C’est avec une salade acheté à la brasserie du coin que je rentre chez moi. J’ai rien dans le frigo et j’essaie de reprendre une alimentation saine. Le kebab à côté de la brasserie m’a fait de l’œil mais j’ai tenu bon et j’en suis fier. Je me sens plein de bonnes volonté aujourd’hui et quand j’entre au Parking je vois de nouveau cette affiche à propos des interviews. J’y ai réfléchit l’autre fois, mais je me suis dit non. Je n’ai pas envie d’être le centre de l’attention. Je n’ai pas envie de mélanger vie privée, vie du boulot, mais là maintenant, je suis d’une très bonne humeur et je vois les choses sous un autre angle. J’ai moins peur. Je me dis qu’il n’y a pas de raison que le sujet de mes penchants sexuels arrivent sur le tapis pendant l’interview. Je regarde l’heure, l’interview devait se passer dans une heure à peu près. Ca me laisse le temps de rentrer et manger ma salade avant de filer sur le toit.

Quand j’arrive là-haut, il y a quelques personnes et j’essaie de ne pas trop leur prêter attention. Je suppose que ma réputation me précède. J’espère juste qu’ils sont assez intelligents pour ne pas parler de choses inappropriées. Je m’installe et je sors mon téléphone, m’amusant avec en attendant que l’interview commence. Je suis vêtu d’un short en jeans avec un débardeur noir et j’ai ma casquette batman sur la tête. Je relève les yeux vers la journaliste et je range mon téléphone dans ma poche quand elle prend la parole. Je l’écoute parler et je me demande si elle veut qu’on prenne la parole là.

« Ca tourne déjà ? »

Oui je me demande si on est enregistré ou si je peux baisser ma garde. Je compte bien faire attention à ce que je vais dire. Je ne veux pas passer pour un pitre à la télé.

Woaw nan mais c'est trop cool ! je m'extasie en lisant le papier collé sur le mur du couloir. Un reportage sur le Parking, c'est super! Bon, je remarque que les projecteurs sont surtout dirigés sur les évènements les plus sinistres de l'immeuble. Mais ça va animer l'endroit et peut-être rapprocher tous les locataires ensemble !

Vêtue de ma plus belle robe d'été, et après avoir pris le temps de me faire une jolie coiffure tressée, je monte avec enthousiasme sur le toit de l'immeuble. Des personnes sont déjà présentes, regroupées autour d'une femme en tailleur gris. Je me fraye un chemin parmi le petit groupe pour m'approcher et aussitôt, je m'émerveille : « oh ! mais c'est Samantha Hamilton, ohh mais elle est troopp beelllee, vous n'trouvez pas ? »  je l'ai dit comme ça, un peu trop fort, en m'adressant à personne en particulier, sans me soucier des personnes autour de moi -elles ne sont pas connues, contrairement à Samantha!-

Spoiler:

Bien décidée à passer à la télé, j'essaie d'avancer un maximum vers le champ de tournage avec un grand sourire mais je bouscule maladroitement une personne devant moi. Elle se retrouve alors propulsée directement dans le cadre de tournage. Mlle Hamilton annonce alors dans son micro : « voilà, notre premier volontaire ! » j'émets un hoquet de surprise en réalisant ma bourde, faire faire interviewer quelqu'un qui n'a sûrement rien demandé !

Si elle est trop belle Samantha Hamilton ? Ouais. Pas mon genre. Du coup je ne préfère pas répondre à la question (sûrement réthorique) de la fille qui est non loin de moi. J’ai le nez dans mon téléphone, tel un mal propre. Oui je me demande si finalement c’était une bonne idée de venir ici. Sauf que le destin s’occupe de moi autrement alors que je suis « volontaire ». Hein ? Ah ben visiblement ouais. Je tourne les yeux vers la fille derrière moi. Celle qui m’a désigné volontaire et je la regarde l’air de dire « Qu’est ce que t’as fait meuuuuuuuf ??? » au final, je reprends contenance et je m’éclaircis la gorge avant de prendre la parole.

« Hem… Bonjour. Je m’appelle Aaron Dickens, je suis pompier et j’habite ici depuis le début de l’année. »

« Bonjour Aaron, merci de participer au reportage. Une chose est sûr, je n’aurai pas cru tomber sur un pompier par ici. »

Préjugés, préjugés.

« Qu’est ce qui vous a mené à vivre ici ? »

« Oh c’est simple, je cherchais un nouvel appart’, mon propriétaire vendait celui où j’étais. Juste quelques blocs plus loin. J’aime le Bronx, j’avais pas envie de changer de quartier. Et le loyer est pas cher. C’est cool. »

Je vois dans ses yeux que je l’intéresse mais j’ai pas trop envie de monopoliser le truc.

« Et comment se passe le quotidien au Parking ? »

« Comme partout ailleurs je suppose. Enfin, partout ailleurs, peut être pas dans le centre de New York. Mais ouais, c’est pas rare d’entendre les sirènes de flics dans le coin. Même quelques coups de feu parfois, mais je préfère penser que c’est juste des gens qui s’amusent avec leurs flingues qu’autre chose. Dans le sens ils s'entrainent à viser sur des canettes vides sur le toit... »

Je fais un petit sourire de merde et j’ai vraiment l’impression que je dis de la merde.

« Vous allez couper ce que je raconte nan ? Enfin, vous sentez pas obliger de tout mettre dans votre émission. »

« Ne t’inquiète pas Aaron. Je me permets. »

Oui oui permet toi. Tutoies moi, appelle moi par mon prénom. J'aime.

« Ouais ça fait moins formel, je préfère aussi. »

Je tourne la tête vers les autres qui sont là.

« Un autre volontaire ? »

Je la fais rire, la Samantha. Je me demande si elle m’imagine à poil, si je lui plais. J’ai pas du tout essayer de jouer le charmeur. J’en mène pas très large devant la caméra, c’est pas facile.

« Dites moi ce que vous préférez et détestez au Parking. »

Je suis content de voir qu’elle regarde tout le monde et pas juste moi. Les caméras s’en foutent un peu du champ principal. C’est devenu plus décontracté je trouve. J’aime bien. Surtout que je ne suis pas le centre de l’attention. Je me rapproche de la masse des autres personnes présentent. Voilà. C’est beaucoup mieux.

Spoiler:

C’est des conneries ce tournage, t’as pas besoin d’avoir la télévision chez toi pour savoir que ça pue la condescendance leur truc, le genre de reportage à la con que regarderont les gens bien. Ils regarderont votre cage à rat puante et devant vos sourires édentés, ils se féliciteront d’être favorisés par la vie. Alors ça te fait chier leur truc, t’as pas envie d’avoir une caméra braquée sur toi et encore moins avoir une connasse au brushing laqué t’enfonçant son micro dans la gueule. T’aurais bien aimé te casser d’ici au moins jusqu’à la fin de la journée mais bordel, ils étaient absolument partout. Même quand le gosse avait disparu ils n’avaient été aussi nombreux ! Excédé par leur raffut, t’étais monté sur le toit mais si tu avais espéré y trouver la paix, tu te fistais profondément gamin. Non, au lieu d’être tranquille, tu tombais nez à nez avec une équipe de tournage en train d’interviewer gentiment un type de l’immeuble, tu ne lui avais jamais parlé mais ses réponses dégoulinaient de bons sentiments. Ça te donnait presque envie de gerber ce besoin de faire les mignons devant la caméra.
Soudain pris par l’envie de jouer au con, tu mis ta main devant la bouche comme un mégaphone.
« c’est NUUUL ! » T’as pas d’argument, t’as même pas de raisons pour t’en mêler mais ça t’es égal, tu reprends une gorgée de ta canette avant de tourner les talons, content d’avoir trollé le pauvre type.