Son enfance a été heureuse. Fille unique, choyée, adorée, protégée. Fille tant attendue, tant espérée par deux parents aimants qui ont su faire part entre boulot et vie de famille. Abigail se montra attentive au monde qui l'avait toujours entourée, se montra toujours curieuse et pleine de vie. Son adolescence ne fut pas plus compliquée, non plus. Bien entendu, elle connut sa première déception amoureuse du nom de Brian, un beau garçon pas vraiment fait pour elle mais était entourée de sorte à ce que ça ne la touche pas tant que ça. De bonnes notes à l'école, appréciée des professeurs, une bande d'amis assez sympa... Une crise d'adolescence que beaucoup de parents envieraient au fond – malgré parfois quelques débordements. Bref, pas grand-chose à raconter. Une rouquine un peu trop normale.
Jusqu'au jour où elle le rencontra.

Ses yeux ne cessèrent de l'observer, de le jauger. Pour l'anniversaire de son meilleur ami, ils avaient tous les deux dix-huit ans, Abigail lui avait offert des places de concert pour leur groupe préféré. Ce n'était pas leur premier, mais celui-ci était tout particulier ; l'un des membres du groupe avait changé et ils tenaient à voir comment ce nouveau guitariste s'en sortait, s'il collait bien à l'esprit du groupe. Les deux jeunes semblèrent l'accepter tout de suite dans leur coeur, Abigail plus qu'Aiden, très certainement... C'est sans doute un peu niais de dire ça, mais elle avait craqué pour lui au premier coup d'oeil. Il était talentueux, beau... Elle ne savait rien de sa personnalité encore, et pourtant il lui plaisait déjà. Son meilleur ami la taquina d'ailleurs tout au long du concert, car il avait parfaitement remarqué ce béguin d'adolescent. Il l'encouragea alors à aller le voir à la fin du show... Ce qu'elle ne manqua pas de faire, audacieuse comme elle était. Les premiers échanges furent plutôt décontractés, mais l'entretien fut également très bref. Le garçon, fatigué par le concert, devait impérativement retourner à l'hôtel avec le groupe, il lui laissa alors son numéro de téléphone.
Abigail avait toujours été du genre à s'attacher rapidement, mais avec lui... c'était ce qu'on pouvait facilement appeler un coup de foudre. Si bien qu'au bout d'un mois et plusieurs rendez-vous ils se mirent ensemble. Un vrai bonheur. Petit coin de paradis. C'était presque trop beau.

En fait, c'était trop beau.

Les premiers mois de relation furent absolument magiques. Les deux jeunes ne tardèrent pas à s'installer ensemble d'ailleurs, vraiment fous l'un de l'autre. Ils passaient tout leur temps ensemble, quand Abigail n'avait pas cours, et lui pas de concerts. En fait, ils passèrent tellement de temps ensemble, dans leur bulle, qu'elle en oublia tous les gens qui l'entouraient. Adieu, son meilleur ami. Envolée, sa famille. Elle ne vivait que pour lui, et ce fut sans doute sa plus grosse erreur. Celle-là, et... celle d'ouvrir un compte commun avec celui qu'elle pensait être l'homme de sa vie.
Le garçon avait toujours eu un petit côté cupide qui ne la dérangeait pas. Il vivait de son art, s'en sortait bien et appréciait donc le luxe et les bonnes choses. Il adorait chaque sous qu'il remportait. Le petit couple n'avait jamais manqué de rien, commençait même à faire des projets. C'était toutefois ce qu'il s'obstinait à lui faire croire...

Parti en tournée, qu'il lui avait dit. Abigail n'était pas franchement jalouse, lui faisait confiance. Après tout ils étaient ensemble depuis deux ans maintenant. Cette fois-ci il avait pris plus d'affaires que d'habitude, avec comme excuse ; au cas où. Elle n'avait rien dit, et attendait patiemment son retour en s'occupant avec ses études. Seulement, Abigail trouva le temps bien long. Quelques courriers assez alarmants arrivèrent chez eux, parlant de l'incapacité du couple à payer le loyer, et plein d'autres choses. Sa carte bleue ne sembla plus marcher, ou en tout cas était vide de tout argent. Abi pensa d'abord que ce n'était qu'une erreur, ça arrivait parfois. Elle tenta donc d'appeler son amoureux mais n'eut jamais de réponses. Elle mit un temps fou avant de comprendre la situation – ou plutôt avant de se résigner. Il s'était barré avec toutes leurs économies. Peut-être même que la tournée n'avait jamais existé, toujours était-il que lui ne reviendrait plus.
Abigail n'eut pas vraiment le temps de pleurer son départ et sa trahison. Ni même de se demander si leur histoire avait un jour été sincère et réelle. Si elle avait eu l'occasion d'y repenser – ce qu'elle ne fit que beaucoup plus tard – elle aurait remarqué que certains signes ne trompaient pas. Abi n'avait jamais rencontré les parents du guitariste. Il avait toujours été vague à ce sujet. Puis c'était lui qui avait vraiment insisté pour ce foutu compte commun.
Dans l'immédiat, elle eut d'autres choses à penser. Penser au fait qu'elle n'avait plus d'argent et pas de travail. Penser au fait qu'elle n'avait plus d'amis pour l'aider, et que sa famille ne lui pardonnait pas son absence prolongée. Elle n'avait plus que son chien, en réalité. Sammy fut d'un soutien sans failles, malheureusement elle songea à le donner. Pour son bien. Abigail ne parvint toutefois pas à s'y résoudre... et se retrouva à la rue à peine un mois plus tard, accompagnée de son fidèle animal, âgé de cinq ans maintenant.

Abigail s'établit dans le Bronx, près du Parking. Allez savoir pourquoi... On lui donna parfois de l'argent dont elle se servit en particulier pour nourrir son chien, et elle quand il restait quelque chose. Abigail détestait qu'on l'aide, qu'on lui fasse la charité. Elle n'avait malheureusement pas le choix...

Actuellement, Sammy ne va pas très bien. Abi non plus, mais elle préfère se focaliser sur l'état de son chien. Elle a bien tenté d'aller voir le vétérinaire, mais il refuse de regarder son chien gratuitement. Alors elle attend, impuissante, et ne peut qu'espérer que ça aille mieux... Bêtement.