« Tu sais, ce n'est pas ce truc minuscule que tu as entre les cuisses qui fait de toi un homme. » précise narquoisement la jeune femme tout en renfilant les bas filés qu'elle ne peut se permettre de remplacer. Son corps frêle tremble encore de toutes parts, comme chaque fois qu'il subit les assauts morbides d'un quelconque dépravé, mais cela fait bien longtemps qu'elle n'y prête plus attention ; ce corps scarifié a beau être le sien, il ne lui appartient pas pour autant. Chaque jour, elle s'offre à des mains étrangères, toutes plus avides, toutes plus répugnantes les unes que les autres, à tel point qu'elle ne se reconnaît même plus dans le reflet du miroir. Les courbes qui constituaient sa plus grande fierté, les épaisses boucles brunes qui encadrent son visage et dont elle faisait autrefois sa plus belle parure ont aujourd'hui laissé place à une vulgaire enveloppe de chair qui lui est devenue étrangère. Cette destitution de son statut d'être humain, elle le doit en partie à l'homme qui se tient maintenant debout devant elle. Alors pour la première fois depuis ce qui lui semble être une éternité, elle se réapproprie ses membres meurtris et, d'une voix qu'elle ne se connaît pas, lui donne un aperçu de sa façon de penser. « T'es vraiment qu'une merde, Jez, et c'est certainement pas en sautant une pute, qui plus est ta pute, que tu y changeras quelque chose. » conclut-elle avec un regard mauvais, quoique dirigé vers le plancher. Elle tient à exprimer son dégoût, certes, mais elle sait également qu'ici, l’impertinence ne paie pas.
« Écoute-moi bien ma grande. » répond Jezabel, nonchalamment. « Si tu ne veux pas retourner là où je t'ai trouvée, autrement dit dans la rue, à sucer des queues qui traînent Dieu sait où, tu ferais mieux de fermer ta petite gueule. Autrement je me chargerai de lui trouver meilleur usage. » L'homme à l'imposante stature est trop occupé à réunir ses vêtements, éparpillés aux quatre coins de la pièce, pour prêter attention aux larmes de sa protégée. Aussi enchaîne-t-il, sans compassion aucune. « Je vous offre un toit, je m'assure que les clients sont des gens convenables qui ne vous refileront pas x saloperies et mademoiselle joue les ingrates ? Mais libre à toi de te casser ma belle, la porte est grande ouverte. » Bien sûr, Jezabel sait pertinemment qu'elle n'en fera rien. Il fait régner parmi ses filles un régime de terreur et gare à celle qui ne lui obéira pas au doigt et à l’œil. « D'ailleurs, si effectivement tu décides de te tirer, passe le bonjour de ma part à Ethel ! » ajoute-t-il avant d'éclater d'un rire tonitruant. À la simple mention de ce prénom, la jeune femme perd en assurance, aussi bien qu'en couleurs.

(en cours)