FAMILLE (sept à la maison) ◊ Les «cinq doigt de la main», Malik, leur père, les surnomme comme cela. Il y a eu Anwar en première, il y a dix huit ans, le fils promu a un avenir merveilleux mais qui a chancelé en cours de route, il n’a pas pris la bonne porte, tel père tel fils. Puis il y a eu Jascha, la fille adorée, la fille à papa, la petite protégée, il y a seize ans. Jusque là, les parents s’en sortaient très bien, fraîchement mariés avec deux enfants brillants à leur charge. Mais Jascha a suivi les pas de son grand frère, son modèle. La famille aurait dû s’arrêter là. Le compte était bon : quatre, c’était parfait. L’erreur d’un oubli est arrivée, la mère n’y croyait pas, le père non plus et finalement ils l’ont accepté. C’étaient des jumelles, cette fois-ci, Maja et Maha, il y a de cela douze ans. Là encore, c’était censé être terminé. Pour Malik, en tout cas, il n’y pensait plus. Une petite surprise est arrivée quatre ans plus tard, il y a huit ans. Une autre fille, comme si cela ne suffisait pas, Loukia. Et c’était une très bonne surprise... D’autant plus que les parents étaient en froid à cette époque là : trop de charge, trop de complication, trop de coups, plus aucun amour.
PAPA (les barreaux contre l’amour) ◊ Il a vite compris que quelque chose n’allait pas. La dernière n’aurait jamais dû arriver. Ce n’était pas possible. Le test sanguin l’a confirmé. Loukia n’était pas de lui, mais de son frère. Avec sa chère femme. Son âme sœur, sa meilleure amie, la femme de sa vie, la seule chose de bonne qui lui était apparue dans sa jeunesse. Mais non, ce n’était que tromperie. Il ne suffisait que d’une balle pour arranger le problème. Une balle contre un bébé. Le cœur et l’esprit empli de rage. Fils unique, ça n’allait pas être aussi mal que ça, pas vrai ? Son geste lui a coûté plus d’une balle, finalement, il lui a coûté toute sa vie, sa liberté. Il n’avait plus de frère et n’avait plus de famille non plus. Ses jours se passaient derrière des barreaux, dans une combinaison orange appropriée aux meurtriers et délinquants du Bronx. A perpétué.
Jascha ne rate pas le rendez-vous fixé une fois par semaine en prison pour voir son père, contrairement à Anwar ou à sa mère. Ayant gardé ses contacts, elle lui apporte quelques infos du coin et quelques objets pour lui permettre de s’échapper un jour, qui sait ?
ANWAR (le ying et le yang) ◊ Les deux sont comme le ying et le yang, le noir et le blanc, le jour et la nuit, la vie et la mort, le bonheur et la tristesse, le haut et le bas... De complets opposés qui ont besoin de l’autre pour exister. Jascha sans son grand frère, ce n’est plus rien. Anwar sans sa première petite sœur, ce n’est plus rien non plus. On les prendrait pour des jumeaux si on ne savait pas leur différence d’âge. Anwar est hors de la famille, il est distant, loin de la seule chose qui fait de lui ce qu’il est. Jascha voudrait l’aider, mais elle a déjà assez de problème comme ça. Elle sait qu’il lui cache quelque chose de très important et que c’est en rapport avec les parents. Lui, il fait ça seulement pour protéger ces quatre sœurs. Il est méchant pour «leur bien» qu’il dit. Il n’aide pas la mère car il la déteste. Il n’est jamais à la maison, et à Jascha ça lui brise le cœur, car une partie d’elle ne tourne pas rond et cette partie c’est son frère. S’il continue comme ça, il entraînera sa sœur dans sa chute et elle est déjà bien partie pour. Devant les autres, ce n’est pas un frère protecteur, il la prend comme une fille normale, une autre connasse de première. Mais, il ne faut pas qu’elle oublie que c’est pour «son bien». Le secret est trop lourd à porter, ses épaules ne supportent plus le poids. Mais jamais il ne partagerait sa peine avec Jascha, pour ne pas la détruire. C’est le pacte qu’il s’est promis de tenir depuis huit ans.
MAMAN (noyée par l'air qu'elle respire) ◊ Seraphina était une belle femme. C'est pourquoi son mari l'avait tout de suite remarqué et finalement, elle était bien plus que ça, elle était intelligente, drôle, aimante, tout ce qui faisait d'elle une femme parfaite. Sa femme. Avant que le drame et la trahison n'arrive, Seraphina était très amoureuse de son mari et aimait ses enfants, sa famille. Mais après la naissance des jumelles, les problèmes de Malik, plus rien n'allait dans le couple. Une personne la réconforta et la fit redécouvrir l'amour (et elle ne l'aurait jamais pensé, surtout venant de lui), c'était le frère de son mari. L'enfant de trop arriva. Tout se brisa. Sa vie partie en milles morceaux. Envolée, la belle maman qui se battait pour survivre. Non. Il l'avait tué, il était enfermé derrière des barreaux infranchissables et elle, elle avait perdu la tête. Jamais plus elle n'osait mettre un pied dehors. L'appartement était sa propre prison, son châtiment, sa pénitence. Pour la sauver, il suffirait de la tuer à son tour.
ETUDES (l’avenir raté, le bateau a coulé) ◊ Elle est de ceux qui mettent le bordel en cours car ils ne savent pas rester assis deux minutes consécutives sur une chaise à écouter une dame ou un charmant jeune homme parler devant un tableau noir, synonyme du néant. Ce n’est pas parce qu’elle ne peut pas, contrairement à ceux que l’on pourrait penser, Jascha est très intelligente, trop peut-être et n’arrive pas à se concentrer. La motivation n’est pas là non plus. Les notes s’aggravent depuis une dizaine d’année, son désir d’aller à l’école a complètement disparu, c’est pourquoi on ne l’a voit pas souvent en cours et quand elle y est, elle trouve rapidement une excuse pour repartir. C’est là que les rumeurs font le plus mal «son père doit lui manquer», «elle va sûrement voir son meurtrier de père», «et si elle allait tuer quelqu’un?». Et si elle était présente à tous les cours, comment pourrait-elle supporter ce genre de discussion ? Non, elle n’a pas besoin du lycée. La rue est son école.
AXL (le duo invincible) ◊ La meilleure amie avec qui elle fait les quatre cent coups, les fondatrices à deux du gang des Nine. Les deux âmes perdues accrochées à leurs frères. C’est Jascha qui est allée aborder Axl un jour qu’elle traînait avec Tom, son jumeau, sur le pallier de l’immeuble. Elle avait déjà vu cette fille plusieurs fois si ce n’est depuis toujours. Elles font parties des murs et Jascha voulait changer ça, elle voulait voir en plus grand, elle voulait faire quelque chose qui les dépasseraient toutes les deux. Leur amitié est une des plus belles choses qui puissent exister pour elles. La vie est plus simple quand on a quelqu’un avec qui la partager. Essayez de les séparer et vous en paierez les conséquences. Certains ont déjà essayés et d’autres essayeront encore.
ARTS MARTIAUX (le combat d’une vie) ◊ Karaté, Aikido, Boxe... tous ces arts martiaux et sports de combats qu'elle pratique au Club, pas loin du Parking. Au départ, rien ne la destinait à ce genre d'activités extra-scolaires, c'est son père - toujours son cher père - qui l'a initié à ces pratiques, car il était lui même membre et associé avec le directeur du Club, depuis de nombreuses années. Et il comptait y faire participer tous les enfants, ce qu'il a réussi à faire, car quatre d'entre eux pratique un de ces arts martiaux. Jascha est celle qui passe le plus clair de son temps dans cet endroit, car c'est une passion qu'elle ne laisserait à quelqu'un d'autre pour rien au monde.
NINE (le gang comme bouée) ◊ En 2015, Axl et elle ont créé les Nine, pour élargir leur champ de possibilité, pour s'agrandir au reste du monde (ou du moins au reste du quartier). Depuis, le gang est composé de pas mal de jeunes entre 15 et 20 ans. Ce ne sont pas des enfants tout roses, au contraire. C'est bien pour cela qu'on les voit comme des voyous et entre eux, ce n'est jamais tout beau non plus. Mais tout de même, cela est pour tous une raison de vivre, ils se sentent faire partie de quelque chose de plus grand qu'une famille normale, de plus grand qu'eux.
ED (le garçon aux airs de prince charmant) ◊ Ed et Jascha, ils se connaissent depuis tout petit, si ce n'est dès le premier jour. Etant plus jeunes, ils avaient l'habitude de passer leurs journées ensemble, toujours collés l'un à l'autre comme des aimants, si bien que certains pensaient qu'ils étaient en couple, le genre de couple que tu as à tes six ans, tes premières rougeurs, ton premier baiser, les sourires cachés et les mains liées. Or, ce n'était rien de tout ça. Ils pensaient juste être les rois du monde. Aujourd'hui, ils sont toujours aussi proches, ils font la paire, mais ce n'est plus pareil, ils ont évolués tous les deux. Tout en prenant les mêmes chemins, différemment. Leur amitié est pourtant toujours là, leurs caractères se reflètent. Parfois, Jascha et lui passent leurs soirées ensemble à l'abris de tous pour piéger au hasard une nouvelle personne. Peut-être ont-ils des sentiments l'un envers l'autre, personne ne le sait, pas même eux, jamais ils ne l'avoueraient. Mais ils continuent de se protéger dans leur petit monde inventé et bien sûr, ils continuent de se venger - comme une marque de fabrique.
MUSIQUE (le talent caché) ◊ Parfois, quand rien ne va et que l'envie n'y est pas, son talent caché sort de son corps frêle et (non)innocent. La musique la sauve de ce monde où elle a grandi. Sa voix ne fait plus qu'un avec son corps et elle peut enfin se libérer. Mais jamais elle ne l'a avoué. Loukia l'a remarqué un soir et n'a jamais osé lui en parler, lui dire qu'elle chantait bien, de peur de dire quelque chose qui ne fallait pas.
JOLENE (la fausse identité) ◊ C'est simple, elle est une manipulatrice avérée et par chance, elle fait beaucoup plus que son jeune âge. Alors, avec le temps, la belle a appris à en jouer pour se débrouiller seul contre tous ces mecs infréquentables que - justement - fréquentais son père. Parfois, la famille avait une petite visite pour leur rappeler que Malik n'avait pas réglé tous ses comptes avant de partir en prison. Ses fautes retombent sur ses enfants et surtout sur Jascha et Anwar. Un jour, elle a compris qu'elle ne s'en sortirait jamais en se présentant comme était une Tane. Jolene est apparue, comme une deuxième personnalité. Jolene la douce, Jolene qui a vingt deux ans et habite dans le Queens. Celle qui une sœur et des animaux de compagnie, en définitive : la belle vie, tout le contraire de sa vie réelle. Grâce à cette Jolene, elle réussit à se jouer des autres. Aussi futée qu'un renard. Pourtant, il y a toujours ce J comme indice.