« Fear isn't so difficult to understand. After all, weren't we all frightened as children?
Nothing has changed since Little Red Riding Hood faced the big bad wolf. What frightens us today is exactly the same sort of thing that frightened us yesterday. »




Une nuit d'errance. C'est comme ça que j'appelle ces moments où le monde se met en pause, où le silence reprend ses droits et où je douterais presque que la vie existe, si je n'étais pas moi-même éveillée. Je suis là, debout, les jambes brûlantes et l'esprit qui bouillonne et je me retiens de sortir dehors. Ca fait déjà trois nuits que je ne sors pas, alors que marcher est bien la seule chose qui me soulage, qui me raccroche un peu à la normalité. Mais je ne peux pas sortir, parce que si on me trouve, ça sera encore. A la place, je reste là, à osciller d'avant en arrière, les pieds dansants sur le sol. A deux pas de moi, la lettre est toujours ouverte et le flacon de médicament aussi. Entier.

Je passe mes mains sur mon visage, encore une fois. Mes yeux piquent, mon cerveau ralentit. Je me secoue, et me relève d'un bond avant de me mettre à tourner en rond. Je dois arrêter tout ça et me sortir de là. Je dois raccrocher les wagons pour... Pour quoi en faite ? Pour éviter de sombrer ? Non, je ne suis pas folle ! Pour retrouver une meilleure vie ? Non plus, c'est pour les autres ça ! Pour... Je m'arrête face au miroir, à mon reflet pâle qui me regarde, les yeux injectés de sang, des cernes si profondes que j'en suis dégoûtée. Je suis pâle bon dieu ! Je me retourne d'un bond et attrape mon classeur d'archive de croquis. Les pages défiles, colorées et remplies jusqu'à ce que je le trouve enfin. Mon premier auto-portrait. Un visage ovale, deux grands yeux clairs et... des couleurs ! Partout, sur mes joues, mes lèvres, même mes cheveux semblent briller. Rien à voir avec mon reflet. Je relâche le classeur sans m'en apercevoir. Je dois faire quelque chose !

« Aslane, vous n'êtes pas folle.
-Je perds la tête, la notion du temps et des choses ! Il m'arrive d'oublier où je suis ! Claque ma voix, tremblante.
-J'entends bien. Mais ce n'est pas de la folie. Vous êtes fatiguée et à bout. Le manque de sommeil vous rend malade et votre cerveau s'arrête de courts instants pour se reposer... Vous devez dormir. C'est pour ça que vous êtes chez un neurologue et non dans un asile. Prenez ces cachets, pour vous reposer un peu. Mais ça ne suffira pas. Vous devez cesser de chasser vos démons. Vous devez vous reprendre, avant que ça ne devienne vraiment un soucis psychiatrique... »

Je frotte encore mes yeux en comprenant ce que ce médecin m'a dit. Je ne suis pas folle, mais je vais le devenir. La peur me secoue, et j'avance vers les médicaments. Des psychotropes pour endormir mon cerveau. Ca ne soignera pas mes jambes incapables de tenir en place mais ça m'endormira quelques heures... Pour ne pas devenir folle. C'est un compromis que je peux faire. Que je dois faire... Je ferme les yeux quand j'avale la pilule blanche, puis je tourne encore un peu dans l'appartement. L'effet est soudain, brutal. Le monde se ralentit, le bruit de mes pas aussi. J'ai à peine le temps de me mettre sur une chaise que je sombre. Enfin.


C'est avec un sac en toile, qui contient plus de classeurs de croquis que d'habits, que je traverse les derniers mètres jusqu'à l'immeuble de briques rouges. Mon reflet m’apparaît un court instant dans la vitre. Encore plus creusé qu'il y a deux semaines. Je n'aurai jamais pensé marcher un jour librement vers l'inconnu mais force est de constaté que c'est bien le cas. J'ai tout laissé derrière moi pour ne pas me perdre moi-même. Plus de rues puantes de Detroit. Plus de visages connus, souvent détestés et jugés. Etan et sa colère, derrière moi. Mes parents, que je n'ai pas revu depuis mon entrée à la fac d'art disparaissent avec. Il n'y a que moi et ma décision. Seule.

En plus des crayons avec lesquels j'arrache un peu de réalité au monde, il ne me reste que ça. Cette quête pour ne pas devenir invisible et oubliée. Pour ne pas disparaître entièrement.
Savoir qui je suis. D'où je viens. Retrouver mon enfance.
Et ça commence ici. Au fond de ce quartier du Bronx apparemment.




La timeline :

• Aslane est née dans le quartier un 8 Mars.
  
• Elle a été élevée par des parents pas vraiment aptent s'occuper d'un enfant. Elle a passé son enfance enfermée chez elle, à voir du monde passer chez eux sans comprendre qui c'était, pourquoi ils venaient et ce qu'ils y cherchaient.
  
• A 8 ans, les services sociaux s'en sont mêlés et elle a été placée chez une tante, à Detroit, qui voulait bien d'elle.
  
• A partir de là, elle n'a pas eu une vie malheureuse ou difficile. Elle a vécu dans un quartier pauvre de la ville mais a pu être scolarisée, rattraper son retard, se faire des amis, commencer à vivre.
  
• Aslane a suivi un cursus en Art, en dessin et peinture plus précisément. C'est là qu'elle a commencé à prendre le mauvais côté du chemin. Dans le milieu artistique, il n'était pas rare d'user de substances et médicaments pour s'aider dans la création.
  
• Après avoir quitté sa tante et son oncle à la suite de désaccords sur ses agissements, elle a vécu un moment seule, puis a fini par fréquenter Etan, une brute membre d'un clan, comme il appelle son groupe. Ca n'a pas été une vie rose tous les jours mais elle avait une protection et quelqu'un pour lui fournir ce dont elle avait besoin.
  
• Début 2016, Aslane s'est retrouvée à l'hôpital après un accident. Elle est passé par la case desintox et c'est là que les problèmes de sommeil sont survenus, allant en s'aggravant. Les rares fois où elle dort, c'est pour apercevoir des flash de son enfance.
  
• Elle s'est alors persuadée que le seul moyen de retrouver le sommeil était de revenir aux racines pour comprendre qui elle est vraiment.
  
• Mars 2017, elle a tout quitté sans prévenir personne et elle est revenue dans le Bronx