(NOM) keating, avant c'était presque une fierté, maintenant que ton père a clamsé ça n'a plus d'importance, un énième truc qui te rattache au passé. ton nom tu pourras jamais l'oublier même si parfois tu voudrais (PRÉNOM) connor et le prénom tu le recraches. plus personne n'est autorisé à t'appeler comme ça même pour déconner, même par affection. connor ça rappelle trop de trucs trop de bleus au coeur trop de souvenirs. c'est coma depuis longtemps, coma depuis les coups les chutes le silence l'hôpital. coma quand tu t'es relevé pour étrangler la vie de tes mains de gamin. coma, c'est tout c'qu'il y a. (ÂGE) la vingtaine qui vient juste de passer qui t'a fait un truc bizarre parce que tu pensais pas y arriver. t'as failli crever tellement d'fois que t'as arrêté de les compter alors quand le deux s'est superposé tu t'es dit que t'étais en train de rêver. mais tu le sens le poids des années, ça pèse sur ton dos en permanence quand tu ravales ta salive pour te battre quand tu te sens grandir évoluer. la vingtaine c'est toujours pas assez. mais t'as plus l'intention de laisser le gamin l'emporter. (DATE ET LIEU DE NAISSANCE) 18 décembre 97 dans l'hôpital d'à côté. une naissance sans réelles effusions le bonheur des parents qui a été de courte durée. comme les autres t'es né ici tu crèveras ici, sûrement. comme les autres t'es pas capable de t'élever du caniveau, le bronx tu fais partie des murs. (OCCUPATION OU ACTIVITÉ) t'as pas pu finir le lycée, t'as essayé pendant des années pourtant t'étais pas plus con qu'un autre t'étais même plutôt doué quand tu t'y mettais. mais la vie elle te laissait pas te concentrer, les morts les guerres, celles dans la rue celles dans ta tête, le gouffre qui t'a entraîné la peur de crever. t'as jamais été diplômé. depuis tes douze piges tu vendais des petits sachets pour des plus grands qui te filaient un peu de monnaie. passeur il paraît que c'est ça le truc officiel. t'as raccroché ça fait pas longtemps mais tu te forces à dire que c'est derrière toi maintenant, même si quand on te reconnaît on te demande où est la came, même si les flics te regardent toujours de loin. t'as cherché un truc à faire mais faut croire que t'es bon à rien, bossé dans le garage de deirdre parce que tu voulais faire un truc de tes deux mains. échec sur échec pour retomber sur la chaussée, tu désespères pas. tout l'monde finit par trouver, pourquoi pas toi? (NATIONALITÉ) américain. si avant t'étais patriote à cause de ton père et de ses beaux discours, depuis le Centre et la violence qui t'a rattrapé tu craches sur l'amérique tu vomis sur l'hymne national, les belles valeurs en plastique la nation des pseudos-libertés. tu rêves juste de voir un jour le pays se soulever. (ORIGINES) pur rebus américain d'aussi loin que ton père se souvienne. les origines c'est important que quand t'es pas blanc, c'est lui qui l'disait. (STATUT CIVIL) coeur laissé à l'abandon, y'a un amour qui t'a brisé et l'autre qui t'a déchiré, y'a eu kyllien la douceur que t'as gâché, y'a eu badz que t'as aimé à en crever, qui t'a laissé. ça résonne dans tes veines parfois ça te réveille la nuit, badz disparu impossible à retrouver, il est peut être mort pour c'que t'en sais. t'essayes en silence de te réparer, de te perdre entre les corps entre les coeurs dans des lits d'autres âmes esseulées. pour l'instant ça n'a pas l'air de marcher. (ORIENTATION SEXUELLE) t'as encore du mal à assumer parfois, y'a toujours les doutes qui persistent les discours de monstruosité, les monsieurs en blanc du centre qui ont essayé de te persuader que c'était pas naturel d'être pédé. mais maintenant que t'as réussi à t'échapper t'es prêt à assumer à aimer à cogner à gueuler, on a des droits on est normaux j'suis pas un monstre j'le serai jamais. malgré l'orage qui cogne parfois tu sais qu'il faut avancer qu'il faudra que tu te battes qu'il faudra que t'assumes. tu peux plus mentir à propos de qui t'es, tu l'as trop fait, t'as trop essayé, t'es fatigué. (DATE D'ARRIVÉE AU PARKING) t'es là depuis toujours, les murs t'en connais chaque recoin chaque fissure chaque coup de peinture. le parking qui t'a accueilli alors que tu savais à peine marcher, qui t'a vu t'élever pour mieux trébucher. t'es parti quelques mois, quelques semaines tu sais plus une fois enfermé on perd la notion du temps. tu viens juste de revenir en trimbalant avec toi une bande de gamins acharnés apeurés, en essayant de sauver une bande rabibochée. la maison c'est ici, entre le bitume et les coups de poing. la maison ça sera toujours le parking, t'y peux rien.(GROUPE) t'oses plus rêver depuis longtemps, mais t'es trop dur pour seulement survivre, t'es comme un chewing-gum sous la semelle un des durs, impossible de s'en débarrasser. tu rêves plus tu survis pas alors t'essayes juste de vivre. ouais, vivre, c'est bien.


(Quand et comment avez vous emménagé au Parking ?) dans les bras de ton père, tu savais même pas marcher. d'aussi loin que tu te souviennes t'as toujours connu ces murs ces pavés la cour et ses fleurs fanées le toit et les lumières qui t'appelaient. t'as vécu ici vingt ans, t'as essayé de faire quelques mouvements, jamais tu t'es enfui, t'as toujours fini par rester. souvent tu te dis que le Parking te verra crever. peut être dans pas si longtemps.

(Que pensez-vous de l'immeuble et vos voisins ?) t'en penses pas grand chose, y'a des pourritures, y'a des soleils, y'a la vie entre les murs tu t'es habitué, tu t'es souvent demandé si y'avait mieux ailleurs sans aller y goûter. t'as tout vécu dans ce putain d'immeuble t'as même failli y rester, mais au fond les gens ils viennent ils s'en vont, tout le monde s'en va ou presque même ceux qu'on voit aller et venir depuis des années. au parking on devient des ombres, ou on vit plus fort. y'a trop de gens différents pour que tu puisses les analyser. avant tu les connaissais tous, quand t'étais gosse tu regardais les nouveaux arriver, t'essayais toujours d'aider. maintenant t'es comme un étranger, souvent même tu préfères te cacher.

(Quelle est votre réputation au sein du quartier ?) depuis que t'es revenu tu sais pas. il paraît qu'on a parlé pendant que t'étais pas là mais au fond ça a changé quoi? avant, t'étais la plupart du temps dans l'appartement vide à fixer le plafond à avoir envie de crever quand tu sortais tu faisais peur. on pense pas grand chose de toi, tu crois. t'es le gamin qui a toujours été là, le petit pédé le petit con arrogant qui gâche tout ce qu'il croise, les choses et les gens. on parle de toi quand on parle d'hosto, on parle de toi quand on se dit pauvre petit, on parle de toi quand on parle de se gâcher. c'est tout. on parle de toi comme on parle des poubelles qu'on a pas envie de vider.