T'as rien compris à ta vie. En cette fin de journée, t'étais tranquillement dans ton appartement du sixième étage, en train de faire un peu de tout, comme d'habitude, pour t'occuper pendant tes longues et interminables journées : du ménage qui ne servait strictement à rien puisque tout était propre, du piano - mais vite stoppé car aujourd'hui tu n'avais pas d'inspiration -, de la cuisine - finalement t'as jamais été bonne cuisinière, faut pas s'acharner - et d'autres choses sans intérêt. De toute façon, ta vie entière était devenue sans intérêt depuis que t'avais plus de voix. Au Parking, au moins, t'étais seule et pratiquement personne ne venait t'emmerder, tu pouvais ressasser le passer autant de temps que tu le souhaitais. C'était presque bien. Cependant, la notion de bien et de bonheur t'avais vite échappé ces jours-ci.
T'as entendu du bruit. Au début t'avais cru que tu rêvais, que t'hallucinais comme toujours, mais finalement, le bruit ou plutôt le brouhaha s'intensifiait et ne s'arrêtait plus, jusqu'à ce que ce qui ressemblait à la voix d'un policier se fit retentir dans tout l'immeuble. Du moins, pour ceux qui avaient vue sur la rue, comme toi. Tu t'es approchée de la fenêtre, t'as regardé pendant un moment pour comprendre et voir ce qu'il se passait. Une fouille, c'était bien le jour tiens. Manquait plus que ça. Tu n'avais rien à cacher, mais justement, tu n'avais pratiquement rien et ça te faisais honte. A part le peu de cigarettes. Jamais d'alcool. Tu bois plus. Depuis trois ans, t'as arrêté, ça te fous la trouille même si t'as vraiment envie de replonger. La dernière fois que tu as pris une cuite, c'était dans un bar à Los Angeles, t'avais fini par pleurer à chaudes larmes dans les toilettes avant qu'un jeune homme vienne t'aider. Au départ, t'avais cru que c'était un ange tombé du ciel, mais c'était simplement un autre démon, qui était vite parti, mais que tu n'avais jamais oublié.
Bref, tu veux pas te rappeler de cette soirée, ni de cette vie. Le passé, c'est le passé. Faut essayer de vivre dans le présent, et le présent, aujourd'hui, c'était que il y avait la police et une foule devant l'immeuble. Tout ce monde te fais peur, alors tu te recules, met les rideaux troués devant la vitre et tu retournes à tes broutilles, attendant qu'un policier entre fouiller ton petit studio de pacotille. Tu hais les policiers depuis qu'ils ont arrêté ton âme-sœur il y a quatre ans. Mais tu diras rien, comme d'habitude.

Une bonne heure s'est écoulée, peut-être deux. Le chef des opérations tente tant bien que mal de gérer ses équipes déjà rendues au dixième étage et en train de fouiller plus ou moins aléatoirement les appartements. Pitié, qu'ils trouvent ce gosse rapidement... et en vie, aussi. Et finalement vient la bonne nouvelle. A tous les agents, mission terminée. Je répète : mission terminée. Le gamin a été retrouvé au 8ème avec son père. Affaire de famille apparemment. LE voilà qui pousse un énorme soupir et s'affale sur le siège passager de sa voiture. Bordel, dieu merci, c'est terminé. Oh non, le policier n'aime pas ce quartier, pas du tout. Et les inspecteurs qu'il a envoyé sont pour la plupart des novices du Bronx, sauf un ou deux. Mais leurs instructions ont été claires : pas de conflit. Il espère qu'aucun incident n'est à déclarer. Finalement, il se lève et s'empare du mégaphone afin d'alerter les locataires, voisins et curieux que la fouille est terminée. Mesdames messieurs, vous pouvez disposer, le jeune garçon a été retrouvé sain et sauf. Merci pour votre patience et votre compréhension. Clair, net et précis, il n'en faut pas plus pour que la foule s'agite et que les conversations repartent de plus belle. Quelques minutes plus tard, toutes les équipes sont redescendues et les voitures de police s'éloignent dans la rue, loin de cet immeuble déprimant et malfamé, pense le chef des opérations plus que soulagé d'en avoir terminé.