Bring me to life

Tu es né à la maternité de Vancouver. Neuf mois après que ta mère ait batifolé avec le capitaine de l'équipe de football américain du lycée où elle étudiait à l'époque. Elle est tombée enceinte, la faute à un manque d'éducation surles moyens de contraception. A un excès d'excitation aussi. Il n'a jamais voulu entendre parler de toi, et elle, n'a jamais réussi à se résoudre à se débarasser de toi.
T'es arrivé la nuit du Nouvel An. Ta mère a passé son réveillon à l'hôpital, et t'es arrivé à minuit et trois minutes. Cadeau de la nouvelle année, elle a d'abord refusé de te porter. Il avait suffi d'un accouchement pour qu'elle se mette à te mépriser, et t'as passé toute ton enfance à te faire hurler dessus pour le moindre petit truc de travers, qui ne lui convenait pas.

It's a hard life, it's a long hard fight

Vous avez vécu tous les deux pendant des années, ses parents ne lui adressaient plus la parole à cause de ses erreurs, à cause de toi. Ils ont jeté leur fille de dix-sept ans à la rue, et ça a été dur. Tu ne t'en rappelles plus, mais elle te l'a bien fait comprendre tout au long de ta vie. Encore aujourd'hui, et probablement jusqu'à sa mort. La seule chose qui t'a motivé à rester avec elle, c'est ton projet de te barrer une fois que tu le pourrais. Alors t'as bossé en plus des cours, en plus de tes moments à toi, ceux où tu sculptais tes petits morceaux de bois. Pour avoir assez d'argent pour t'en aller, et te tirer de ce petit appartement où vous vous percutiez tout le temps, où chaque jour t'épuisait plus que celui d'avant. T'as développé ton art, ton art à toi, celui que te permettais de t'échapper, et t'as entretenu ton rêve d'exposer, dans le silence. Deuxième motivation.

Be my friend, hold me, wrap me

Finalement, le jour de tes vingt et un an, tu t'es barré. T'as pris le nécessaire, tes quelques vêtements et tes sculptures les plus réussies. T'es parti pour New-York, le palpitant battant d'excitation. T'as débarqué au Parking, dans un quartier qui craint, parce que les loyers étaient plus haut que ce que tu pensais. Mais c'est pas grave. T'étais enfin libre, et il fallait un peu de temps avant de pouvoir déployer tes ailes et t'envoler. Ce serait temporaire. C'était ta promesse, celle que tu t'étais faite.

Wake me up inside

Temporaire. Maintenant, ce mot te fait rire jaune. Ça n'a pas été temporaire. Trente-huit ans et t'es encore à pourrir dans ce trou à rat, au milieu des aiguilles et des putes. Et t'es devenu adepte d'elles. Des aiguilles. Elles t'aident à surmonter la morsure violente de la réalité que la vie avait gardé pour ton art. Ton « art ». C'en était pas, à en croire les critiques. Rien de tout ça n'en a valu la peine au final. Tu t'en rends bien compte maintenant, quand tu te réveilles dans tes draps froids, et que tu te rends compte que la tache d'humidité au plafond est toujours là, un peu plus large que la veille. Elle te fait te lever, et tu te diriges vers la salle de bain pour ouvrir ton fameux tiroir à shots. Tu trouves toujours un bout de peau correct entre les bleus, et tu piques. C'est ton café du matin, ton énergie de la journée, celle dont t'as besoin pour retourner sculpter. Et leur montrer que t'es capable de quelque chose. Peu importe ce qu'ils pensent.