Zéo, je voudrais te parler de la vie mais je sais pas trop comment. Je voudrais te dire que c’est pas vrai, ce qu’on raconte à la télé. Je voudrais te dire qu’y’a pas de cons qui tuent les gens dans les rues de Paris, qu’y’a pas d’avions qui s’écrasent dans les tours qui grimpent un peu trop haut. Mais je peux pas te mentir, Zéo. Et même si c’est triste, même si tu comprends pas, faut pas que t’oublies que ça s’est passé. Faut pas que t’oublies qu’on s’est relevé, que le monde entier a coloré ses monuments aux couleurs de l’amour, aux couleurs de la vie. C’est peut-être un peu trop loin pour toi, Paris. Peut-être que tu penses qu’à la Tour Eiffel, et qu’à l’océan qui te sépare d’elle. Que t’oublies les petits cafés que les gens remplissent de leurs rires, les arrêts de métro dans lesquels résonne un peu de musique heureuse. Mais aujourd’hui, je crois qu’y’a plus de frontières, plus de villes, plus de pays. Je crois qu’on est tous du côté de la vie, tous ou presque. Faut les oublier les autres, Zéo. Faut penser qu’à nous, qu’à nos coeurs qui battent parce qu’on s’aime un peu trop fort. Tu sais, j’ai grandi dans des endroits pas jolis, et j’y ai vu des choses qu’on oublie pas. J’ai fait un tas de trucs que je regrette, des trucs qu’on raconte pas à une petite fille de six ans, mais rassure-toi, c’est moins pire que ce que tu vois à la télé. J’étais un peu bancal, puis t’es arrivée. C’est toi qui m’a soigné, Zéo. C’est toi qui m’a donné envie de marcher droit. Toi et ta mère. Pour vous, y’a rien que je pourrais pas faire. On est une équipe tous les trois, d’accord Zéo ? Ta mère, toi, et moi. Je suis désolé si on s’engueule, avec ta mère. On est du même côté, elle et moi, mais on a pas les mêmes approches. Notre sentier à nous, c’est la vie. Celle qu’on chasse de notre promenade, c’est ta leucémie. Ta mère préfère les chemins qui vont tout droit, mais moi j’aime bien les slaloms entre les arbres et les sauts au-dessus des flaques. Parce qu’ils te font rire. Parce qu’ils ne t’épargnent pas la vie. Va falloir que tu me promettes de garder nos petits secrets. Faut pas que tu parles à ta mère des bonbons que je cache sous ton oreiller, et des sorties secrètes qu’on fait tous les deux. Tu vois Zéo, la vie, elle est jolie. La vie c’est un bouquet de fleurs. Verser une larme, c’est perdre une pétale. Mais sourire, c’est gagner une fleur toute entière. Alors ne t’arrête pas de le faire grandir, ce bouquet. C’est toi qui fais les plus jolies fleurs.