"Je ne suis pas une enfant modèle. Du moins pas pour mes parents. Mr et Mme parfait ont donné naissance à la plus imparfaite petite fille qu'il soit. Ils dirigent un grand groupe pharmaceutique dont je tairais le nom. Ils ont l'argent, le pouvoir et leur nom parle à tout le monde. Quand ma mère apprend qu'elle est enceinte d'une fille, c'est la joie. Bien sûr mon père aurait préféré un fils pour reprendre l'affaire familiale car "gérer une entreprise n'est pas une affaire de femme". Mais peut importe, ils sont heureux, je suis une gosse plutôt calme, câline et docile. Jusqu'à ce que je sois en âge de comprendre oh combien ma famille est un ramassis d'hypocrites dégénérés pour qui le paraître est d'importance capital.

Vers mes 5 ans je commence à me rebeller contre ces personnes qui n'ont en fait rien de parents normaux. "Ne t'habilles pas comme ça Jodie", "Ne dis pas ca Jodie", "Ne fréquentes pas cet enfant Jodie", car "que diraient les gens s'ils te voyaient !" Je prenais alors grand soin de faire précisément l'inverse de ce qu'ils attendaient de moi, chez moi comme à l'école.

Alors bien sûre, quand ils apprennent que leur fille est lesbienne, c'est le drame, la honte de la famille. Adieu les petits enfants, adieu la petite famille parfaite que tout le monde envie. S'ils savaient, entre ma mère et son penchant pour la bouteille et mon père qui couche avec la voisine, elles sont belles leurs valeurs! Au lycée ça n'a pas non plus été accepté. Quand t'es dans un lycée bobo chrétien et que tu fais rentrer en douce ta copine punk pour l'embrasser dans les couloirs, ça fait désordre. Et dans ce genre de lycée ils n'y vont pas par quatre chemins : hop la porte.

Après trois changements de lycée et l'obtention de mon diplôme sur le fil, ils ont tenté de me faire intégrer une bonne université au Canada, mais j'étais le petit mouton noir. Ils voulaient être avocat ou médecin, je voulais jouer dans un groupe de rock. Ils voulaient se marier et avoir beaucoup d'enfants, je voulais rencontrer le plus de nana possible.

L'une d'elle avait d'ailleurs attiré mon attention. Je voyais qu'elle était réceptive mais tentait de le cacher. J'ai finalement eu ce que je voulais mais sa meilleure amie nous a surpris en train de nous embrasser dans un couloir, et ce fut le début des emmerdes. Elle a fait courir le bruit que je l'avais embrassée de force, et le bahut qui m'avait déjà dans le collimateur m'a là encore expulsée.

Une nouvelle fois je ternissais l'image de ma famille parfaite. Il était donc "dans l’intérêt de tout le monde", de m'envoyer le plus loin possible du domicile. Et donc, me voilà. Un deux pièces à New York dans un coin très... charmant : "cadeau d'anniversaire en avance chérie !" Tu parles, ils l'ont payé avec les sous qu'ils m'avaient versé toutes ces années ! Investissement sur le long terme qu'ils disent ...

Les études, la théorie tout ça, c'est quelque chose qui m'ennuie profondément. J'ai toujours fait en sorte d'être moyenne, le minimum sans trop forcer. C'est ma philosophie. Les études c'est fini, maintenant que je suis ici, loin des regards critiques, je vais faire ce qu'il me plait le plus, boire, servir à boire, et jouer de la musique. Je verrai si je trouve un bar sympa qui voudra bien m'embaucher, car malgré l'appart tout frais payés, je dois me démerder pour les charges : "c'est pour ton bien chérie" haha..."