18 avril 2011
cher journal,
première fois que j't'écris, première fois rime avec présente-toi, ça a pas de sens d'commencer un bouquin futile si on sait même pas qui en est l'auteur, pas vrai ?
l'parfait cliché du gosse qui pointe sa tronche dans une famille aimante, j'suis. l'parfait cliché du gosse qui a tout pour être heureux. l'cliché qui est parti en couille, j'sais pas où il est parti le gosse, mais il est loin.
sigmund freud disait si tu veux pouvoir supporter la vie, sois prêt à accepter la mort. mais tout ça, c'est que d'la pure connerie, d'la pure fantaisie qu'on raconte aux enfants devant la dépouille du cochon d'inde qu'ils ont oublié d'nourrir. parc'que j'ai accepté la mort, parce que c'était pas un choix. et pourtant, des années après, je supporte pas, toujours pas, la vie. on mettra ça sur l'compte d'une étiquette d'malade mental qu'ils m'ont collé sur la tronche, y'a bien des années d'ça. dangereux, qu'ils disent. dangereux, sans limite. dans l'danger, y'a l'adrénaline, t'sais, l'genre de truc qui t'fait une piqûre d'rappel histoire d'te dire "hé, t'es vivant quand même", parc'que si rester cloîtré chez soi à trembler à l'idée du danger, ça donne pas d'valeur à la vie, pas d'sens. elle a pas d'sens, si on risque pas d'la perdre. elle a pas de sens, dans le fond, l'existence. on naît, on vit dans un monde de merde, on meurt, point final. si on a de la chance, on a le droit à un peu de bonheur par dessus, mais c'est vraiment si on est chanceux. sinon, c'est marche ou crève. j'avoue avoir envisagé la seconde option à plusieurs reprises.
une existence résumée au mot destruction. vingt-six années qu'tu mènes cette vie. vingt-six années de douleur, de souffrance, de peine. mais tu t'rappeles, jaz ? tu t'rappeles qu't'étais heureux, fut-un temps ? qu'maman et papa, ils étaient géniaux. ils étaient les meilleurs parents du monde, et maman, elle travaillait dur pour réaliser son rêve. elle travaillait dur, maman c'était une créatrice de mode, elle voyageait beaucoup. papa a toujours dit d'ailleurs qu't'as hérité ton don pour le dessin d'elle. maman, elle aimait voyager, découvrir d'autres horizons et pourtant, c'est ce qui lui a coûté la vie, c'est comme ça qu'elle a disparu. ces horribles machines qui en un instant réduisent des vies à néant, juste un boom et après, c'est fini. maman, elle est partie quand t'avais douze ans, le début de la fin. dépression, renfermement. à douze ans, on nous dira que c'est triste, et toi, tu diras que c'est pas grave, que c'est de ma faute, car c'est là que tout a débuté.
durant l'année 2004, extrait de l'ancien carnet d'jaz.
maman.
voilà déjà six mois qu't'es partie, que tu m'as laissé seul avec papa. tu m'as abandonné, ici. en bas. j'pense qu'à ça, maman, c'est de ma faute si t'es plus là. j'aurai jamais dû insister pour que tu sois là pour noël, c'est pas grave, on l'aurait pas fêté ou alors on l'aurait fêté plus tard. mais si ça avait été le cas, tu serais encore là, papa se noierait pas sous une tonne de travail pour oublier, il pass'rait pas son temps entre avions et passages brefs à la maison, pour s'empêcher de réfléchir, penser à toi, à moi, à nous. je lui en veux, il m'abandonne, j'suis seul depuis que t'es devenue une étoile. c'est stupide, mais chaque soir, je m'endors en regardant une dernière fois le ciel en me demandant si t'es bien, là-haut. maman, j'voudrais tellement te rejoindre.
tu m'manques. encore et toujours.
le silence, le désespoir. une adolescence sans aucun sens, pas de parents, papa, il est juste là pour gueuler quand tu détruis ta chambre sur un coup de colère dans une énième crise de nerfs. il est là pour gueuler pour ton relevé de notes catastrophique. il est là, juste pour ça. papa, il est là quand ça l'arrange, il agit comme si t'étais plus là.
papa est aux abonnés absents, maman est morte.
mais un jour, mateus débarque, comme ça.
avec ses problèmes, certes.
mais il débarque et il change ta vie.
03 décembre 2010
maman, j'sais pas ce qu'il se passe. maman, il est là, il est toujours là. il est entré dans ma vie sans demander vraiment mon avis, il est entré dans ma vie parce qu'il a décidé de m'aider, il dit que j'ai l'droit au bonheur, le droit d'être heureux à nouveau et d'me reconstruire. maman, je comprends pas comment il me supporte, moi et mes crises, mes crises et moi. comment il fait pour rester avec moi, mat ? il mérite tellement mieux tu sais, il est beau, il est gentil. il a tout pour lui, pourquoi il s'attarde sur moi alors qu'il pourrait trouver cent fois mieux ? j'comprends pas, mais y'a une voix qui me crie que le voir avec quelqu'un d'autre me briserait un peu plus que j'le suis déjà.
je l'aime, j'crois, un peu trop. maman, je sais pas ce qu'il se passe.
mateus. six lettres, un prénom un peu compliqué au départ. six lettres, un sourire, des yeux qui s'illuminent. mateus, il est arrivé sans crier gare, sans demander l'avis de qui que ce soit. il est arrivé, il a bouleversé tout sur son passage, et pourtant t'es pas l'genre de type fleur bleue et ça, il l'a vite compris. vous vous êtes connus dans les couloirs de la fac, des regards au début, et il a décrété qu'il voulait t'aider, t'aider à te reconstruire, à être heureux. t'as jamais compris ce qu'il t'trouvait, mat. il était merveilleux, de ceux qui marquent leur passage, de ceux qui sont inoubliables. il a attendu, il a toujours été là, même quand papa a voulu t'envoyer chez les fous, il a été là. il t'a toujours aidé, épaulé et un beau jour, vous vous êtes tout avoué, un beau jour, tout a explosé et l'un dans les bras de l'autre, vous vous êtes promis d'jamais vous abandonner, vous vous êtes promis d'vous aimer à en crever. bordel, qu'c'est cliché, mais toi, jaz finch, tu n'fais jamais les choses à moitié. il a été ta grande force mais également ta plus grande faiblesse. il a jamais abandonné, pour autant parfois c'était dur, vous en avez vécu, des coups durs et.. pas qu'un peu.
juin 2012
les yeux rivés sur la porte, tu l'attends. t'as aucune idée de l'heure, tu l'attends. tu l'attends, parce qu'vous vous êtes disputés un peu trop fort. y'a eu des mots durs, des mots durs sortis d'ta bouche. y'a eu ses yeux, ses yeux y avait pas d'étoiles dedans, ce soir. non, il avait le regard grave, qui lançait des éclairs foudroyants. s'il avait eu des mitraillettes à la place des yeux, il t'aurait tué sur place. ses mots résonnent dans ta tête, ça cesse pas, ça résonne en continu, ça t'rappelle que t'es minable, que tu mériterais juste de disparaître.t'es dégueulasse, jaz, j'te déteste. vas t'faire foutre. j'te déteste, qu'il a dit. et toi, t'as retenu que ça, qu'il te détestait. parce que y a rien de pire que d'entendre l'être aimé prononcer ces paroles. on imagine pas la douleur que c'est. ça tourne en boucle dans ma tête, ça tourne comme un mauvais film. pis d'un coup, y'a les larmes, la colère. d'un coup, y'a tout qui vole dans la pièce, tu disparais dans la salle de bain, tu fermes à double tour et ça sert à rien, finalement, parc'que t'es seul dans votre appartement. seul au monde, seul dans ta douleur. t'veux disparaitre, tu veux disparaitre pour de vrai. y a l'placard, et dessous le lavabo, mateus croit que t'as pas pigé qu'il y avait planqué tout c'qui aurait pu servir pour que tu te fasse mal, ou commette le pire. y a la lame, y a un trait, deux traits, trois traits, quatre, cinq. tu finis par arrêter de compter après, tu veux disparaitre. y a les larmes que tu retiens pas, plus, y'a les mots trop forts de mateus qui résonnent encore, et encore. ARRÊTE, STOP PUTAIN ! tu prends ta tête entre tes mains, y'a tout qui valse, il est pas là, il te déteste. il te déteste, tu veux mourir. (...) y a la porte d'entrée qui claque, qui t'fait sursauter. y a la porte d'entrée, y a des pas et la voix de mat dans le couloir. jaz? jaz, t'es où ? y a un long silence, tu réponds pas, et il comprend bien vite où t'es. il est pas bête, il est pas con. y a des petits coups contre la porte. ouvre la porte, je sais que tu es là.. ouvre la porte s'il te plait.. j'veux mourir, mat, j'veux partir. nouveau silence, t'entends la serrure qui se débloque. il a toujours des solutions à tout, c'est dingue. mais tu bouges pas, tu veux pas le regarder, tu veux pas voir son air déçu, parc'qu'à cet instant même, t'es sûr qu'il a des larmes plein les yeux, qu'il retient un sanglot qui finit par sortir, il finit par venir vers toi, passer ses bras autour d'ton torse pour éclater. j'suis désolé, ça va aller, j'serai jamais capable de te détester, j'le pensais pas, j'suis désolé, je veux pas que tu partes, j'ai tellement besoin d'toi, je t'aime tellement fort, tu sais.. un soupir, tu le regarde toujours pas, tes lèvres sur son front, pour le rassurer tant bien que mal. je t'aimerai toujours. nouveau silence, des yeux qui se ferment, silence rassurant malgré tout.
avril 2014
allô ? monsieur finch ? une voix inconnue à travers le combiné, les sourcils qui s'froncent, mon garçon, tu sais pas c'qu'il s'passe. qui c'est, lui ? vous êtes qui ? bordel, la panique qui s'installe, qui prend possession d'ton être. incompréhension certaine, mon gars, tu veux être éclairé. je.. hum, agent dawkins, police. écoutez, monsieur lawley a eu un problème.. lawley. mateus. mateus a eu un problème, mateus a un problème. non, non et non c'est pas possible ! ton cœur rate plusieurs battements puis s'accélère, ton coeur tu t'demandes s'il va pas s'arrêter. t'es terrifié, l'vide, l'néant. tes démons qui t'rattrapent qui t'hurlent à la gueule qu't'es qu'un putain d'connard qui mériterait juste de crever. monsieur lawley est à l'hôpital, il a eu un accident. c'est ton univers qui s'effondre, l'impression que tes jambes lâchent sous ton propre poids, toi qu'est pourtant pas si épais, tu t'assois par terre. l'vide. tu réponds pas, il reprend la parole. il a été renversé, il est dans un état critique. il va mourir ?! j'veux le voir, laissez moi le voir. lourd soupir à l'autre bout du combiné, il t'répond qu'ça sera dur. mais il te l'dit, il t'le dit que tu peux venir le voir parce que t'es son fiancé, mais qu'il promet rien quant à l'amélioration d'son état. t'as quitté l'appartement le plus vite possible, la peur au bide, mon gars, l'palpitant qui battait à tout rompre c'jour-là. il peut pas mourir, il peut pas. (...) ton poing atterri dans le mur, mais c'est rien comparé à la douleur qui est là, c'est rien comparé à la douleur d'un cœur qui se brise de nouveau. un hurlement, rien de plus. pas de pleurs, faut croire que tu réalises pas encore.
il est mort, bordel, il est mort.
il s'en est suivi d'un retour, d'une rechute aux enfers, redescente rapide. les pleurs sont venus, mais sont repartis. t'es pas du genre à chialer comme une gonzesse, toi. mais mateus est mort, il est parti. et tu t'es promis de jamais plus aimer qui que ce soit. jamais, jamais plus. parce que c'est des conneries, l'amour, soit on meurt, soit on se déchire mais dans tous les cas on souffre. on souffre. et merde, jaz, plutôt crever que d'souffrir encore.
un peu plus de pensées morbides, un peu plus forgée, ta carapace. plus présent tes démons. t'as arrêté les études, ça mène à rien, tu supportais plus. et t'as fini par trouver un boulot, t'es devenu tatoueur après avoir passé deux ans et demi dans le noir à plus rien faire, à plus t'battre. papa, il a même réussi à t'envoyer chez les fous pendant un certain temps, après une énième crise. t'avais plus d'place dans ton carnet, mais comment tu fais, toi, sans ton carnet pour écrire, hein ? comment t'aurais fait pour continuer à parler à maman, bien qu'elle répondrait pas, mais aussi à mateus ? heureusement, il a été compréhensif, parce que dès lors d'sa première visite, malgré ton mutisme permanent, il t'a ramené un carnet. aussi simple soit-il, noir, format a4. mais ça t'a suffit pour avoir l'impression de n'pas abandonner mat, là où il est. puis finalement, il t'a pas laissé bien longtemps là-bas, il est vite revenu te chercher, demander ta sortie en clamant qu'il s'occuperait d'toi. ça, c'était durant l'année deux mille seize, lorsque t'as totalement dérapé. mais t'as appris à manipuler papa, à faire comme si tout allait bien en permanence alors qu'absolument pas, qu'la drogue, l'alcool et tout ce qui s'en suit ont rejoint ton quotidien. et dès que possible, tu t'es pris un nouvel appartement, tu t'es tiré. t'as fini ici, dans l'bronx, dans c't'immeuble. et y'a c'type qui a débarqué avec ses sourires, c'type qui croit à son tour pouvoir tout changer. c'type qui débarque comme un ouragan. c'est arrivé comme si la vie te foutait une claque dans la gueule pour te dire tu vois, t'as encore une fois de la chance que j'te sourisse malgré tout. mais c'est pas simple. parc'que l'pauvre garçon, il sait probablement pas à quoi s'attendre, il le sait pas lui, que t'es malade. qu't'es atteint. qu't'es borderline.