Nous y sommes, à l'âge de mes seize ans, à l'âge de l'adolescence, celui où l'on se rebelle contre tout le monde, celui où l'on pense avoir raison, peu importe le sujet qui est mentionné. Cette période-là, c'est la mienne, celle que je suis en train de traverser depuis quelques temps, celle qui me donne envie de prendre mes affaires et de partir loin de cette ville de New-York dans laquelle on a emménager il y a trois ans. En conflit permanent envers mes parents, je passais le plus clair de mon temps enfermé dans ma chambre, la musique mise au volume assez élevé sur cette chaine Hi-Fi que j'avais eu pour mon anniversaire. Cette journée ne changeait guère des précédente, je me retrouvais assise sur cette chaise, qui me permettait d'être face à mon bureau, les livres ouverts devant moi, dans l'optique de faire mes devoirs, enfin plutôt faire semblant de faire mes devoirs, parce que ça aussi j'en arrivais à bout. Seulement voilà, à travers cette musique qui arrivait à mes oreilles, je pouvais entendre une discussion, réellement c'était bien plus une dispute et les voix ne laissaient que très peu de doute des personnes concernaient. Pour la première fois en seize ans, j'entendais mon père et ma mère se disputaient, depuis ma plus tendre enfance, je n'avais que de bon souvenir en leurs présences, un ras-le-bol permanent ces derniers temps qui était dû à mon adolescence, mais cela ne m'empêchait pas, au fond de moi de continuer de les aimer. La curiosité me poussant, je quittais cette chaise où je prenais racine, pour entrouvrir cette porte, prenant soin au passage de baisser un minimum le son qui résonnait dans ma chambre. « Qu’est-ce qu’on va faire avec les enfants sans toi ? » Cette voix, c'était celle de ma mère, le ton rempli de peine et de supplice, qui ne faisait que renforcer cette curiosité. Cette histoire ne me concernait pas, c'était leur histoire à eux, leur histoire de couple et pourtant, le fait que l'on soit mentionné avec mon petit frère, me poussait à quitter cette chambre, à m'aventurer dans le couloir. M'avancer doucement dans cette maison, je ne souhaitais m'arrêter qu'au début de ses marches d'escalier, ne pas descendre plus bas, jouer les petites commères pour en découvrir davantage. Pourtant, les valises que je pouvais voir en bas des dernières marches me faisaient froncer les sourcils, me faisait réaliser ce qu'il pouvait être en train de se passer et cette finalité ne me plaisait pas, je sentais mon cœur avoir un loupait avant de repartir de plus belle, s'accélérant à chaque marche que je descendais. « Tu t’en sortiras bien mieux sans moi avec eux. » La réplique de mon père venait de tomber et cette image négative qui s’installait dans mes pensées se confirmaient un peu plus, laissant mes doigts un peu plus agités par des tremblements, parce que j’avais peur. Qu’est-ce que l’on allait devenir sans lui à la maison ? Et puis pourquoi est-ce qu’il souhaitait partir ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi de cette façon ? « Et puis soyons honnête, on sait très bien tous les deux que ces enfants c’est toi qui les voulait, je t’ai toujours dit que je n’avais rien d’un père et je n’en serais jamais un. » La nouvelle venait de tomber et elle faisait mal, l’effet d’un mur pris en pleine face, comme si j’avais couru aussi vite que possible pour venir m’écraser contre celui-ci sans la moindre protection. Une nouvelle qui me faisait descendre cette dernière marche, qui me faisait sortir de toute cachette possible, désormais, que ce soit mon père ou ma mère, ils ne pouvaient plus me louper. « Tu ne voulais pas de nous ? Tu t’en vas ? » La surprise était de taille, on ne pouvait pas la manquer sur son visage, avec cette envie de croire qu’il avait des regrets dans ce qu’il venait de dire à ma mère, que c’était des mots prononçaient sous le coup de la colère. « Jaycee… » Une pause qui me semblait bien trop longue, alors que je pouvais le voir résigner, arrêtant de chercher la moindre excuse, l'âge de mes huit ans était révolu. « Oui, je m’en vais, j’ai rencontré une autre femme et je pars la rejoindre. » Après le mur en pleine face, je vivais l’effet du mur en plein dos, lors dans un match de boxe, c’est ce que l’on pouvait appeler un KO. « Ta mère va s’occuper de ton petit frère et de to… » S'en était trop, la colère, la tristesse, la rébellion et voilà que je faisais ce que je rêvais de faire sur quiconque me prendrais la tête : Je lui coupais la parole en apportant mon poing à son visage, y apportant toute la force que je pouvais avoir et avec cette adrénaline remplie de nerf, celle-ci était un peu amplifié qu'à l'habitude.
« Tu ne me parles jamais de ta famille, je connais ton petit frère, mais tes parents, je ne sais rien sûr eux. » Pourquoi je ne parlais jamais de mes parents ? Parce qu'après le départ de mon père, la vie a été un enchainement vers la descente en enfer. Parce qu'à peine avait-il passé la porte de cette maison, que j'avais rayé cet homme de ma vie, il n'avait plus rien d'un père pour moi, c'était comme s'il n'avait jamais existé. Tous les souvenirs que j'avais avec lui, s'était comme si s'était une tout autre personne, une personne à qui j'ai accordé ma confiance et qui l'a passé au hachoir devant mes yeux, une personne que j'ai aimée, mais cet amour s'associe au passé. Quant à ma mère ? Elle n'a jamais su se reprendre, elle n'a jamais su accepter la fin de son mariage, la fin de cette histoire d'amour, mise à mal pour une fille qu'elle n'avait jamais rencontrée, qu'elle ne rencontrerait probablement jamais. Sa peine, c'est dans l'alcool qu'elle a cherché à la consoler, un petit verre par jour était devenu un petit verre tout au long de la journée, du réveil jusqu'au coucher et encore, je la soupçonnais de se réveiller durant la nuit pour s'hydrater avec un peu de Get ou je ne sais quel autre alcool. Mon père avait présenté la grenade, ma mère l'avait dégoupillé et j'étais spectatrice de ce carnage, sans pouvoir rien y faire, sans pouvoir changer les choses. Il y avait qu'une carte que j'avais en main, qu'une seule et unique personne que je pouvais aider et c'était mon petit frère, il n'avait rien à voir dans toute cette histoire, il n'avait pas le droit de souffrir autant que je pouvais souffrir. Il avait à peine dix ans à ce moment-là, ce que je voulais, s'était l'épargné, le préserver autant que je le pouvais, mais pour cela, il était temps pour moi de quitter ce monde d'enfant, d'adolescent et de me rendre compte de ce qu'était la vie d'adulte. Terminait pour moi les sorties avec les amis, terminait pour moi les cours au lycée, terminait tout avenir dans les études ou autre rêve complètement farfelu d’une gamine de seize ans. Il était temps pour moi de trouver un boulot, de faire ce que ma mère n’était plus capable de faire, ramener de l’argent à la maison afin de pouvoir continuer à vivre à peu près correctement. On était cinq ans plus tard et pourtant rien n’avait changé, cette nouvelle vie était devenue mon quotidien, à part une chose, j’avais désormais mon propre appartement. Exit cette maison dans laquelle j’avais grandi et qui était l’ombre d’un passé obscure, j’avais laissé derrière moi une mère bien trop alcoolisée pour pouvoir me reconnaitre, avec mes affaires, j’avais amené mon petit frère, acceptant de continuer à m’occuper de lui et de l’éloigner de cet enfer. « Jaycee pourquoi tu ne me dis rien sur eux ? » Cette personne ? C'est ma petite amie depuis quelques mois, je dirais même depuis presque un an, mais ça personne ne le savait, elle était mon jardin secret, cette petite bulle de liberté, celle qui m'avait fait admettre à moi-même l'évidence, je n'avais rien d'une femme attirait par les hommes et ce n'était pas pour rien que je n'en avais jamais eu dans ma vie. Je l'aimais, mais pourtant, personne dans mon entourage avait connaissance de ce lien qui nous unissait, le soir elle venait me rejoindre lorsque mon frère était couché, elle repartait avant que son réveil ne vienne sonner. Cette envie de m'assumer était présente, mais je vivais avec cette peur de la réaction que mon petit frère pourrait avoir, entre un père qui ne voulait pas de nous et qui a disparu du jour au lendemain, une mère alcoolique et une sœur homosexuelle dans une époque où c'était mal vu, vive son avenir. « Parce qu’il n’y a rien à dire, je n’ai plus de parents et j’en aurais plus jamais. » Ma conclusion c’était celle-ci, à mes yeux j’étais orpheline avec la garde de mon petit frère. « Il ne va pas tarder de se réveiller, tu devrais y aller. » Un peu froide comme conclusion de cette nuit passait ensemble, mais avec le sujet qui venait d’être mis en avant, je n’étais pas la personne la plus expressive, la plus joyeuse qu’il pouvait exister.
Dans mes mains, on pouvait y apercevoir un carton, qui contenait mes dernières affaires, qui était dans le camion juste en bas du parking. Depuis ce matin, mon petit frère était arrivé avec des amis à lui, afin de venir m'aider dans ce déménagement soudain, dans ce petit appartement au quatorzième étage, mais qui tombait à point nommé pour moi. Il y avait quelques semaines, j'avais reçu un courrier, m'annonçant que la fin de mon bail approchait à grand pas et que le propriétaire n'avait pas l'intention de venir prolonger celui-ci, ses enfants ayant grandi, il était temps pour eux de prendre leur envol et pour cela, rien de mieux que dans un appartement à papa. C'est grâce à mon frère que j'ai pu trouver ce tout nouveau logement, ce tout nouveau toit au-dessus de ma tête, un coup de téléphone et le tour était joué, le déménagement était même programmé. Deux ans, qu'il avait quitté cet appartement que l'on avait partagé durant onze ans, ses études terminaient, un emploi trouvait et voilà qu'il avait décidé de repartir dans une colocation, mais cette fois-ci entourait de ses amis et non plus de sa grande-sœur. Autant dire, que ces deux dernières années ont été pour moi, un souffle de renouveau, dans laquelle je me suis retrouvé complètement perdu durant quelques mois, de femme responsable avec son petit frère à charge, je redevenais une personne comme une autre, une femme à part entière, plus besoin de faire attention à ce que je faisais, à ce que je disais, à qui pouvait venir chez moi. Tellement, que j'ai ouvert les yeux sur tout ce que j'ai pu louper durant toutes ces années, bien trop de choses qu'une personne normale aurait déjà à son actif et que j'ignorais totalement alors que la trentaine était déjà entamée. « Une bière ? » Je pouvais entendre la voix de mon frère, alors que je déposais le tout dernier carton, mettant un terme à cette partie que je détestais, même si désormais il restait toute celle du rangement. « Même deux ! » L’alcool avait toujours été un sujet sensible, à en voir les dégats sur ma mère, j’ai mis bien des années à venir en toucher une goutte, mais sérieusement, avec une consommation modérée et au degré presque faible, je ne risquais pas grand-chose. Puis comme on le dit si bien, après l’effort, le réconfort. « Ça ne va pas te sembler petit par rapport à l’ancien appartement ? » Il était clair que j’allais avoir besoin de temps à m’habituer à un espace bien plus réduit que le précédent, d’un appartement, légèrement plus spacieux, disposant de deux chambres, je passais à un F1. « Ca va être largement suffisant, je te rappel que je vais vivre seule ici. » Et ça je ne comptais pas le changer, j’avais conscience que désormais je n’avais plus besoin de me cacher, que mon petit frère avait grandi et que j’assumais totalement mon attirance pour les femmes, cela depuis plusieurs années. Mais j’avais retrouvé ce statut de célibataire, de femme libre, la vie de couple oui c’était bien, oui j’avais été amoureuse, je ne pouvais dire le contraire, seulement je me retrouvais dans une période de ma vie où je voulais m’amuser, profiter de toutes ces choses que j’ai loupées, que mes parents m’ont volé en décidant d’agir sans penser à leurs enfants.
Deux ans que ma vie se construit dans cet immeuble, deux ans que j'ai cette sensation de revivre à nouveau, de retrouver cette vie que j'aurais pu avoir sans ce passé mouvementé. Je suis vu comme étant une femme-enfant, si pour certains à mon âge c'est un manque de maturité ou un manque de stabilité psychologique, moi je m'en fous royalement. A quoi ça sert de continuer de courir après des rêves qui ne se réaliseront probablement jamais ? A quoi ça sert de se battre corps et âmes pour survivre, alors que la réponse simple à ma vie, c'est simplement de vivre, de profiter de l'instant présent. Le courrier dans une main, je sors de cet ascenseur qui m'avait permis de monter au quatorzième, concentré sur cette carte que j'étais en train de lire, dont l'auteur était mon petit frère, partit pour les vacances. C'était machinalement que je marchais dans les couloirs du Parking, pour venir rejoindre la porte de mon appartement, ne prêtant pas attention à ce qui pouvait se passer autour de moi. Sauf peut-être, le bruit de cette porte qui se fermait en claquant, un geste un peu brusque, probablement non voulu par le ou la responsable et voilà mon regard qui quittait ces lignes, pour se relever, pour découvrir en face de moi une femme brune. « Bonjour. » Un seul mot que je prononçais, alors qu’un sourire se forgeait sur mon visage, suivant cette femme du regard, depuis combien de temps elle vivait ici, je n’en savais trop rien. La première chose qui se dégageait chez elle, c’était ce côté froid, qui donnerait envie à très peu de monde de venir l’aborder, d’envisager une conversation avec elle, le tout accompagné de cette tenue qui ne présentait pas le moindre pli. Tout le monde peut-être, mais pas pour moi, retourner dans cet univers qui était devenu aujourd’hui le mien, je me refusais toute vie de couple, savourant ce célibat de la meilleure des manières, appréciant les charmes féminins, auxquels je me laissais rapidement aller. Ce que je préférais ? Avoir une personne dans le viseur et tout faire pour la faire céder, pour venir partager son lit ou qu’elle vienne partager le mien. C’est exactement ce qu’il se passe en ce moment précis, cette femme à l’apparence froide, venait en un seul regard posait sur elle, de devenir celle qui était ma « cible », celle que je voulais séduire.