« SALOPE ! »
« NE M’APPROCHE PAS OU JE TE JURE JE TE PLANTE ! »
Tu avais beau appliquer tes mains à plat sur les oreilles d’Erin, tu savais que les mots lui perceraient malgré tout les tympans comme son innocence infantile. Elle en avait déjà entendu d’autres mais…avec candeur tu espérais encore l’en protéger, la berçant contre toi en lui fredonnant un chant patriotique. Parce que c’était l’un des seuls que tu connaissais. Douce petite, t’aurais tellement voulu faire quelque chose pour qu’elle n’entende pas leurs cris, quitte à lui hurler à ton tour dans les oreilles. LA VIE EST FANTASTIQUES OKAY ? FAIS PAS ATTENTION, LES ECOUTE PAS ! FERME LES YEUX ET IMAGINE UN PAYS MERVEILLEUX ! C’est ce que lui hurlerait dans les oreilles si tu ne craignais pas trop ton père, parce que si là il était occupé à s’entre-tuer avec sa pute, t’avais aucune envie qu’il dirige sa colère sur vous, t’avais aucune envie qu’il vienne vous chercher alors que vous vous planquiez dans l’armoire. Oui, il valait mieux qu’il continuer à hurler sur sa copine, peut-être même que l’un d’entre eux aurait le cran de tuer l’autre ? Ce serait tellement beau ! Tu en étais certain, tous vos problèmes se résoudraient. Vous seriez alors libre d’habiter tout seuls dans cette maison, elle n’était pas grande mais vous seriez heureux, juste toi et Erin. Tu lui ferais à manger et avant d’aller à l’école, tu la laisserais regarder des dessins-animés. Ouais, toi tu serais un super frère pour elle. Mais pour ça, il fallait que Papa soit mort.


« MAIS LAISSE LE ! TU VAS LE TUER ! »
« TA GUEULE, C’EST MON PUTAIN DE FILS ALORS MÊLE TOI DE TON CUL ! »
Les coups pleuvent sur toi alors que tu tentes de te protéger de tes bras fragiles mais tu n’as aucune chance, Papa est plus fort que toi, papa est plus énervé que toi et cette conne va encore plus le fâcher ! Tu les entends gueuler au dessus de toi mais tu ne vois rien, tout est rouge quand tu ouvres les yeux et dans ta bouche, il y a un goût métallique. Le goût du sang. Tu le sais parce que c’est pas la première fois. T’attends que ça passe parce que tu sais que tu n’as aucune chance. Et à travers les cris de papa et sa copine, t’entends les sanglots hystériques d’Erin. T’as envie de lui crier d’aller se cacher, t’as envie qu’elle se taise mais tu n’oses pas bouger, t’as peur de détourner l’attention de papa sur elle et ça, tu ne le supporterais pas. Tu ne savais même plus ce qui l’avait tant fâché mais tu savais que faute où non, il avait tous les droits sur toi après tout, tu étais son fiston, non ?


« Laisse tomber Danny ! Ils vont nous tuer s’ils nous choppent ! »
« Qu’est-ce que j’en ai à foutre ? »
Tu réponds d’un ton agacé en le regardant d’un œil noir avant de te repositionner, fermer un œil tandis que l’autre se plaçait près du viseur. Ce n’était pas le moment de bouger, ce n’était pas le moment de rater ta cible. Ce n’était pas la première fois que tu piquais l’un des fusils de ton père, ce n’était pas la première fois que tu t’amusais à tirer sur des cibles mais aujourd’hui, c’était un peu différent. Aujourd’hui tu devais réellement te concentrer parce que ta cible risquait de bouger à tout instant. Et enfin, tu vis un mouvement à travers le viseur. Une porte qui s’ouvrait. Oui…approche…murmures-tu comme pour toi-même alors que tu suivais du fusil les mouvements de Mme Silbermann qui s’apprêtait à sortir son chien. Tu ne savais même pas sa race à ce clébard mais il était petit, ça n’allait pas être facile. « Sérieux Dan, ne fais pas ça ! Arrête !» entends-tu à tes côtés et tu commences à sérieusement envisager de lui tirer une balle dans la tête mais il était trop prêt de toi. Tu ne prends pas la peine de répondre car bouger maintenant risquerait d’anéantir la stabilité que tu t’étais trouvé et sans crier gare, tu appuyais sur la gâchette tandis qu’un bruit de tonnerre résonna dans tes tympans. « GO GO GO on se barre ! » Hurles-tu soudain en sautant sur tes pieds, agile et rapide comme l’éclair alors que tu empoignais le fusil et démarrais en trombe, courant à en perdre l’haleine sans te soucier s’il te suivait. Et dans tes oreilles encore meurtries, tu entendais la directrice de votre école hurler d’horreur. Ouais, t’en étais certains, tu l’avais eu son clebs et c’était bien fait pour elle. La prochaine fois elle réfléchirait à deux fois avant de renvoyer un élève.


« Si je te donne deux dollars, tu me montres tes boobs ? »
« Tu te fous de moi ? Rien qu’avec ta tête tu devrais me payer le quintuple ! »
« Mais ça fait combien ? »
Deirdre. Ce n’était pas la plus jolie fille de ton école mais…c’était incontestablement celle qui faisait naître des émotions dans la grenade qui te servait de cœur. Ouais, tu l’avais décidé depuis le début de l’année scolaire lorsque tu l’avais vue pour la première fois, qu’un jour, cette fille serait ta femme. Enfin, ça te paraissait encore loin du haut de tes quatorze ans et tu t’emballais sans doute un peu mais ouais, cette fille avait quelque chose ! T’avais peut-être pas compris combien ça ferait pour qu’elle te lève son T-shirt mais elle n’avait pas dit non alors tant pis pour elle, tu le prendrais gratos alors sans demander son avis, tu te rapprochais d’elle et la coinçait contre le mur du gymnase. C’était sa faute après tout, elle t’avait suivie en riant, elle t’avait suivie sans vraiment que tu saches pourquoi mais s’il y avait bien une chose de certaine, c’est que Deirdre  était complètement cinglée et qu’elle te plaisait carrément. Sans délicatesse, tu glissais tes sales mains sur son ventre avant de les glisser sous le tissu et les remonter brutalement sur ses jeunes seins qui pointaient vers le ciel. Juste parfaits, t’avais envie de les voir, de les goûter… « OH PUTAIN SA MERE ! » tu gueules alors que son genou venait d’anéantir tes chances de procréer. Plié en deux, tu la regardais d’un drôle d’air tandis qu’elle remettait de l’ordre dans ses vêtements. Et son regard, son sourire triomphant…putain tu la voulais ! Au prix d’un effort surhumain, tu te redressais et fonçais vers elle, la cognant contre le mur. « T’en veux encore ? » elle te demande, un sourire de défi sur les lèvres. « Il faudra demander plus fort que ça Butler ! » Et elle te rend fou ! T’as envie de l’embrasser, t’as envie de la toucher, t’as envie d’elle mais surtout, t’as envie qu’elle veuille de toi et tu sais que c’est pas gagné. « Je sais crier très fort. » Tu finis par dire avec ton sourire de cinglé.


« Affaire N787-356 Daniel Butler, 15 ans, arrêté pour vandalisme, nous vous rappelons les faits : dans la nuit du 17 juin 2002, M. Butler ainsi que deux autres jeunes gens ont mis feu à trois voitures et détruit le pare-brise de deux autres dans une rue de Harlem. Il s’agit de votre troisième arrestation ces cinq dernières années M. Butler, je commence à en avoir assez de vous voir. Un petit mot peut-être ? »
« J’en aurais bien allumé plus mais je n’avais plus de carburant »
Tu lui souriais avec ton air déglingué et ton œil violacé qui ne s’ouvrait plus, œuvre de ton père qui était venu te « parler » au poste lorsqu’ils t’avaient arrêtés. Ouais, il t’avait défoncé la tête avant de chercher à comprendre avant de te demander ce que tu foutais dans ce quartier de négros. T’avais rigolé en crachant sur la table devant toi et t’avais répondu qu’elles étaient mal garées leurs putains de voitures. Il avait fini par te donner une tape sur l’épaule et te laisser te démerder. Ouais, il avait toujours considéré que les merdes qui t’arrivaient, tu pouvais les gérer seul et il n’avait pas tord mais elle ne t’avait pas échappée, la lueur de fierté dans son regard. Ouais, n’était-ce pas lui qui disaient que ces gens devaient retourner dans leur pays de merde ? Oh, qu’il soit lui-même immigré n’entrait pas en compte parce que lui, il était blanc et eux noirs. Ouais, certains hurleraient au racisme et ils avaient tout à fait raison mais…pour vous, c’était normal. Alors t’étais assis là face au juge qui écoutait ton commis d’office et dans ta tête, tu revoyais Deirdre sautant de joie sur le capot de la voiture aux pneus enflammés avant que tu ne viennes la rejoindre et l’embrasser. C’était pour elle que tu l’avais fait après tout. Tu voulais lui montrer que t’étais prêt à tout pour elle, pour lui montrer que t’étais pas une fucking pussy ! Et cette fois, elle ne t’avait filé aucun coup dans les burnes.


« Vous pouvez embrasser la mariée »
T’avais réussi ! T’avais fini par l’avoir ! Et elle était là face à toi, ta belle Deirdre ! Et même si tu venais de lui enfiler une alliance, elle te regardait avec cet air de défi qui te faisait tant vibrer. Ouais, t’avais peut-être pas été élevé dans l’amour et la tendresse mais cette fille, elle te faisait quelque chose. Peut-être parce qu’elle était un peu tarée comme toi ? Sa vie n’avait pas été rose, elle avait une ribambelle de frères tous plus cons les uns que les autres mais malgré tout ça, elle se tenait fièrement devant toi, toujours aussi insolente. Putain t’en étais fou de cette fille et quatre ans après votre rencontre, elle t’appartenait enfin ! « ça ne veut pas dire que je t’aime » qu’elle te chuchote avec cet air de sauvage et tu rigoles « fuck you » lui réponds-tu avant de l’embrasser devant votre maigre assistance. Y’avait sa famille mais ils n’avaient l’air de rien et la plupart n’étaient venus que pour se soûler à l’after et ta propre famille…bah ça ne valait pas mieux, y’avait bien ton père mais il était déjà presque saoul. Mais Erin était là, Erin ta précieuse petite sœur. Vous aviez grandi depuis le temps et elle était devenu une jeune femme magnifique. La prunelle de tes yeux et gare à celui qui l’approchait. Pareil pour Deirdre d’ailleurs. T’avais beau être un enfoiré de première, l’idée que quelqu’un puisse s’en prendre à l’une où l’autre te rendait fou et ouais, y’avait bien des chances pour que tu le tues.


« Les services de police bonsoir, quelle est votre urgence ? »
« C’est ma femme ! Je crois que je l’ai tuée putain ! »
Tu te tiens au milieu de la pièce, les mains dans les cheveux et elle est là à tes pieds, gisant par terre le visage en sang. Putain comment t’as pu déraper à ce point ? Tu entends quelque part les pleurs de votre bébé et là, tu paniques. Tu voulais pourtant pas la blesser, tu ne voulais pas lui faire du mal ! Mais BORDEL ELLE L’AVAIT CHERCHE ! Tu l’avais pourtant prévenue et ce n’était pas la première fois que vous vous battiez tous les deux, votre relation avait toujours été explosive mais…tu ne voulais pas lui faire du mal ! Enfin pas tant que ça quoi ! Et les cris du bébé ! LE BEBE ! Entendre ton fils pleurer te ramena à la réalité alors tel un automate, tu te dirigeais vers sa chambre et le sortis de son lit, le serrant dans tes bras en fredonnant une chanson, salissant son pyjama de sang. « Hey mon pote, tout va bien aller, pleure pas. Ils vont venir et réveiller maman, ne t’inquiète pas bébé. » Tu le serres doucement contre toi et tu le berces avec cet air hasard, t’asseyant sur le canapé en attendant les secours. Et la police. Nan, tu n’allais pas prendre la fuite parce que tu voulais savoir si Deirdre allait s’en sortir, tu voulais savoir ce qu’ils allaient faire de ton fils. Et enfin dans la nuit tu vis les sirènes fendre le silence de la nuit et les gyrophares attirer les curieux. La porte s’ouvrit soudain et des flics firent irruption dans votre pièce. « LES MAINS EN L’AIR » Tu ne pouvais pas, tu tenais ton fils alors doucement, tu le serrais un peu davantage contre toi.


« 10 minutes Butler ! »
Te prévins le garde alors que tu entrais dans le parloir, cherchant du regard le box qui t’avait été attribué…Le N°7. Tu t’y rendais le cœur battant, ne sachant pas trop à quoi t’attendre mais quand tu la vis elle, tu crus tomber à la renverse. Brusquement tu te jetais à la vitre, comme si toucher la surface lisse la ferait disparaître, comme si tu pouvais prendre ta merveilleuse femme dans tes bras. Elle eut un mouvement de recul et te dévisageais froidement alors sagement, tu t’asseyais prenant en main le téléphone servant de liaison. Il y avait tellement de choses que tu voulais lui dire…tellement de choses que tu regrettais. Tu tentais de mettre de l’ordre dans tes idées. Pardon Deirdre j’ai dérapé grave, pardonne moi s’il te plait ! Je t’en supplie redonne moi une chance et je ferais tout mieux ! Et tu attendais qu’elle prenne ce putain de téléphone mais nan, elle ne bougeait toujours pas alors tu le regardais aussi, intensément. Les hématomes étaient encore un peu visibles…Oh Jésus ! Tu aurais tellement voulu revenir en arrière ! Et enfin elle bougea, fouillant dans son sac avant de coller un paquet de feuilles à la vitre. Tu ne compris pas immédiatement, t’avais pas envie de regarder mais tu ne pus y échapper. Divorce. Voilà ce qui était noté en grands caractères. Bordel non ! Pourquoi elle ne prenait pas ce putain de téléphone au lieu de te monter ces conneries de papiers ? Tu faisais pourtant tout pour lui faire comprendre mais rien à faire, la voilà qu’elle se levait déjà pour s’éloigner. Alors tu disjonctais, tu balançais le téléphone contre la vitre, la cognant du plat de la main pour attirer son attention, en vain. « TU TE CALMES ! » te criait-on dans les oreilles mais rien à faire, t’étais rendu fou.