoir hurler sans même hausser le ton, frapper sans même lever le bras. Comme elle le fait avec ses yeux perçants, comme elle le fait avec sa voix sciante.
«Assez.»Ses fesses retrouvent directement le siège qu'elles avaient si bien réchauffées jusque là, a attendre qu'elle daigne finalement poser ce regard assassin sur lui. Maintenant qu'il est a moitié tué, il ne lui reste plus qu'à se laisser achever, bien confortablement assis dans sa chaise électrique. Elle n'hésitera pas a tirer le levier, cette fois. Il le sait, il le sent. Elle va s'en débarrasser comme elle s'est débarrassée de Snoop, son golden, comme elle s'est débarrassée de l'homme fort que fut un jour Josef Dmitriev pour le remplacer par cette marionnette. Comment peuvent-ils dédaigner ses actes et préférences? Comment peuvent-ils alors que celui ayant le plus gros trou au cul est son père, qu'elle enfile comme une marionnette a sa main? Mieux qu'aucun des trois garçons n'aura su l'enfiler lui, pour sûre.
«Ton père et moi ne pouvons plus continuer comme ça. On en peu plus.»Il ricane, détourne le regard de cet air insidieux, irrespectueux. C'est une main plus puissante que n'importe quel marteau qui s'abat sur le bureau en fasse, le faisant sursauter bien malgré lui.
«Regardes-moi dans les yeux quand je te parle.» Qu'elle aille se faire foutre, il ne lui fera pas ce plaisir. Peut-être a-t-elle réussi a étendre son autorité au sein même du palais de justice, mais ici, c'est chez l-
«REGARDES-MOI.» Elle claque des doigts et obtient finalement ce pourquoi elle semblait si obsédée. Un regard.
Elle le pointe de son doigt si finement manucuré, l'approche a deux pouce de son visage et le force a loucher légèrement pour garder espoir de le garder dans sa mire. Il a peur. Terriblement peur du pouvoir qu'elle a sur sa vie, peur de la sentence qu'elle va prononcer. Mais il ne lui fera pas le plaisir de le montrer, ça non. Il reste de marbre, ou du moins tente tant bien que mal de rester placide.
«Fais tes valises.»«.. Quoi?»«T'as entendu. Fais tes valises, tu t'en vas en centre.»Le monde qui s'écroule, sa vie qui tombe comme une feuille amarante et fanée.
«And I've never played a fair game
I've always had the upper hand
But what good is intellect and airplay
If I can't respect any man
Oh I want to play a fair game
Yeah I want to play a fair game»
Ce monde est un bordel.
Un véritable bordel, ou les femmes sont pour lui de jolis tableaux distants et inatteignables, ou les hommes sont des clients un peu trop bourrés qui cherchent la fermeté d'une fesse gauche a empoigner. Son malheur, c'est sa draperie. Sa détresse, la porte de sa chambre. La violence, son seul paiement. Bien sûr, qu'il sait. Il sait que c'est pas normal, pas naturel. Il sait qu'il devrait sûrement consulter, faire quelque chose pour se contrôler. Mais il n'en a pas envie. Comme un gamin devant ses jeux vidéos, implorant d'une paire de cuisse écartée 'juste un niveau de plus' avant d'aller a l'école. Des niveaux et des niveaux, là ou les boss sont tous plus puissants les uns que les autres. Gros, solides. Délicieux. Juste un niveau de plus, un nouveau client qui entre dans le bordel émotionnel qu'est sa vie. Et celui-là semble avoir la bourse pleine de ressenti et d'amertume, un joli porte feuille qui fait planer Vassili, lui donne envie de se mettre directement a genoux par terre et supplier. Non, vraiment. Supplier. Il a dix-huit ans et son expérience dans le domaine n'est plus a faire. Seulement dix-huit ans et le jeune russe sait déjà quelle position il préfère, quels petits jeux le rendent plus fort. Plus dur. Supplier, c'est son dada. Il aime ne pas avoir le choix, aime avoir le sentiment d'être prisonnier de ses propres pulsions, d'avoir tout essayé pour les chasser, en vain. Il aime ce ton désespéré dans sa propre voix, l'image qu'il doit donner a cet instant précis. Celle d'un parfait petit bout de viande, soumis et surtout possédé. Possédé.
«.. Vas-y..»«.. T'es sûr..?»Frustration. Vass' relève la tête, sent la fraîcheur de la céramique hanter sa joue rougie. En sueur, haletant. Impatient. Il plante ce regard brouillé par le désir dans l'azur de leurs homologues, laisse un long silence planer entre eux-deux, entrecoupés par leurs deux souffles saccadés. L'autre est beau, l'autre est légèrement plus barraqué que lui, plus grand, plus bronzé. Ça lui rappel ce qu'il fait ici, lui rappel ce qu'il est. Si peu.
Nouvelle décharge d'adrénaline, il sent son cœur battre la chamade et les lèvres de son désir s'agrandir un peu plus, laisser place a plus. Vassili s'expose a nouveau, prend soin d'arquer le bas de son dos dans cette position féline et si prisée par ses propres hormones. Il sent cette main chaude planer sur son torse, venir effleurer ses pointes et l'enserrer d'un bras ferme, viril. Nouveau soupire, piètre bruit d'ambiance dans le bordel de sa vie. Ça tire, ça pousse.
«Ahh..»Il s'arrête.
Pourquoi s'arrête-t-il?
«... Désolé.. Tu me le dis si je-»S'en est trop. Il se relève, entend le bruit moite d'une bonne couche de lubrifiant faisant son travail, fait fit du froid qui le saisit a la seconde ou leurs ombres cessent de n'en faire qu'une. Le coup de vent le saisit, lui donne envie de retourner par terre et de faire le travail lui-même. Mais non. Ce garçon a tout pour plaire, une attitude souriante et des blagues franchement bidonnantes, sans compter de son physique impeccable. Tout ce qu'il aurait pu rêver, les meilleurs ingrédients drôlement rassemblés pour lui concocter le copain le plus attentionné, amoureux.
Et ça le rend malade.
De l'attention et de la gentillesse, il en donne et ne demande qu'une chose en échange : ne pas en recevoir. C'est contradictoire, c'est jouissif. Sans cette petite épice, sans cet agréable sentiment, objectification, tout n'est pas pareil. Tout est ennuyeux. Le client ne paie qu'à moitier. Il n'aime pas avoir a se le rappeler, encore moins quand on tente de le convaincre du contraire. Vass aime cette position, Vass aime cette sensation. C'est comme ça, c'est tout.
«J'suis.. j'suis désolé, je dois vraiment..»«Attends, t'es sérieux, là?»«... J'suis en retard pour euh..»«Te donnes pas la peine, j'ai compris.»Ça le consterne, le frappe en plein visage plus fort qu'un coup de batte de métal. J'ai compris. C'est tout? Bien sûr, qu'il a comprit. C'était le but. Quelque part, le jeune russe espérait se tromper sur son compte, faire sortir l'animal et la colère. Mais rien. Rien que cette résignation dégoûtante et ce sentiment désagréable de ne pas s'être trompé. Il n'y a aucun animal en cet homme, rien qui puisse lui faire atteindre les chemins énigmatiques qu'il emprunte, quand le septième ciel est déjà loin derrière.
Alors il se rhabille sans un mot de plus. C'est terminé. Il aimerait être triste, pleurer un bon coup et réaliser a quel point il avait de la chance d'avoir quelqu'un d'aussi parfait a ses côtés. Mais il n'y a rien. Rien que la faim, rien que l'envie dévorante. Dévorante. Elle fait de lui quelqu'un d'autre, quelqu'un qu'il ne reconnaît pas et qu'il a peur d'un jour connaître. Rien de plus qu'un vide a combler, éternellement béant et demandant.
Il sait qu'il ne reviendra pas ce soir. Ni demain.
A peine rhabillé qu'il réfléchit déjà a l'endroit qui pourrait l'accueillir, un endroit qui pourrait être comme au centre. Un foutoir sans nom, une jungle de béton ou trônerait un lion assez fort et violent pour être son roi.
Assez fort et violent pour payer et remplacer tout les pots cassés dans le bordel de sa vie.